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Le velours rêche de Robert Alexis

Par Ephemerveille

Le très discret Robert Alexis, écrivain lyonnais, a publié plusieurs romans aux éditions José Corti. Le premier de ceux-ci, La Robe, est récemment sorti en format poche chez Points.

Il y a quelque chose de Julien Gracq chez Robert Alexis. D’ailleurs publié par le même éditeur, ce dernier nous emmène, avec La Robe,

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dans une ville inconnue, et plus précisément dans une caserne militaire. L’époque, elle-aussi, doit être supposée par le lecteur.

Un jeune homme issu de la haute noblesse décide, au grand dam de ses parents, d’embrasser une carrière militaire.

Sensible, presque fébrile, il semble s’être mépris dans ses ambitions professionnelles. Pourtant, il aspire à être un bon officier et exécute les ordres avec précision, attendant que lui et ses hommes soient réquisitionnés pour participer à la guerre qui fait rage on ne sait où.

Ses subalternes trompent leur ennui en organisant de paillardes beuveries, abusant des charmes de quelques filles à soldats.

Le personnage de Robert Alexis, lui, ne se sent pas à sa place dans ces bruyantes bacchanales. Il reste à l’écart, semblant attendre des femmes davantage de douceur et de romantisme.

Mais, un jour, un des hommes de la caserne lui présente une italienne adepte de libertinage, Rosetta. Belle, sulfureuse, elle lui fait goûter aux délices de sa chair lors de leurs nombreux rendez-vous.

Vient ensuite la rencontre avec le père de cette femme, Hermann, qui possède une maison dans laquelle, le soir venu, des hordes d’individus apparemment très libérés s’adonnent à des orgies et d’autres extravagances érotiques. Hermann, connu dans le monde entier, selon ses dires, s’estime capable de révéler à chacun sa réelle identité. Sans se proclamer psychanalyste, il prétend pouvoir déceler la vraie nature des personnes qui le consultent.

Le narrateur découvre alors un microcosme dont il méconnaissait l’existence. Inévitablement, un magnétisme fou l’aimante à cette étrange découverte qui hantera définitivement son esprit.

Une des grandes qualités de Robert Alexis est de savoir rendre latent ce qu’il fera éclater à la fin de son roman, faisant douter son lecteur durant toute sa lecture.

La révélation du narrateur sera provoquée par cette robe rouge qu’il apercevra un soir dans la vitrine de la sombre boutique d’un tailleur. L’habit exercera sur lui une fascination étrange dont il mettra du temps à connaître l’origine.

Robert Alexis a le savant pouvoir de charmer son lecteur en quelques pages, aussi bien que ses héroïnes débordantes de stupre qui séduisent d’une étrange façon, aux limites paradoxales du maléfique et l’enivrement.

La Robe nous entraîne admirablement dans cette singulière confusion. Ambigu à tous les égards, ce livre nous égare délicieusement dans les obsessions et les fantasmes de son narrateur. Au seuil d’un éventuel basculement tout entier de sa vie, impliquant son identité sexuelle, son honneur et ses convictions, il éprouvera un indicible vertige. Résistera-t-il, suivra-t-il les professions et avertissements de l’aumônier bienveillant ? Ou succombera-t-il en caressant cette envie nichée au plus profond de lui, aussi douce que cette soyeuse robe ?


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