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Professionnel (ou pas)

Publié le 23 octobre 2008 par Chrisos

Nous ne parlerons pas aujourd’hui du film de G. Lautner avec l’excellent Jean-Paul Belmondo, mais, plus simplement, du terme “professionnel”, qui est à la fois un adjectif et un substantif.

Professionnel : c’est compliqué!

On s’aperçoit vite que professionnel a plusieurs sens, et qu’il y a souvent des nuances.

Sur Wikipedia, c’est un peu décevant, puisque, essayer de comprendre le sens de professionnalisme, en lisant la rubrique “travail”, nous laisse sur notre faim. On comprend cependant qu’il y a une opposition entre professionnel et amateur ou professionnel et particulier. La section sport est un peu plus intéressante : puisqu’un professionnel est “quelqu’un qui tire de son activité des revenus suffisants pour en vivre, à l’inverse de l’amateur (dont la rémunération demeure minime sinon nulle)“. Enfin, dans le “Milieu artistique”, “la distinction entre professionnel et amateur en musique, par exemple, n’est pas forcément pertinente”.
On pourra lire Professionnels versus amateurs de Dana Hilliot pour en savoir plus, et spécifiquement sur ce qui se passe en musique. Il y a clairement des points communs avec d’autres secteurs. J’aime beaucoup la fin de sa conclusion :

En réalité, l’échec d’une profession qui, obnubilé(e) par ses propres rites, n’a daigné considérer l’autre, le dit « amateur », qu’à partir du moment où il parvenait à rentrer dans le rang : un manque cruel de perspectives, un conservatisme à court terme, un mépris constant des masses, oui, c’est bientôt la fin d’un certain monde de l’art.

Je ne suis pas sûr qu’on le regrette en fin de compte.

Toute ressemblance avec la critique gastronomique serait, bien entendu, fortuite!

Les professionnels

Revenons à quelques usages du mot professionnel. Souvent, on parle de “professionnels qui tiennent un restaurant”, et qu’on nous dit qu’il “ne faut pas se faire de soucis sur le sérieux et la qualité des prestations”, puisqu’il s’agit de professionnels. Il doit s’agir d’une référence au point II-A1 mentionné ici : “Personne qui exerce, qui connaît parfaitement un métier donné. Synon. pro (infra rem.), spécialiste; anton. amateur. “. Ou bien, au sens de II-A2 : “Personne qui exerce une activité quelconque à la façon d’un métier, habituellement“. Certes, ce n’est pas la même chose! Pro version II-A1 implique pro version II-A2, mais la réciproque n’est pas vraie.

Même pour des professions hautement qualifiées, exercées après de longues années d’études, auxquelles on accède après des concours, et sanctionnées par des diplômes reconnus, c’est assez dur et II-A2 n’implique pas forcément II-A1. La preuve, il existe de bons ingénieurs et de mauvais ingénieurs, des avocats compétents qui défendent bien leurs clients, alors que d’autres ont plutôt tendance à se retrouver dans des causes perdues et/ou vaines. Idem, il y a des chefs d’entreprises respectés et respectueux et des voyous qui mènent la leur à la faillite, après s’être servis dans la caisse. Il y a de tout dans la nature, et même si l’on a le droit d’exercer un métier, d’être professionnel, on ne le fait pas toujours bien.

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Restos de pros

Dans la restauration et l’hôtellerie, il existe bien sur des formations (du CAP/BEP jusqu’au mastère spécialisé). Bien sur, il y a sélection, l’apprentissage est rude et se fait progressivement. Tout le monde ne rêve pas forcément d’avoir un jour trois étoiles, de passer à la télé ou d’avoir sa tête et son nom sur des produits vendus en grande surface. Mais chacun espère quand même vivre (gagner sa vie) de son métier. Ou alors il y a un problème, et il vaut mieux faire autre chose. Tout le monde est professionnel. Certains commencent très tôt, d’autres s’y mettent plus tard, après avoir déjà exercé d’autres métiers ou vécu une autre vie.

On me dira que dans certains cas, pour un clandestin sri-lankais, indien ou pakistanais, il n’y a parfois pas d’autre alternative. Malgré tout, même si leurs conditions de vie sont en dessous de la moyenne dans notre pays de privilégiés, elles sont souvent nettement meilleures que dans leurs pays d’origine. Bref, quelque soit ce qu’on a fait avant, si l’on est motivé et qu’on peut apprendre l’essentiel du métier auprès de quelqu’un qui a de l’expérience et un peu de pédagogie, on pourra s’en sortir honorablement.

Il “suffit” de s’y intéresser, de s’y mettre, pour devenir, ipso facto, des professionnels. C’est le temps, les clients, qui jugeront s’il s’agit de “bons” professionnels. Mais le fait de dire simplement qu’ils sont professionnels me parait un peu léger. J’ai envie de demander : “quel est leur palmarès? Où ont-ils fait leurs preuves?” Ce n’est pas parce que tout se passait bien pour eux quand ils travaillaient auprès de tel grand chef que le restaurant que ce jeune chef ouvre avec sa copine/femme/compagne (qui faisait le service dans le même établissement) que tout ira bien et qu’on peut y aller les yeux fermés.
Tout simplement parce que ce n’est pas le même métier, et que l’on a beau être un chef “pro”, on ne devient pas forcément un restaurateur (j’entends un propriétaire/gérant de restaurant), comme ça, du jour au lendemain. Il faut apprendre, et l’on n’a pas forcément tout juste du premier coup. D’ailleurs, souvent, ça ne se passe pas comme prévu. Les qualités d’un bon chef de cuisine ne sont pas les mêmes que celles d’un bon chef d’entreprise, même s’il y a bien sur des constantes (notamment dans le nom : chef).

Finalement, c’est comme dans tout métier, et le principe de Peter s’applique aussi. Un jeune sous-chef qui se débrouille bien et qui a des ambitions voudra voler de ses propres ailes, mais les performances passées ne présagent en rien de ses performances futures. Surtout quand ce n’est pas comparable! Voilà donc qui balaie l’argument un peu facile : “ce sont des professionnels“, qui permet de botter en touche sans s’attarder sur le fond…

L’adjectif “professionnel”

C’est le point I-A3 qui commence à être intéressant, puisque I-A1 et I-A2 renvoient directement à profession ou métier. “Qui concerne une profession ou des professions dans une branche, un secteur d’activité particulier.

Une association dite “professionnelle”, par exemple, regroupe donc des personnes ayant la même profession. C’est quand même plus précis qu’une “association de professionnels”, qui peut comporter des professionnels de différente espèce. Or une profession, c’est (passons directement au sens B, dans A) une : “Activité, état, fonction habituelle d’une personne qui constitue généralement la source de ses moyens d’existence“.

En tout état de cause, quand on voit que quelqu’un fait partie d’une association professionnelle qui a pignon sur rue, on se dit que cette personne a forcément le statut de “pro”. Ou alors, il y a malentendu voire tromperie, de la part du membre et/ou de l’association.

On dirait une pute!

Pour finir sur une note légère, rappelons que professionnelle signifie aussi (IID) : “Prostituée, fille publique“. D’où l’ambigüité de cette phrase : “Ahlala, cette blogueuse, vraiment, quelle professionnelle cette blogueuse qui ne reste qu’entre professionnels et qui ne jure que par eux!“.

Toute ressemblance avec des personnes existantes, ou même si vous croyez vous reconnaitre dans ces propos n’est que fortuite et bien évidemment fâcheuse. Il ne faut pas avoir une aussi mauvaise opinion de soi, ou assumer.

Signé : un amateur, dilettante, et fier de l’être.


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