Magazine
Je reviens d'une conférence sur les nouveaux programmes de l'école
primaire. J'ai mal à la tête. Et au coeur. Et aux nerfs. Partout. La conférencière avait demandé à ses quelque trois cents instits d'envoyer des questions. Elle en a reçu une, la mienne. La voici
: "QUELLE PENSEE PHILOSOPHIQUE A INSPIRE CETTE REFORME; DANS QUELLE PERSPECTIVE ANTHROPOLOGIQUE S'INSCRIT-ELLE ?"
Eh bien ! J'attendrai longtemps la réponse. C'est qu'on n'a pas le droit de penser nous autres, seulement celui de réfléchir dans un cadre étroit. Alors je sens le fagot. La conférencière ne
manquera pas de me brûler bientôt et je vais de ce pas doubler ma dose d'antidépresseurs. Pour ne pas finir ma vie comme Valérie Cruzin qui s'est suicidée. On meurt beaucoup en ce moment chez les
enseignants. C'est que le mépris a des limites. Au prétexte que l'anthropologie est en effet une discipline transversale, la conférencière, même si elle ne m'a pas nommé, s'est permis un
persiflage brutal. Si elle m'avait donné la parole, je n'aurais même pas su la prendre tellement j'étais bouleversé. Je vais donc essayer de me convaincre que je ne suis qu'une merde et éviter de
me faire piétiner sur les trottoirs fangeux de la pédagogie et du formatage économique. Voilà, lectrices et lecteurs, mon état d'aujourd'hui, moi, petit instituteur de Bordeaux même pas encore
crevé !!! Un jour, la conférencière, s'il le faut, si on lui a dit de le dire, aura cette assertion antédiluvienne : La lune est plate ! Et il n'y aura pas à discuter. En attendant ce jour qui
signera à tout jamais la défaite de l'intelligence, je m'aplatis, je m'aplatis, jusqu'à disparaître.