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Tache lovée entre thorax et côtes flottantes

Publié le 27 septembre 2008 par Menear
Entre deux pages de La vitesse des choses, entre deux partitas de Bach, entre deux pages de Jacques Josse, l'impression de passer mon temps-lecture dans des cimetières, dans des charniers, des spectreries. Je suis éclairé par la lune quand elle existe et je déchiffre à son insu toutes les lettres de tous mes livres jamais lus comme tatoués dans la poussière de ses cratères (quand ils y sont).
Son visage ne se découpera plus sur l’eau noire de l’Elez.
Ce soir, entre ténèbres et bas-fonds, seul un chien ivre a le cœur à boire du purin d’orties à petites gorgées.
Elle, ensevelie dans sa tombe,
se souvient à peine de la couleur du marais et de la tourbe.
Allongée, morte,
paisible sous la terre,
occupée à coudre une à une les larmes de la rivière,
elle confectionne une écharpe de deuil
pour serrer le cou du chien.
Jacques Josse, Dormants, Publie.net, P.5.
Désemparé, évitant les flaques et jetant une frêle lumière en avant, il se déplace, se déhanche, titube dans nos mémoires.
Il arpente le hameau. Son talon cogne le sol. Il tire sur son ombre. Passe entre deux rangées d’arbres. Suit un long couloir sous la lune.
« Je vais, dit-il, porter d’interminables requiems à ceux qui dorment sous le marbre ».
P.9.
Eplorée, foulard crème, joues grises, relit, traits tirés, les exvoto réunis sous le porche d’une chapelle bâtie pour honorer les péris, à mi-pente, sur le granit bleu, entre Paimpol et Bréhat.
Imagine, cassée en deux devant un mur humide, de nombreux doris pris dans des tentures de brume – avec, givrés dedans, des rameurs aux yeux hagards – puis, venue du dessous, une série de plaintes furtives, sorties d’un requiem joué par un squelette (phalanges d’or et cheveux ébouriffés par les vagues) sur un piano resté stable et bien accordé sous l’eau.
P.22
Ce billet aurait tout aussi pu prendre pour titre De retour dans la lenteur de l'aube ou bien Le mort trône au milieu de la pièce ou encore Ses restes d'arthroses au soleil mais bon c'est comme ça.

Il y a trois ans et demi, Fanny et moi dans les allées du Père Lachaise à faire semblant de craindre les failles béantes le long des mausolées et les fantômes qui s'y glissent. Ensuite nous surplombions cette vallée de cadavres aux allures de ville réelle et nous gardions notre souffle pour nous de peur de se le faire voler.


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