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Article : Le Shatar

Publié le 20 novembre 2003 par Julien Peltier

Article : Le Shatar Le Shatar
Échecs mongols... sur un plateau

Le jeu de Shatar est un jeu d’échecs d’origine mongole. Une variante est également connue en Sibérie à Tuva, sous le nom de « Shydyraa ». Ses pièces, généralement sculptées par des artistes dans de la pierre, du bronze ou autre métal voire de l’ivoire, sont de véritables objets de collection. L’échiquier, monochrome jusqu’à l’issue de la deuxième guerre mondiale, changea alors sous l’influence russe. Du fait de ses règles et de la forme de ses pions, le Shatar se rapproche davantage des échecs indo perses que du Xiang qi, ce qui laisse à penser que les Mongols empruntèrent leurs échecs aux Perses, lors de la conquête de l’Empire du Khârezm par Gengis Khan au XIII° siècle.


Les contacts culturels et spirituels entre le Tibet et la Mongolie furent très étroits de longue date. Altan Khan, souverain des Mongols Tumeds, convertit la Mongolie au Bouddhisme, sous la doctrine du Lamaïsme tibétain, en 1576. Il reçoit Sonam Gyamtso, un religieux, et lui donne le titre de « Dalaï-lama » - « l’océan de sagesse » - un vocable par ailleurs mongol, et non Tibétain. Dès lors, beaucoup de moines tibétains vinrent en Mongolie afin d’y enseigner leur foi. La religion bouddhiste y est encore largement pratiquée aujourd’hui. Il n’est donc pas surprenant que les Mongols jouent au Dörvölzh, une variante du jeu de Go se pratiquant sur un plateau de 17 par 17, de la même manière que le Ming-mang Tibétain. Dans le même ordre d’idée, on pourrait donc penser que le Shatar est directement inspiré du Chadranki tibétain, bien que les preuves formelles manquent. Une seconde école attribue au Shatar une origine perse. Le jeu aurait gagné le peuple mongol par les armées qui occupaient les royaumes d’Asie Centrale et la Perse. Certains noms et formes de pièces tendent à confirmer cette hypothèse.

Article : Le Shatar

Les pièces du Shatar
> Nojon (le roi) : Le terme provient de l’époque de Gengis Khan, et désigne un haut dignitaire, fréquemment assis. En règle générale, un camp dispose d’un vieux Nojon, et l’autre d’un jeune.
> Bers (la reine): Le nom désigne une panthère des neiges, bien que la pièce représente parfois d’autres animaux, sauvages pour un joueur - le lion et le tigre – domestiques pour le second -comme le chien ou le coq. Puisque le lion est inconnu en Mongolie, sa présence peut être l’indice d’une origine Perse. Le vocable « Bers » pourrait provenir d’une déformation du Perse « Firz (an) » ou du « Fers » Turc, par des Mongols ne connaissant pas le F. La pièce jouerait alors le rôle du vizir (ou ministre du Xiang-qi), et non d’une reine.
> Temee (le fou) : La pièce figure le chameau de Bactriane, endémique. Espèce domestique employée pour le bât, et donc pour les campagnes militaires, il incarne l’animal des batailles, et prend donc la place de l’éléphant du Xiang-qi).
> Mor' (le cavalier) : Il est représenté par un cheval, dont l’importance dans le mode de vie nomade des tribus mongoles est, bien entendu prépondérante jusque dans le Shatar. Il est ainsi interdit de faire échec et mat avec celui-ci.
> Tereg (la tour) : Cette pièce prend la forme d’un chariot. Aussi étrange que cela puisse paraître, il en allait de même pour les ancêtres des échecs, y compris dans les variantes indiennes (Chaturanga*) et chinoises. Ce sont les Perses et les Arabes qui changèrent par la suite le chariot en tour. Dans le Shatar, le Tereg peut être représenté par toutes sortes de véhicules, et même des voitures modernes !
> Xüü (le pion) : Représentant un enfant, le Xüü doit être considéré comme un Bers en devenir, qui sera promu une fois la dernière rangée atteinte. Au Shatar, il peut également revêtir l’apparence de petits animaux, de musiciens ou bien encore de prisonniers. En général, chaque pion a une forme bien distincte.
Article : Le Shatar

©history.chess.free.f/Sanvito
Les règles du jeu
Une partie de Shatar oppose deux joueurs au cours d’une partie d’une à deux heures. Comme aux échecs traditionnels, les Nojon sont à la droite des Bers pour les deux camps, bien que certains joueurs préfèrent mettre les rois face à face.
Les déplacements sont identiques à ceux des échecs, à quelques exceptions près :
• Lorsque les Nojon ne se trouvent pas dans la même colonne, aucun pion ne peut franchir cases au départ. Dans le cas inverse, le premier mouvement doit immanquablement être un mouvement de deux cases du pion situé devant le Bers.
• La « prise en passant » n’existe pas.
• Un pion atteignant la dernière rangée est promu en Bers (uniquement mais sans limitation).
• Selon la période de l’année, le Bers peut bouger différemment. Durant une certaine saison, il bouge donc comme une tour promue du Shogi (déplacements d’une tour et d’un roi aux échecs traditionnels).
• Dans certaines variantes, le chameau évolue en diagonale sur une distance d’une à trois cases et non comme le fou. Il existe toutefois d’autres déclinaisons moins importantes.

Selon la manière de faire échec, un nom différent est attribué à la manœuvre :
• « Shak », si c’est un Bers, un chariot ou un cavalier qui fait échec.
• « Tuk », si c’est un chameau
• « Tsod », si c’est un pion
Enfin, il est interdit de faire échec et mat à l’aide d’un cavalier. La victoire n’est possible qu’avec un « Shak » (ou une succession d’échecs contenant un « Shak »). Le match nul est appelé « Niol ». Quand un joueur perd toutes ses pièces à l’exception du roi, il y a match nul, c’est le « Robado ». Un roi immobilisé perd la partie.
Rubedo
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©history.chess.free.f
* Lire l’article consacré à ce jeu

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