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Impressions

Publié le 07 novembre 2008 par Menear

J'ai passé les trois premiers jours de ma semaine à voir venir le jeudi, début de mon week-end allongé, pour finalement arriver au seuil de mon vide habituel, rien, il n'y a rien, tant de choses écrire et pourtant, non, il n'y a rien devant.


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J'aimerais ne plus avoir à vivre entre les impressions périphériques qui s'écoulent, contre les vitres d'un train ou ailleurs, latérales, permanentes, interminables. Passer mon temps à subir ces impressions, à les émettre parfois moi-même, continuer de creuser ce vide incompressible qui me sature l'œil en permanence. Je suis étudiant en lettres, j'imprime l'impression d'un amateur de littérature qui connaît son sujet quand il en parle, développe une image bombée vers le haut pour masquer un gouffre d'ignorance opposée encore plus large. Je suis vendeur en librairie, parenthèse, je donne l'impression que ce livre que je n'ai pas lu, ne lirai jamais, est bon, excellent, qu'il faut absolument le lire, l'acheter, l'offrir. Je suis prof-vacataire, je dois imposer l'impression de celui qui sait, qui est sûr de, qui transmet des savoirs réels, quand bien même je ne sais rien et n'ai pas envie de savoir. Je suis chargé de la relation clientèle, j'oppose mes impressions d'ensemble, je connais par cœur les produits dont je parle mais que je découvre, j'assure des clauses intenables, je promets des délais idylliques. J'essaie d'écrire : je tisse une impression de bien-huilé, de réalité travaillée, quand en réalité, justement, je laisse aller les mots au hasard du moment. A force d'aller voir l'envers des choses, j'en viens à ne plus croire en rien, car rien n'est suffisant, rien ne marche, tout est décevant.
Ces impressions s'enchaînent les unes aux autres, elles tiennent ce qu'elles tiennent mais finissent toujours par crever. Idem pour les personnes autour, réseau d'impressions plus ou moins bien trempées, en attente de crever à leur tour, tout autour de moi.


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Je suis fatigué de toutes ces virtualités réunies autour et à l'intérieur de moi. Tous ces filtres censés me faire détourner les yeux du vide originel. Fatigué que les personnes croisées ne soient pas à la hauteur de l'impression qu'elles diffusent, parfois sans le savoir. Fatigué de traquer un objectif-accessoire, chimérique, l'atteindre, et n'y rien trouver d'autre qu'un nouveau stage clear incohérent. Fatigué de toujours avoir à en revenir au vide, au vide et non pas à l'ennui, non, le vide, vraiment, celui qui me donnerait l'humeur de relire Un roi sans divertissement, parce que c'est bien de cela dont il s'agit, de vide.


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Alors que faire de ce vide ? L'emmurer dans un système. Bâtir des plateformes d'entretien du vide. Instaurer des quotidiens-type et n'en jamais dévier. L'occuper. Le travestir.


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Et des paroles qui reviennent pour aider à le combler, même mal : just the librium and me |my libido splits on me | do you like girls or boys, it's confusing these days | she doesn't know if you're a boy or a girl | lights out boys | travel mode is the key et ainsi de suite.

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Et puis parce qu'il le faut, j'écris ce truc, pas trop long, six pages maxi, je ne sais pas où je vais ni pourquoi je l'écris mais je m'y enfonce, ça ne donnera rien de bon au bout, ce sont encore des lignes bâties sur le hasard, un autre mot pour le vide, et ça ne tiendra pas, ça ne tient jamais, j'ai juste l'impression que ça pourrait tenir.

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Ces impressions sont trop fragiles, je n'arrive pas à bâtir mon monde par dessus. J'aimerais pouvoir partir encore, fuir ce vide originel, justement parce que le mode voyage est la clé, qu'il faut rester en mouvement, encore, toujours, et ne jamais s'arrêter, ne jamais regarder autour, à l'intérieur, jamais, simplement avancer, peu importe où ni pourquoi, alors écrire, écrire évidemment, c'est bien la pire des options possibles, la pire, écrire c'est immobile, beaucoup trop immobile, j'ai besoin de marcher pour ne pas voir le vide, de courir même, voilà, de courir.


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