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Prévisions personnelles : le système bancaire tiendra, mais la récession économique sera dure et l'état français affaibli

Publié le 08 octobre 2008 par Objectifliberte

Rbs L'annonce, mardi matin, de possibles nouvelles difficultés de certaines grandes banques anglaises et d'un "plan de sauvetage" sans précédent du trésor britannique ravive les craintes de graves difficultés du système bancaire dans le monde. L'épargnant est partagé entre la crainte de tout perdre si les banques s'effondrent, et une confiance plus ou moins grande dans la garantie des dépôts réaffirmée avec force par tous les gouvernements.

Bien que cela puisse paraître curieux pour le libéral qui sommeille en moi -- et cela pose des questions de fond, mais j'y reviendrai un autre jour...--- , la garantie de l'état sur les comptes me paraît viable à court terme. A long terme, c'est une autre histoire, mais chaque chose en son temps.

Au risque de me planter dans les grandes largeurs -- la prévision est un art très délicat --, la période étant propice aux erreurs, voici mes prévisions à court et moyen terme. Mais ne fondez pas de décision là dessus sans avoir pris beaucoup d'autres avis, bien sûr.

A court terme: pas de panique, la garantie est viable.

La fragilité actuelle des banques est liée à deux facteurs.
Tout d'abord, l'on constate une faiblesse du crédit interbancaire, encore que les informations de la presse soient assez contradictoires sur ce sujet (pessimiste : France, le Figaro, Optimiste: Usa, Forbes ). Les banques connaissent leur propre faiblesse actuelle, et évaluent sans peine celle de leurs concurrents et confrères.

Or, au jour le four, les banques ont besoin de se prêter de l'argent pour financer leurs opérations. Cela est dû au fait que chaque jour, des millions d'individus dans des banques différentes échangent des chèques et autres ordres de paiement par carte de crédit ou virements, et que ces échanges entre individus conduisent à des échanges de monnaie entre leurs banques respectives. Chaque jour, les banques centrales regroupent les transactions interbancaires, et la loi des grands nombres fait que, par exemple, tel jour, le Crédit Agricole devra transférer un solde vers la BNP, le lendemain, ce sera le contraire, etc... Les sommes à compenser au jour le jour peuvent être importantes, mais les banques, sachant que des mouvements inverses se produiront dans les jours suivants, se font volontiers crédit à des taux raisonnables, du moins... en temps normal.

Deuxièmement, pour financer leurs opérations plus importantes, comme des crédits bancaires et hypothécaires, les banques recourent à d'autres outils de refinancement pour faire face à leurs échéances de compensation: si la banque me prête 100 000 Euros pour acheter une maison, je rembourserais sur 20 ans, mais le chèque sera donné tout de suite à une personne dont le compte en banque pourra se situer dans un autre établissement: pour pouvoir prêter, les banques doivent pouvoir se refinancer.

Elles peuvent pour cela utiliser plusieurs sources, tels que leurs fonds propres, les dépôts créditeurs de leurs clients et certains comptes d'épargne, mais la principale source de refinancement consiste à  émettre des obligations à un taux moins élevé que celui qu'elles consentent à leurs clients, achetées par des investisseurs institutionnels (principalement des assureurs, des FCP, des fonds de pension, etc...). Usuellement, elles émettent un panaché d'obligations à court, moyen et long terme, le court terme ne venant qu'en "bouche trou", en ajustement de flux de trésorerie. Aujourd'hui, seules les émissions à très court terme (24 h) semblent trouver preneur, et encore. Bref, les banques contraintes de par leur trésorerie à se refinancer uniquement par de nouvelles émissions à court terme subissent un risque de mise en défaut important.

Ces deux mécanismes de financement qui donnent habituellement leur liquidité aux opérations bancaires sont aujourd'hui grippés, parce que, comme je l'expliquai mardi, il existe une classe d'actifs assez largement répandue dans le portefeuille des banques dont plus personne ne sait estimer la valeur exacte, et dont les dernières ventes, très rares, se sont faites à perte, ce qui oblige les banques à inscrire de fortes dépréciations dans leurs comptes, à cause de lois comptables mal conçues.    

Or, selon des sources dignes de foi, les montagnes de liquidités qui autrefois irriguaient les banques n'ont pas disparu. Simplement, les refinanceurs potentiels ne prêtent plus aux banques, sauf à quelques établissements qui inspirent encore confiance comme la BNP. Par contre, ils prêtent encore aux états, et souvent ne prêtent plus qu'aux états: ceux ci peuvent lever l'impôt, ils apparaissent donc comme le seul placement sans risque aujourd'hui, à tort ou à raison.

Par conséquent, au moins à court terme et contrairement à mes prévisions pessimistes d'il y a quelques jours (ça m'apprendra à me moquer de Stiglitz, tiens), les états, en ce moment, n'ont aucune peine à emprunter, et à des taux plutôt bas  voire très bas (l'état US arrive aujourd'hui à lever des fonds autour de 1% !).

Par conséquent, dans le contexte de folie qui prévaut ces jours ci, si une banque tombe, il n'y aura aucun problème pour refinancer les comptes des déposants, soit par consolidation avec une banque saine (il y en a encore), soit parce que l'état pourra, en oubliant les critères de Maastricht (les ministres des finances de la zone Euro viennent de s'asseoir dessus), trouver les fonds nécessaires pour assumer sa garantie tant que l'écroulement ne sera pas général.

"Certes, me direz vous, mais justement, l'écroulement général n'est il pas pour demain ?"

Au risque de me planter et d'être aussi ridicule que le sieur Joe Stiglitz déjà éreinté ici (mais je suis beaucoup moins connu, j'ai donc assez peu à perdre, en somme -- et si ça arrive, vous aurez d'autres problèmes à gérer que de me le faire remarquer: je suis tranquille !), je pense que l'écroulement généralisé n'est pas envisageable à court terme. Certes, tel ou tel établissement peut tomber, mais sans menacer l'ensemble, et les épargnants seront alors couverts par la garantie.

En effet, la crise actuelle est une crise de trésorerie des banques, mais même si les liquidités injectées dans le système par les banques centrales sont porteuses d'inflation à moyen terme, la valeur des biens et services échangeables par nos titres de paiement n'a pas disparu du jour au lendemain. Les actifs douteux dans les bilans des banques ont sans doute perdu de leur valeur, on ne sait pas bien les estimer, mais ils valent encore une part significative de leur valeur nominale. Bref, la chute de l'immobilier résidentiel fera des vagues, mais ne nous engloutira pas. 

Qu'enfin les incertitudes sur la valeur des actifs douteux des banques se lèvent, et l'huile du crédit interbancaire recommencera à irriguer les rouages de l'économie: les investisseurs institutionnels préfèreront demander  4% à la Barclays que 1 à 2% à un état central, et les banques pourront se refaire crédit entre elles. Par contre, si le brouillard reste dense, la pénurie de crédit risque d'atteindre aussi des entreprises non financières qui auront alors des problèmes, parfois graves, de trésorerie.

J'ai donc décidé de laisser mon argent dans ma banque, car paniquer à ce stade serait bien plus risqué que de rester raisonnablement zen. J'espère vraiment avoir raison, mais je joue avec mon argent (et j'en ai assez peu, je suis donc très prudent !), je n'ai pas réfléchi à la légère, et j'espère ne pas être contaminé par quelque insidieuse forme de Wishful Thinking.

Moyen et long terme: grosses inquiétudes pour l'économie

A moyen et long terme, par contre, il conviendra tant pour les individus que pour les entreprises d'élaborer une véritable stratégie de crise.

Car si le grand soir financier, malgré des soubresauts et spasmes violents toujours possibles, me paraît parfaitement évitable maintenant, la crise économique qui suivra derrière sera... Dure, voire très dure. Les banques vont devoir remonter leurs ratios de fonds propres, et réduire leur "effet de levier". Par conséquent, elles vont devoir réduire le volume de ce qui les fait vivre: le crédit. Moins d'offre de crédit pour payer les salariés et les charges, et un niveau de risque plus élevé du fait du contexte économique déprécié: les taux pratiqués par les banques aux entreprises comme aux particuliers vont augmenter.

Ajoutons que la baisse de l'immobilier va se poursuivre, ce qui est une très bonne nouvelle pour les consommateurs de logement en général, mais qui commence à poser des problèmes à tous ceux qui se trouvent face à une obligation de vendre pour racheter: les crédits relais irremboursables apparaissent comme autant de bombes à retardement qui pourraient encore faire chuter bien des ménages et plomber le bilan de certains établissements. Ne vous étonnez donc pas si votre banque se monter tout à coup très frileuse pour le moindre crédit à la consommation...

Lorsque le coût du crédit augmente, seule une baisse du coût d'accès au capital peut y remédier en permettant aux entreprises de financer leur développement. Cela suppose une baisse massive des taux d'imposition marginaux qui pèsent sur les hauts revenus, ceux qui peuvent former du capital, et les revenus de l'investissement productif -- en clair, laisser aux entreprises une large part de l'argent qu'elles arriveront encore à gagner. Une telle combinaison de capital bon marché et de crédit cher serait d'ailleurs bien plus saine que l'actuelle structure d'incitations fiscales et étatiques favorables à l'endettement, même en temps de bonne santé de l'économie, mais c'est un autre sujet.

Or, malgré les efforts désespérés des libéraux que nous sommes pour faire entendre raison aux opinions comme aux politiques qui vivent de leur crédulité, reconnaissons que les temps sont extrêmement durs pour nos idées, et pour l'acceptabilité politique de tout train de réformes libérales.

Alors que les états, oubliant promptement combien leurs propres règles et lois ont été nocives, se prétendent plus que jamais les "sauveurs" d'une finance dont on nous ressasse qu'elle serait devenue "folle", comment, dans un pays comme la France, quand bien même il le voudrait, l'état pourrait-il faire comprendre aux électeurs qu'après avoir sauvé le grand méchant ultra-libéralisme de ses prétendues tares, il devrait appliquer des recettes libérales pour guérir de nos maux à long terme ?  D'autre part, comment pourra-t-il réduire les impôts alors qu'il va accroître sensiblement sa dette, qu'il sera incapable de promouvoir des baisses massives de dépenses et qu'il annonce au contraire toujours plus d'interventions publiques ?

Vous me direz que je pars perdant, mais nous sommes partis pour vivre une vague interventionniste de grande ampleur. Là encore, je ne veux pas jouer les Cassandre, mais si nous parvenons à éteindre l'incendie actuel, le suivant, dont je ne puis dire quand il se déclenchera -- c'est d'ailleurs l'inconvénient de toute prévision catastrophiste: si elle ne se produit pas dans un délai raisonnable après qu'elle ait été émise, elle vous fait passer pour un abruti --, risque de nous être fatal: Récession économique, chute des rentrées fiscales, hausse des dépenses d'assistance sociale, creusement des déficits... Et dans ce cas, les investisseurs ne viendront pas sauver l'état en lui prêtant à 1% !

D'autant plus que l'état nounou garant presque universel des dépôts et des crédits bancaires, super-régulateur et ingénieur social de la nation, incitera, après ce sauvetage, les acteurs du système financier et les agents économiques (c'est à dire chacun d'entre nous) à toujours plus d'irresponsabilité, ce qui alimentera de nouvelles bombes financières à retardement.

Enfin, nous pourrions avoir la mauvaise surprise de voir que les comptes de nos régimes d'assurance maladie et de retraite se dégradent plus vite que prévu. Là encore, en l'absence de réforme remettant la responsabilité individuelle au centre de la protection sociale,  cette dégradation des comptes est absolument inéluctable. 

Je maintiens donc, tout en souhaitant vivement me tromper, que dans un délai indéterminé  -- quelques mois ? une poignée d'années ? --, il y a une probabilité non négligeable que l'état français subisse un grand coup de ciseau budgétaire --baisse des recettes, hausse des dépenses-- qui l'amènera au bord de la banqueroute.
Mon seul très mince espoir est que cette prophétie soit partagée en haut lieu et se révèle auto-correctrice, le gouvernement réalisant alors que seul un train de réformes "à l'Estonienne" puisse nous tirer d'un tel mauvais pas. Mais autant rêver qu'Olivier Besancenot prenne sa carte du Parti Libéral Démocrate.

L'on peut aussi imaginer que l'Italie, dont les finances sont en bien plus mauvais état que les nôtres, tombe la première, obligeant les autres pays d'Europe à réformer franchement après n'avoir subi que des retombées indirectes moins difficiles à gérer. Ou que les pays d'Europe qui ont mieux réformé que nous leur état repartent de l'avant, leur croissance, par effet de bord résiduel, nous tirant temporairement de l'embarras. Mais un pari aveugle sur ces hypothèses "favorables" parait aujourd'hui très spéculatif.

Les leçons à tirer de l'actuelle  crise sont innombrables mais exigeront que nous sachions garder la tête froide et osions remettre en cause bien des paradigmes de l'interventionnisme étatique pourtant quasiment rentrés dans les gènes de nos sociétés. Mais cela est-il possible dans la France de  2008 ? Je ne pensais pas cela si proche de nous il y a quelques mois, mais nous devons nous préparer à vivre des jours économiquement bien sombres, pendant lesquels nos libertés seront plus que jamais sous la menace de ceux qui prétendent vouloir faire notre bien à notre place. 

En espérant me tromper...
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Mise à jour minuit 36 : Sur Telos, un professseur d'économie Genevois revient de façon didactique sur la nature de la crise et ses incertitudes: crise de liquidités ou de solvabilité ?
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