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Made in KSA : le rap saoudien

Publié le 02 novembre 2008 par Gonzo

Voilà plusieurs années que le rap a fait une rentrée remarquée dans le monde arabe, en Palestine notamment mais aussi dans bien d’autres endroits tels que le Maroc, le Liban, l’Egypte… Aujourd’hui, c’est le pays affligé d’une des images les moins fun et flashy de la région, l’Arabie saoudite, qui entre dans la danse. Les idoles de la jeunesse saoudienne viennent de Jeddah et se nomment donc les… Jeddah Legends (clin d’œil à la « légende du Jeddaï » de Star Wars ?).

Le leader de ce groupe de cinq musiciens, formé en juin 2006, se nomme Qusay (قصي). Ses premiers essais musicaux remontent à 1994 (The Life of a Lost Soul), avant qu’il ne se rende pour ses études aux USA entre 1996 et 2002. Revenu en KSA (Kingdom of Saudi Arabia !), il produit un autre titre, Da Streetz en 2002 distribué auprès des amis et connaît enfin le succès avec les Jeddah Legends dont le disque, produit par la société Platinium Records, a connu un succès assez inattendu.

Evidemment, en Arabie saoudite, le rap n’est pas exactement une musique de ghetto. Le premier concert public a ainsi eu lieu dans un stade, à l’occasion de la très officielle finale de la coupe Faysal de football ! Bien lancés sur la version arabe de MTV Arabia, une des principales chaînes musicales de la région, en particulier dans le cadre d’un concours régional de hip-hop (remporté par Omar BofLot, un Egyptien originaire d’Alexandrie), les cinq rappeurs ont également honoré de leur présence le dernier forum économique de Jeddah !!!

Les Jeddah Legends proposent donc un rap un peu aseptisé, à destination de cet énorme marché que constituent plusieurs dizaines de millions de jeunes consommateurs dans le Golfe, désireux de profiter des bonheurs de la mondialisation marchande… Avec la bénédiction ( !) des courants locaux dits « libéraux » (sur ce mot, voir ce billet), ils font la promotion d’une autre image d’un pays pressé de se débarrasser des stéréotypes qu’on lui prête si volontiers.

Sincère ou bien conseillé, Qusay explique ainsi qu’il a envie de faire connaître sa musique pour montrer aussi que les Saoudiens ne sont pas tous « des extrémistes ni des terroristes », et que si les jeunes Saoudiens aiment le rap, « c’est parce qu’ils y trouvent un exutoire, une respiration, une voie qui exprime ce qu’ils sont. Ils adoptent un style de vie qui fait exploser leurs capacités, toute la liberté à remplir tout un univers. » Parmi leurs titres, on trouve un morceau intitulé Salam (Paix), volontairement en arabe et en anglais, pour mieux faire passer le message…

Pour autant, Qusay - alias aka Don Legend the Kamelion - ne manque pas d’humour ni de sens critique, même si tout cela reste dans les limites du fort convenable. Pour s’en rendre compte, il suffit de suivre la vidéo de leur titre le plus célèbre, Al-Zaffaf (الزفاف  The Wedding). Inspiré des traditions de la zone côtière du Hedjaz, le clip débute par un mariage parfaitement conforme au théâtre des conventions sociales, avec chanteur typique et danse des bâtons. Puis tout dérape dans un délire postmoderniste quand le jeune marié se lance dans son propre tour de chant en anglo-arabe, qui met en scène l’entrelacement musical de la tradition et de la modernité.

Cinq minutes assez réjouissantes qui démontent avec humour le « choc des civilisations », comme dirait l’autre ! La fin du clip - que je vous laisse découvrir - est assez convenue mais elle a le mérite de mettre en évidence que cette conception du bonheur individualisé, que certains croient propre à la société occidentale, a désormais ses adeptes dans cette région du monde.

Le site du groupe, pas très riche (!)
La chanson “salâm” (moins spectaculaire visuellement que The Wedding).
Illustration : www.elaph.com


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