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Immobilier en bourse, l’incertitude demeure / par Jean-Louis Cochard

Publié le 29 octobre 2008 par Alains

Alain Sueur : peut-on, dans la bourrasque financière que nous connaissons depuis plusieurs semaines, faire un nouveau point sur le secteur immobilier en bourse ?

Jean-Louis Cochard : après avoir relativement résisté jusque la rentrée (au 16 septembre l’indice EPRA Eurozone ne perdait « que » 18,28 % par rapport au 31 décembre 2007 alors que le CAC 40 chutait, lui, de 27,19 %), le secteur a payé un lourd tribut à la bourrasque dont vous parlez, sa « performance » étant aujourd’hui parallèle à celle du marché : - 43,64 % pour l’EPRA contre – 43,11 % pour le CAC 40 (au 24 octobre).

AS : comment peut-on expliquer cette chute ?

J-L C : par une brutale modification à la fois de l’environnement et des anticipations. Jusqu’à présent, le secteur était certes attaqué à la suite de la remontée des taux de capitalisation et des craintes de baisse des A.N.R.(actif  net par action). Mais en sens inverse on lui reconnaissait un certain caractère défensif par son coté « acyclique », allant même jusque lui accorder un rôle de protection contre l’inflation du fait de l’indexation des loyers. Or les semaines que nous venons de vivre ont fait exploser ce scénario. La crise financière a entraîné, chacun le sait, un « credit crunch » auquel les foncières, fortement endettées par nature, n’ont pas de raison d’échapper. Des craintes se sont donc fait jour, à juste titre d’ailleurs, sur les difficultés de refinancement que certaines d’entre elles pourraient rencontrer.

Deuxièmement, il est acquis à ce jour que cette crise financière se doublera d’une sévère crise économique, laquelle se répercutera sur chacun des segments de l’immobilier d’entreprise : la logistique, c’est évident avec des entreprises qui ferment ou qui se mettent en chômage technique, mais également les bureaux et les centres commerciaux. Sur les bureaux, un seul exemple : on estime que la City devrait perdre plus de 60 000 emplois sur les deux années 2008 et 2009, ce qui, à raison de 8 m2 à 10 m2 par salarié, donne une idée de l’impact que cela peut avoir sur le marché des bureaux. Conséquence, on anticipe pour Londres une hausse significative de la vacance, et par suite une baisse des loyers et des valeurs. Or il faut se souvenir que c’est l’envolée de Londres qui avait, en partie tout au moins, entraîné celle de Paris depuis cinq ans, lequel Paris ne sera d’ailleurs pas non plus épargné, tout comme Amsterdam, par les mesures de restructuration qui toucheront le secteur de la finance.

L’indexation sur le marché français, enfin, est elle-même sujet à interrogations : trop forte en 2008 (+ 8,85 % en glissement annuel au second trimestre après + 8,09 % au premier) au point que l’on peut s’attendre à une vague de renégociations, la loi autorisant les entreprises locataires à demander une révision par voie judiciaire du bail dès lors que leur loyer a augmenté de plus de 25 % par le simple jeu de l’index par rapport à leur loyer initial, elle risque de se retrouver … négative en 2009, l’I.C.C. étant, rappelons le, un indice de coûts …

AS : des perspectives sombres, donc, pour les bureaux. Mais les centres commerciaux ne pourraient-ils pas, eux, tirer leur épingle du jeu ?

J-L C : l’idée généralement admise, et abondamment relayée d’ailleurs par les foncières concernées, est que les centres commerciaux, s’ils ne peuvent être complètement immunisés contre une dégradation de la conjoncture, ne perdent pas de valeur du fait, par exemple, de leur caractère « non reproductible » : s’il est toujours possible en effet, et on ne va d’ailleurs pas s’en priver, de lancer une tour de plus à la Défense, comment remplacer le Forum des Halles ou les Quatre Temps ? 

Or aujourd’hui il est possible de s’interroger sur ce que serait l’impact d’une baisse de la consommation des ménages, avec son cortège de commerçants mettant « la clef sous la porte », sur le chiffre d’affaires, et donc la valeur, des centres commerciaux. Sans verser dans le catastrophisme, on voit d’ores et déjà que certaines grandes enseignes dans la distribution alimentaires ou les loisirs, par exemple, ne jouent plus leur rôle traditionnel de « locomotive » pour un centre commercial.

AS : d’accord, mais après une baisse de 30 % du cours des foncières en 2007, puis de plus de 40 %, vous l’avez rappelé, depuis le début de l’année en cours, tout cela n’est-il pas plus ou moins dans les cours ?

J-L C : d’abord, oublions la baisse de 2007, que j’interprète comme une simple remise à niveau après l’exubérance irrationnelle (+ 45 %) de 2006. Ceci étant précisé, il est clair que si l’on a un horizon à cinq ans, les cours actuels constituent un formidable point d’entrée (mais on pourrait sans doute dire cela de toute la Cote, ou presque).

A horizon trois mois en revanche, je reste plus prudent, le « news flow » à venir restant à mon sens négatif, d’abord en novembre avec les chiffres qui vont être publiés par les foncières britanniques, puis de nouveau en février avec les publications, cette fois, des foncières d’Europe Continentale. Dit autrement,  je ne suis pas sûr que l’incertitude qui entoure le secteur soit, à ce jour, suffisamment dans les cours.

Jean-Louis Cochard, diplômé de l’I.E.P. de Paris et membre de la S.F.A.F, est le gérant de la Sicav KBL Richelieu Invest-Immo (KBL Richelieu Gestion).


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