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Langage oublié

Publié le 08 novembre 2008 par Didier54 @Partages
Un jour le soleil passe, le soleil est passé, et puis l'ombre s'installe, grandit de tous côtés, Rose, dont les pétales ont jailli un matin, ont jailli un été, se souviennent et se taisent, et gardent ce venin en eux, profondément.
Qui saurait lire encore cette langue oubliée, dont l'encre même a l'air d'avoir fondu, d'avoir rongé le centre du cahier, qu'elle avait laissé là un jour lointain.
Il s'est levé, ce malade inconnu. Et le voilà parti par son chemin, sans avoir ni touché à rien, ni même bu. Il s'est levé sans avoir répondu.
Ce langage oublié, quelqu'un le saurait-il, qui rendait paraît-il heureux le genre humain. Aujourd'hui c'est hier, hier c'était demain. Il suffit de s'asseoir et de guetter. Il suffit de s'asseoir.
Qui parle encore cette langue oubliée, et par laquelle nous nous étions connus, dont il ne reste, en partie dépecés, qu'un songe, qu'une illusion, qu'un rêve.
Le malade se tait, ne répond pas de sa bouche aujourd'hui toute édentée. A-t-elle connu quelques jolis baisers, comme une eau pure, comme une coupe fraîche, comme un murmure.
Qui parle encore ce langage inconnu, et par lequel nous nous étions trouvés et découverts, ensemble, comme une eau pure, comme une coupe fraîche, comme un murmure.
Aujourd'hui c'est hier, hier c'était demain. L'homme et la femme allaient main dans la main. Le malade se tait ne répond pas. L'homme et la femme allaient du même pas.
Qui parle encore cette langue finie, ni ailleurs ni là-bas, pas plus ici, pas plus vers les confins que tout en bas. Ni langage, ni rien, pas plus de forme. Était-il Sumer ou bien cunéiforme, ce langage.
Qui dit qu'un cœur dans un vase fermé, comme une fleur pourra se ressaisir, avec un peu de pluie ou d'eau, ou plaisir, avec un peu de temps, d'éternité.
Ce langage oublié, quelqu'un le saurait-il. Qui rendait paraît-il heureux le genre humain.
Aujourd'hui c'est hier, hier c'était demain, L'homme et la femme allaient, L'homme et la femme allaient par le même chemin, où nous serons nous-mêmes, un jour, de nouveau.
Gérard Manset, Le Langage oublié.

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