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Jour 200, Sylvain : MARTYN BATES, Your Jewled Footsteps (2006)

Publié le 14 octobre 2008 par Oagd
Jour 200, Sylvain : MARTYN BATES, Your Jewled Footsteps (2006) Pochette de Your Jewled Footsteps, vue par François Matton Ecouter des extraits sur la page de Martyn Bates. J'écoute ça épuisé, après une séance d'écriture, lorsque je n'ai plus rien à conquérir. La savante instabilité de la voix de Martyn Bates me rappelle alors mes phrases les plus dépenaillées, écrites en me disant « Allez je le tente ». Celles dont la plupart disparaîtront à la séance suivante. Martyn Bates, lui, n'efface pas. Dans son studio personnel de Nuneaton (Mid- lands, Angleterre), il enregistre. Son approche est restée adolescente : l'expérimentation prime sur le résultat. Chose extraordinaire, Martyn Bates n'a pas de fiche Wikipedia. Il en existe une pour Eyeless in Gaza, le duo qu'il forme par intermittences depuis trente ans avec Peter Becker, mais Martyn Bates en solo c'est lé- gèrement différent. (Précisons qu'une légère différence entraîne sur la surface étale de cette musique un bouleversement complet du paysage.) Impossibles, ses débuts de chansons excluent tout espoir de dévelop- pement, donc il ne les développe pas, laisse juste le temps passer sur eux. Ce début impossible par quoi passe le temps, c'est la chanson. Ce CD, Your Jewled Footsteps, est une compilation de disques si rares (Bates solo + collaborations hors Gaza, 1979-2006) qu'il peut être possédé pour lui-même. Il vaut album, conçu comme tel, recomposé sans chrono- logie, et unifié par le mixage. L'écriture de Bates a pour point commun avec ACDC d'être posée depuis le début et d'avoir à peine varié ensuite. (Sauf que là, si le chanteur décède, il n'y a plus personne pour demander à quelqu'un de le remplacer.) Peut-être, quand on parle de la mort d'un genre (« la mort de la peinture », « la mort du cinéma », « la mort du rock »), ne s'agit-il pas d'un constat objectif, sujet à datation et à controverse, mais d'une phase donnée de la sensibilité d'un homme. D'une hypothèse. A tel moment de ma vie, me voici plus réceptif à la part de mort présente en toute chose. Sous cet angle, il est permis de dire que M. Bates compose une œuvre « de la mort de la pop » ; une pop post-mortem ; une pop pour l'On a Good Day post-mortem qui s'ouvre ce 14 octobre au soir. C'est à la troisième écoute qu'apparaît le caractère terrien, villageois, en partie gaélique, d'une telle collection de chansons. Voilà une musique folk du Royaume-Uni, vierge des évolutions américaines de la souche de départ. Revenir à cette souche, interroger son développement avorté par la domination du grand cousin, se demander ce qu'il reste pour se définir dans un espace géographique donné, et tenter de le faire au présent (dire sa terre tout en proposant une vision de la modernité) : je vois quatre personnes en Angleterre pour réaliser ce travail, Martyn Bates, Andy Partridge, Martin Newell et Kate Bush. Les photos de pochette (« L'environnement du musicien à Nuneaton », lit-on) sont instructives ; sans intérêt photographique particulier, sauf dans l'imagination et l'envie de celui qui déclenche, elles disent parfaitement l'ici et maintenant de se trouver en Angleterre et nulle part ailleurs : la bow-window du voisin ; les feux de stop d'une voiture, rouges au milieu de la rue, vus à travers la vitre mouillée d'un autre véhicule ; etc. A leur image, les morceaux de cette musique d'apparence étale, en se rejoignant par-delà les années, créent une tension du sentiment d'exister, où l'on sera surpris de soudain reconnaître un pur accès de joie.

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