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L'Échange

Par Rob Gordon
L'ÉchangeSoixante-dix-huit balais et toujours la classe. Monsieur Clint Eastwood enchaîne modestement les classiques au rythme d'un par an, les baisses de régime étant de moins en moins fréquentes. L'échange apparaît comme une synthèse de sa période post-Impitoyable : c'est une oeuvre sensible et passionnée, qui érige les femmes en héroïnes et l'enfance en un moment fondamental. Pendant deux heures vingt, cette fresque passionnante nous embarque pour ne plus nous lâcher. Il y a à peu près tout dans ce cinéma-là : un drame humain puissant, un suspense insoutenable, et une vraie dimension romanesque et politique. Pourtant, c'est bel et bien une histoire vraie que nous conte le film, même si celle-ci semble parfois difficile à croire.
La disparition du fils de cette femme, puis la restitution d'un petit garçon dont elle affirme à corps et à cris qu'il n'est pas le sien, ne constituent que les premières étapes d'un long chemin de croix pour cette vraie grande héroïne, qui traversera les pires épreuves pour tenter de retrouver son vrai fiston. Ce qui frappe, c'est le contraste entre la facilité avec laquelle Eastwood déroule son intrigue et la complexité totale des situations et thèmes abordés. Il livre notamment un très belle réflexion sur l'obstination et l'espoir, montrant une femme qui jamais n'abandonne ni ne cesse d'espérer. Une mère courage qui n'est pas non plus transformée en icône, le film s'inscrivant préférant l'humain au légendaire. À l'arrivée, L'échange manque sans doute un peu d'émotion tant Eastwood s'acharne à ne pas tomber dans le sensiblerie ou la sanctification, mais c'est sans doute là qu'est sa plus grande victoire. Complément idéal d'un Mystic river qui tirait avec réussite sur la corde sensible en abordant peu ou prou la même problématique, L'échange a tout d'un futur classique et gagnera à être revu plusieurs fois afin d'en capter toute la profondeur.
Il faut rendre hommage à Eastwood pour sa capacité à choisir des acteurs et à en tirer le meilleur : plus encore que dans Un coeur invaincu, où elle sortait pourtant du carcan dans lequel elle s'était trop longtemps enfermée, elle montre un grand talent à se laisser happer par des personnages de femmes fortes. La brochette d'hommes tournant autour d'elle, composée en majeure partie d'illustres inconnus (sauf John Malkovich, loin d'être le meilleur), est pour le moins grandiose. Et la mise en scène de Clint, fluide et limpide, transcende la noirceur de cette fresque tout bonnement stupéfiante, qui prouve une fois encore que ce quasi octogénaire est le meilleur raconteur d'histoires du moment.
8/10

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