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Alain Platel : (sans) Pitié !

Publié le 25 octobre 2008 par Jérôme Delatour
Assurément, la dernière pièce d'Alain Platel inspire plus de pitié que de passion.
Quand le grand Adolphe (Jean-Marc) annonce du sexe dans une feuille de salle, il faut s'attendre à ce que le spectacle soit mauvais. On n'a pas été déçu.

L'arithmétique est une science cruelle. Avec Pitié !, Alain Platel réédite Vsprs, version bifluorée. Il y met plus de pirouettes, plus de gueules béantes, plus d'hystéries, plus de grimaces d'handicapés mentaux, plus de cris et de gémissements, plus de couleurs, plus de danseurs, plus de chanteurs, plus de musiciens ; mais aussi, hélas, beaucoup, beaucoup, beaucoup plus d'ennui et d'à peu près. Bref, plus de tout. Et pourtant, le résultat est proche de zéro. Malgré la qualité, indéniable, de l'ensemble des interprètes.
C'est le syndrôme du regrettable Bazar du homard de Jan Lauwers : comme ce dernier, Alain Platel a voulu nous resservir une pièce à succès. Il a fait pareil en plus, nous refaisant même le coup de la musique vieille radjeunie (cette fois la Passion selon saint Matthieu de Bach, toujours par Fabrizio Cassol). Mais la sauce ne prend plus, elle tourne. Et ce malgré quelques nouveaux ingrédients improbables conçus pour la rallonger, comme les figures de kamasutra (vues chez Gilles Jobin, Kataline Patkaï...) et, pire encore, le baissage de froc accroupi (pour dire sans doute, comme dirait mon ami Guy, l'étron qui ne vient pas ? Ô constipation pathétique !)

Etirée de surcroît sur deux bonnes heures, la pièce laisse impitoyablement le temps de bien considérer toutes ses répétitions, toutes ses ficelles, toute son inconsistance. Car c'est cela qui choque le plus : l'impression très inconfortable qu'Alain Platel n'a strictement rien à dire. Sa pitié est abstraite, gratuite, décorative. Aucune urgence ne paraît la justifier, sinon celle de faire vivre une compagnie. La compagnie y trouve certainement son compte, mais le public...

Qu'en disent les professionnels de la culture ? Pour eux, c'est du tout bon, courez-y ! Témoin Rosita Boisseau dans Le Monde, ou Philippe Noisette qui tire à la ligne dans les Echos. Mais pour qui sait lire le Jean-Marc Adolphe (feuille de salle) dans le texte, il n'est pas difficile de comprendre que ce dernier, malgré son obligation d'être publicitaire, ne cache pas ses réserves : "Alain Platel... fait son Platel. Mais sans trop se répéter... Platel aussi, sans doute moins impétueux qu'au temps de Bonjour Madame..."

Pitié !, d'Alain Platel, est donné au Théâtre de la Ville du  21 au 29 octobre 2008.

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