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PÉrennitÉ du lien armÉe-nation

Par Francois155
PAR YVES CADIOU

NOTE :

Après s’être exprimé avec talent dans ces pages sur le devoir de réserve, Yves Cadiou revient sur un sujet d’importance : le lien armée-nation. Je ne m’étends pas plus et vous invite à lire et à commenter son article qui, non content d’être encourageant pour les modestes blogueurs que nous sommes, réfléchit avec optimisme sur la pérennité de cet indispensable soutien des civils à leurs armées à l’épreuve de la professionnalisation.

PÉRENNITÉ DU LIEN ARMÉE-NATION

Les événements de 2008 ont confirmé que le lien armée-nation n’est pas affaibli, contrairement à ce que certains craignaient avec l’abandon de la conscription en 1997 par la loi « portant réforme du service national » qui suspendait l’appel sous les drapeaux.

Beaucoup de signes montrent, au contraire, que le lien armée-nation s’est renforcé. Nos concitoyens ne sont pas du tout indifférents au sort de nos soldats, notamment en opex. Cette constatation confirme, dix ans plus tard, que n’étaient pas réels les risques mis en avant par ceux qui préconisaient le maintien du service militaire obligatoire au motif du lien armée-nation. Mon propos ici n’est pas la conscription, mon propos est seulement de constater avec soulagement que le lien armée-nation n’est pas affaibli. Ce que l’on ressent à la suite des événements de 2008 chez nos compatriotes est à l’opposé d’un quelconque dédain envers leur armée. Je n’ai malheureusement pas trouvé d’enquête récente et précise sur le sujet (mais peut-être n’y a-t-il pas d’enquête précise parce que le sujet n’est pas ressenti comme un problème ?) et je dois m’en tenir aux quelques observations qui suivent. Les lecteurs du blog de François Duran apporteront peut-être quelques suppléments pour confirmer ou infirmer mes observations.

D’une part on ne retrouve plus de nos jours, et l’on doit s’en réjouir, l’antimilitarisme qui était naguère une attitude réflexe, un « must », dans beaucoup de milieux socioprofessionnels. Je me souviens notamment de la période 68 / 81 que j’ai vécue sous l’uniforme kaki ou bariolé. L’antimilitarisme, considéré comme normal à l’époque, se retrouvait notamment dans plusieurs organes de presse : ostensiblement dans les journaux classés à gauche, plus insidieusement dans les autres.

D’autre part et au contraire, on constate maintenant la multiplication des blogs concernant la défense et l’armée. Du fait que chaque auteur de blog se présente sur son site, une présentation qui est déjà traditionnelle dans la « blogosphère », l’on voit que ces blogs sont créés et gérés par des civils de tous milieux, de toutes sensibilités politiques et de tous âges qui y consacrent bénévolement une grande partie de leurs loisirs : François Duran fait paraître ici une longue liste de ces sites et il a déjà écrit plusieurs billets à ce sujet. Les blogs qui s’intéressent à la défense et à l’armée portent pour la plupart le logo « soldat, nous ne t’oublions pas », une initiative que pour ma part j’apprécie fortement. J’apprécie également la retenue dont ces blogs font preuve : ils ne tombent pas dans le militarisme, qui est un excès tout aussi dangereux que son contraire. Ces blogs, qui sont très fréquentés et actifs, démontrent que le sujet intéresse ou même passionne (c’est à dessein que j’emprunte ce mot au vocabulaire sentimental, car ce n’est pas seulement un intérêt intellectuel). La multiplication spontanée de ces blogs démontre également que le lien armée-nation ne résulte pas d’une action concertée qui ferait supposer que le domaine est « bien contrôlé », voire manipulé. L’opinion publique aujourd’hui n’est pas plus contrôlée, ni d’ailleurs plus indifférente, qu’elle ne l’était à l’époque des appelés de la guerre d’Algérie. Le pékin s’intéresse autant, ni plus ni moins, au sort d’un soldat appelé qu’à celui d’un soldat professionnel : si cet appelé n’est pas son fils ou son neveu, il ressent avec lui exactement le même lien qu’avec tout autre soldat. La sympathie que l’on éprouve pour le soldat, surtout s’il se comporte avec courage et humanité c’est-à-dire dans le respect de nos valeurs, ne doit rien à la position statutaire et administrative du soldat concerné.

Cette supposée indifférence envers une armée de métier est un postulat qui a longtemps été affirmé et répété pour continuer de justifier le Service Militaire Obligatoire : le fameux «lien armée-nation» fut un argument récurrent pour les partisans du SMO.

Pourtant la conscription défaisait, plus qu’elle ne faisait, le lien armée-nation. Cette réalité, qu’il n’était pas correct d’exprimer à l’époque où la conscription était en vigueur, est aujourd’hui couramment admise. Récemment le livre intitulé « 21 historiens expliquent la France contemporaine » de Dominique Borne, paru à La Documentation française en 2005, revient sur la fin de la conscription avec ce commentaire : « l’armée de conscription souffre de la défaite de 40 et la guerre d’Algérie consacre son divorce d’avec la nation ».

Le fait est que le lien armée-nation s’est trouvé renforcé depuis la fin de la conscription. C’est très explicable si l’on pense que nos concitoyens jugent favorablement non seulement l’exonération de la charge que représentait le service obligatoire mais surtout l’amélioration qualitative qui résulte de la professionnalisation de l’armée. Il faut donc se départir d’un postulat erroné qui ignore la solidité, réelle, ancienne et renouvelée, du lien armée-nation.

Il faut se départir de ce postulat erroné parce que l’affaiblissement supposé du lien armée-nation, une supposition qui ne repose sur rien, semble inciter certains élus de notre Démocratie, et non des moindres, à s’affranchir de la considération qu’ils doivent aux militaires.

Yves Cadiounovembre 2008


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