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Mad Men - le pilote

Publié le 23 juillet 2007 par Heather
Mad Men - le pilote

Diffusée sur : AMC (Etats-Unis)
Depuis le : 19 juillet 2007

Avec qui ?
John Hamm (Providence, The Division), Vincent Kartheiser (Angel), Elizabeth Moss (A la Maison Blanche), Michael Gladis, Aaron Staton, Rich Sommer, Christina Hendricks (Kevin Hill, Beggars and Choosers), Maggie Siff, John Slattery (Ed, Jack & Bobby), Bryan Batt, January Jones, Rosemary Dewitt (Standoff).

Ca parle de quoi ?
Man Men est une série créée par de Matthew Weiner, l'un des scénaristes et producteurs exécutifs des Sopranos. Elle se déroule au sein d'une agence de publicité, Sterling Cooper, à New York, nous immergeant dans l'ambiance machiste, communautariste, mais où les changements sont déjà en germe des années 1960. La série dépeint le milieu ultra-concurrentiel des publicistes de Madison Avenue, que domine Don Carper. (source : www.serieslive.com)

Mad Men - le pilote

Avis :

Ce pilote nous immerge dans l'atmosphère enfumée du début des années 60. Il touche ma fibre nostalgique puisqu'il s'agit d'une époque qui a toujours exercé une certaine fascination chez moi. Avec un souci du détail très (trop?) méticuleux, il esquisse tous les ressorts scénaristiques auquel on pouvait s'attendre. Le communautarisme s'invite par quelques remarques sur les propriétaires juifs d'un grand magasin aux ambitions haut standing que son origine dessert. Le machisme ambiant est très appuyé. Les remarques sexistes fusent, dépouillées de toute subtilité, directes et provocatrices servies par l'arrogance de ceux qui occupent les lieux. C'est finalement le traitement des relations hommes/femmes qui constitue un des points positifs les plus convaincants de ce pilote. Avec un réalisme dépouillé de tout effet, ce pilote nous présente la place des "filles", secrétaires à tout faire dans cette grande boîte new yorkaise, à travers les hésitations de Peggy, nouvelle venue qui cherche l'attitude à adopter face à ses supérieurs. On l'attend docile comme toute femme, sachant rester à sa place, mais aussi libérée comme une fille de New York, découvrant ses jambes grâce aux robes de plus en plus courtes et prête à utiliser les moyens de contraception auxquels elle peut avoir accès. L'ambivalence de cette jeune femme du début des années 60, encore entre deux époques, est mise en exergue grâce à la mise en parallèle de cette superposition de symbole : la modernité vers laquelle elle tend et qui s'esquisse par petites touches avec en creux la révolution sexuelle qui s'annonce, et des moeurs sociales qui demeurent encore si rigides, l'enfermant dans un statut d'infériorité.

C'est au sein d'une agence de publicité new-yorkaise que la série nous immerge dans cette période charnière, décennie constituant un pont entre deux époques. Les publicistes de Madison Avenue étaient appelés les "Mad Men", d'où le titre de la série. Le pilote demeure très impersonnel. Si l'on suit principalement Don Carper dans une de ses journées-type, tout en accompagnant les premiers pas de Peggy sous la houlette d'une autre secrétaire qui lui inculque les moeurs de la compagnie, la caméra garde toujours une froide distance avec l'ensemble, comme pour mieux accentué le décalage qu'offre cette époque. La rigidité ambiante contraste avec les passions sous-jacentes, le savoir-vivre impose une étiquette qui amène à échanger des phrases assassines sur le ton poli d'une conversation normale. En raison de cette approche, les personnages apparaissent très stéréotypés aux premiers abords. Celui qui est au sommet et qui doit faire tout ce qu'il peut pour rester au top, le jeune cadre aux dents longues, les secrétaires "libérées" comme elles doivent l'être... Pourtant quelque part entre les hésitations de Peggy qui fait finalement certains choix importants et la scène finale de Don qui offre une perspective complètement différente au personnage, toute cette galerie d'individualités aux raisonnements d'un autre temps intrigue. Le cynisme de Don ainsi que sa maîtrise du milieu dans lequel il évolue permette d'équilibrer en offrant un parfait contraste avec l'inexpérience de Peggy, assignée comme étant sa secrétaire.

Un autre aspect intéressant de ce pilote est l'activité dans la publicité même. Deux cas des plus symboliques sont soumis à la compagnie ce jour-là. Il y a d'abord cette importante compagnie, fabricante de cigarettes, qui se demande comment contre-attaquer les accusations du Reader Digest, selon lequel le tabac serait nocif pour la santé. Le gouvernement leur interdit désormais de jouer la carte des experts scientifiques témoignant de l'absence de dangerosité de leur marchandise. On assiste aux balbutiements de la lutte anti-tabac, les raisonnements apparaissent au téléspectateur, si étranges et dépassés. Cette affaire permet à Don d'offrir un cours sur la conception d'une campagne de publicité, en direct lors d'une réunion. L'approche de la publicité change également au cours de cette décennie, s'adaptant à l'évolution des moeurs, les consommateurs n'étant plus réceptifs aux mêmes éléments. La seconde affaire, sur ce grand magasin d'une famille juive, gérée par une héritière au fort caractère, est l'occasion de créer un clash avec Don. Les réflexes sexistes et communautaires reviennent sous l'effet de la colère comme des préjugés normalement assimilés, que l'étiquette ne permet que de diluer dans un savoir-vivre de politesse. La confrontation au restaurant entre ces deux personnages au fort caractère est particulièrement piquante et intéressante.

La réalisation, un brin figée, suit le ton général de ce pilote. Le principal reproche que l'on peut adresser finalement à cet épisode serait son extrême et constant sérieux. Même les plaisanteries, toutes droit sorties d'un autre temps, ou les essais pour jouer sur le décalage technologique avec la machine à écrire, apparaissent crispées, enfermées dans le carcan de cette société qui commence à peine à se fissurer. Les blagues du patron de Don, lorsqu'il fait référence à la campagne Kennedy/Nixon qui s'annonce, pour convaincre Don d'accepter d'y prendre part, semblent si gentiment désuètes. "Consider the product : he's young, handsome, Navy hero. Honestly, it shouldn't be too difficult to convince America Dick Nixon is a winner."

Bilan : Il flotte un air de cigare et de testostérone sur cette série à l'évidence ambitieuse. Le décalage des sixties est pleinement exploité, tant dans les moeurs de la société que dans le milieu dans lequel il évolue. Dans ce New York urbain, on devine déjà cette société en mutation, entre deux époques, ne sachant encore trop dans quelle direction s'orienter, sur quelles certitudes s'appuyer.

Ce pilote intrigue et pique la curiosité du téléspectateur. Mais c'est encore trop tôt pour dire si les critiques si élogieuses de la presse américaine sont pleinement justifiées. Il y avait tellement de distance dans ce pilote, que j'attends d'en découvrir plus. Il faudra voir si la série en se développant peut peut-être prendre une dimension moins rigide, pour que l'on puisse également s'attacher au sort des personnages, sans rester dans une galerie trop impersonnelle. Cela viendra avec le temps et l'épaisseur qu'ils pourront acquérir. Une série à suivre et surveiller de très près.

Pour un aperçu de l'ambiance, voici le générique de la série :

Pour voir une présentation, visionnez la bande-annonce :


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