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Les aventures du Prince Lexomil : 37

Publié le 08 novembre 2008 par Porky

Episode 37

Des noces royales un peu retardées puis vivement accélérées

Lexomil ne se trompait pas lorsqu’il affirmait que Xanaxa était du genre à retarder indéfiniment les noces de son fils, dans son désir maternel et bien compréhensible mais très chiant que tout fût parfait. En cela, elle contentait également les aspirations de Dame Athymil qui souhaitait que le trousseau de sa fille fût achevé avant les noces. Et comme personne jusqu’ici n’avait eu l’idée de le constituer, pas même celle à qui il était destiné, il fallut allonger les délais dans des proportions considérables. Beurk et Séropram, outrées qu’on songeât d’abord à Biogaran avant de songer à elles, mirent encore des bâtons dans les roues en exigeant que leur propre trousseau fût commencé et achevé en même temps que celui de leur sœur. Dame Athymil cria, s’excita, flanqua des baffes, puis reconnut qu’une Duchesse de Déprime et une future Espionne Royale avaient aussi droit à quelques égards. Adonc, on constitua les trousseaux mais comme ces demoiselles exigeaient des tissus de grande qualité et des tisseurs professionnels, on perdit encore beaucoup de temps à rassembler matière première et main d’œuvre. Quand ce fut fait, trois mois s’étaient écoulés.

Que devenait pendant ce temps notre bon Prince ? Il prenait son mal en patience, et cela d’autant plus qu’il revoyait assez souvent les amis qu’il s’était fait pendant son voyage à travers le royaume de Déprime. La première rencontre entre la Reine Xanaxa et lesdits amis avait été quelque peu mouvementée : Lexomil ayant omis d’avertir sa Maternelle Majesté qu’il organisait le jeudi après-midi suivant son retour un petit raout dans la salle du trône, Xanaxa débarqua au moment où l’élégante cohue prenait une tournure assez spéciale, avec Fa d’un côté qui haranguait les tableaux accrochés au mur, Ré de l’autre côté qui anathématisait sur tout et sur rien, tandis que Do, Sol et La avaient entamé une partie endiablée de saute-mouton. Lexomil, pendant ce temps, sirotait quelques verres d’alcool en compagnie de Mi et essayait de lui démontrer qu’une royauté comme celle de Déprime ou une République pourrie, c’était à peu près la même chose.

L’entrée de la Reine interrompit ces gentils amusements. D’abord interloquée, Xanaxa retrouva vite sa verve coutumière pour vilipender son fils. « Pourquoi n’avez-vous point averti, Lexomil ? dit-elle sévèrement. J’eusse fait recouvrir le parquet de tapis afin de le protéger. Il va être dans un état ! » Lexomil osa se rebeller. « Mes amis ne sont point des vandales, rétorqua-t-il. Et ils ont quitté leurs chaussures pour jouer à saute-mouton. » Xanaxa le regarda avec une certaine curiosité. « Fils, depuis votre retour, vous faites preuve d’un caractère certain. Comme quoi j’ai bien fait de vous expédier à l’autre bout du royaume, ça vous a enlevé votre mollesse. » « Votre machin royal se trompe, intervint Fa. Il a encore des progrès à faire dans ce domaine. » Xanaxa se tourna vers elle. « Quelle est cette chose, fils, vous prie-je, qui ose me contredire ? » Avant que Fa, outrée d’être appelée « chose » ne piquât une bonne crise de colère, Lexomil fit les présentations. « Ainsi, c’est vous, la célèbre Fa dont les exploits sont parvenus jusqu’à nos augustes oreilles », s’énonça Xanaxa et la Pasionaria rougit, de contentement ou de stupeur, allez savoir ! « Nous aurions bien besoin de vous pour remettre un peu d’ordre dans cette cour, continua Xanaxa. Seriez-vous disposée à accepter le poste de Remanieuse Royale ? » Alors que Lexomil allait intervenir pour dire que Fa n’était nullement intéressée, cette dernière demanda en quoi consisterait le travail. « C’est très simple, expliqua sa Majesté. Vous courez après les ministres, vous les secouez comme des bananiers, vous leur bottez l’arrière-train, vous les obligez à bosser, à émettre des édits sensés et vous leur collez une frousse bien propre à les empêcher pour la vie de désobéir aux ordres. » « Alors là, ça me va tout à fait, dit Fa. J’ai toujours eu envie de claquer des ministres. Mon rêve de petite fille se réalise. Topez là, la Reine, je suis votre femme. Est-ce que j’aurai le droit de les limoger ? » « Ah non, ça, c’est du domaine du Roi Valium. Ne soyez pas trop gourmande. Mais vous pourrez proposer des limogeages. Rien n’est moins sûr cependant, qu’ils soient acceptés. Nous formons une grande famille et nos ministres, c’est un peu nos oncles et tantes, vous voyez ce que je veux dire. »

« Votre Majesté a tout à fait raison, intervint Ré. La famille et les traditions, c’est sacré. Une cour sans traditions est une cour perdue, qui va à vaut l’eau et finit au fond de la rivière, c’est moi qui vous le prédis. Ces traditions ont-elles été mises par écrit ? » Xanaxa eut un moment de flottement. « Non, je ne crois pas », dit-elle, perturbée par ce regard flamboyant qui dégringolait sur elle. « Alors, Siresse, je me propose pour les calligraphier en lettres gothiques sur du parchemin médiéval. Si, bien sûr, vous avez ce genre de papier. » « A la cave, peut-être, fit Xanaxa, songeuse. Et finalement, c’est une assez bonne idée. Nous vous installerons dans la vieille bibliothèque, elle est pleine de toiles d’araignées et de trucs verdâtres. Ca ne vous dérangera pas ? » « Aucunement, fit Ré. Au contraire. J’aime les choses du passé, et plus elles sont passées, plus j’aime. »

Ce fut au tour de La de solliciter une faveur. Elle avait entendu dire que la Reine cherchait une dame de compagnie et se proposait pour le poste. « Savez-vous dire non ? » demanda Xanaxa. « Non », répondit La et Xanaxa tendit les bras vers elle. « Dans mes bras, mon enfant, dit-elle. Si, en plus, vous ne savez ni chanter, ni lire à voix haute, ni être spirituelle mais avez des oreilles prêtes à m’écouter, je double votre traitement. » « Votre Majesté peut être assurée que j’ai à la fois tous ces manques et la qualité requise », dit La.

Le soir même, Xanaxa eut un long entretien avec Valium et Lexomil, entretien qui porta –on s’en doute- sur la fiancée du Prince, son pedigree, ses ascendants (familiaux et astrologiques) et sur le sentiment que Lexomil nourrissait envers elle. Pour une fois charmée par son fils, Xanaxa promit une noce « à tout casser » mais, comme nous l’avons dit plus haut, repoussa la date aux calendes grecques, eu égard à tous les préparatifs nécessaires. De sorte qu’au bout de trois mois d’attente, Lexomil, qui ne cessait de croiser Fa dans les couloirs (elle prenait son travail très au sérieux et coursait tous les ministres qui lui tombaient sous la main, de telle sorte qu’on avait fini par l’appeler « La peste noire ») se dit qu’il fallait précipiter les événements et qu’il n’y avait pour cela qu’un seul moyen.

Un matin, il se glissa hors du Palais Royal, les poches bourrées d’anti-dépresseurs, prit un taxi, se fit conduire à l’aéroport, monta dans le premier avion en partance pour Déprime-sur-Boulot, en descendit à destination, courut chez Dame Athymil, entra par la fenêtre dans la chambre de Damoiselle Citalopram-Biogaran, laquelle dormait comme une bienheureuse. Négligeant ce détail, le Prince s’allongea près d’elle, la réveilla avec un certain nombre de baisers, et ma foi, ce qu’il désirait qu’il arrivât arriva. « Ce que nous avons fait n’est pas bien », dit après Citalopram-Biogaran, encore pâmée. « C’est vrai, convint le Prince. Il va falloir réparer les dégâts dans les plus brefs délais. » Et il se remit avec ardeur à la besogne. Puis, au lieu de sortir aussi discrètement qu’il était entré, il sonna un domestique et le chargea d’aller annoncer à Dame Athymil que le mariage étant consommé, il était grand temps de passer à la cérémonie. Madame la Bourgmestresse fit un scandale, gifla sa fille, gifla aussi par la même occasion Séropram et Beurk, jalouses de voir leur sœur claquée et pas elles, téléphona en pleurs à Xanaxa qui lui répondit que « les choses étant ce qu’elles étaient, il ne fallait plus tergiverser. »

Et c’est ainsi que Lexomil retourna en grande pompe et en avion à Coup Dur, accompagné de sa bien-aimée, des sœurs de la bien-aimée, des fiancés des sœurs de la bien-aimée et de la mère de la bien-aimée, sans compter les domestiques de la mère, etc.

(A suivre)


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