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Vivre long

Publié le 03 novembre 2008 par Didier54 @Partages
Papote avec mon père. Vraie papote, je veux dire. Et c'est rare. Trés rare. Que nous puissions ainsi prendre le temps, lui et moi, d'un vrai échange, comme ça, tous les deux, tranquillement. Après le café. Pas de barrières, pas de jeu de rôle, pas d'autres yeux, pas d'autres oreilles. Lui rien qu'à moi, en quelque sorte. Pas une première mais presque. Le sujet du jour, purtant, n'est pas si drôle. En apparence. Voyage en généalogie. Lui et ses 78 ans, en ce lendemain de Toussaint, ont l'âme souvenir(s). Il y a eu de la visite au cimetière. Des souvenirs remués. Des visages revenus. Des vies renouées. Je bois ses paroles.
Ce sont mes oncles, mes tantes, mes grands-parents dont il me narre des instants, des attitudes, aussi des drames. Ce n'est ni pesant, ni larmoyant. Une histoire qui se transmet, de génération en génération, sa vérité à lui sur divers événements, des dates qui s'inscrivent dans mon calendrier personnel.
Je déguste cela à sa juste valeur. Je pense à mes enfants, qui ne sont pas bien loin et qui jouent tous les deux. Je pense à eux en me disant, votre père est en train de se remplir de ce qui est aussi votre histoire. Voyage dans le temps.
L'ancien évoque sa mère, qu'il appelle poétiquement et avec un respect immense, La femme aux neuf douleurs. C'est puissant comme expression. Cette femme, je l'ai connue, le gamin que j'étais la trouvais froide et distante, ridée, pas plus sympa que ça, et en plus pas bien généreuse, peu de sourires, jamais vraiment de bonbons, encore moins de jouets :-) Il évoque aussi ses jeux scouts, la fragilité artistique d'un de ses frères, qu'il compare à Patrick Dewaere, ce qui ne manque pas de m'interpeller : le décès de cet acteur-là, sans que j'ai jamais pu savoir pourquoi, m'a particulièrement marqué à l'époque.
L'ancien raconte aussi son autre frangin, avec lequel il est brouillé depuis des années et des années. Il y a aussi son père, une soeur, un beau-frère dont il n'a gardé que des sourires et des connivences, des amis égarés, d'autres perdus de vue. Je comprends tant de choses, alors. Tant d'attitudes.
Je crois que pour la première de ma vie, je l'entends parler positivement de la vie qui dure long, comme dit mon fils. A un moment, pendant la partie de belote qui suit, il évoque en effet "la chance de vivre aussi longtemps que moi". Je comprends alors que ses peurs de vivre ont été en permanence rappelées à l'ordre par des événements qui se sont succédé, tous les cinq dix ans. Que si la peur de mourir n'a en rien éloigné le danger, elle a clairement marqué une génération avec laquelle, d'ordinaire, je suis plutôt critique. Les guerres, les maladies, les accidents de voiture, la fureur de vivre. Je me sens proche de cet homme. C'est mon père. Comme lui, je fais comme je peux. Comme moi, a a fait ce qu'il a pu. Avec ce qu'il était. Ce qu'il est.

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