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La vengeance du pied fourchu : 25

Publié le 11 novembre 2008 par Porky

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A la nuit tombée, une silhouette se faufila hors de la maison Les Eglantiers et prit le chemin du village. Elle marchait rapidement, enveloppée dans une cape légère et malgré la chaleur de cette soirée, elle avait rabattu un capuchon sur sa tête. L’obscurité qui envahissait la campagne ne semblait pas la gêner outre mesure. Elle avançait sans regarder autour d’elle, et glissait comme une ombre le long des maisons qui jalonnaient le chemin. Si elle s’était arrêtée quelques secondes devant les fenêtres éclairées, elle aurait vu, la plupart du temps, une famille réunie autour de la table, en train de dîner dans la faible lueur d’une lampe. Mais elle n’y prenait pas garde, tendue vers le but qu’il lui fallait atteindre au plus vite.

Lorsque apparurent les premières maisons du bourg, elle ralentit le pas et se faufila adroitement dans les ruelles, évitant les cercles de lumière qui venaient des fenêtres. Elle traversa ainsi le village et se dirigea vers la place où se situait l’église. Le curé avait depuis longtemps regagné son logis et les portes étaient fermées à clef. Cela ne dérangea nullement l’ombre qui, d’un geste ferme, tira malgré tout sur la poignée. Comme par miracle, la porte s’ouvrit.

Elle pénétra dans l’église, se signa puis sortit de dessous sa cape une lanterne qu’elle éclaira en frottant une allumette. Quand elle fut sûre de ne rien renverser, elle s’aventura dans l’allée centrale et avança vers le chœur. Parvenue presque à l’extrémité de la nef, elle s’arrêta, s’engagea dans une rangée de sièges et s’assit juste derrière un pilier. Elle avait posé la lanterne à ses pieds.

Elle resta immobile un long moment, les mains jointes, comme perdue dans une fervente prière. Puis elle fit tomber son capuchon, libérant une cascade de cheveux blonds. « Etes-vous là ? » demanda-t-elle à voix basse. Le silence seul lui répondit. Elle réitéra sa question. Un murmure à peine audible s’éleva de l’autre côté du pilier. « Que me veux-tu ? Pourquoi m’as-tu appelé ? »

« Nos plans ont été déjoués, chuchota-t-elle. Il a été plus rapide que nous. » « Missia ? » fit la voix. « Prisonnière. Il s’est servi de Rosette comme appât. » « Les autres ? » « Pris aussi. Après la famille de Missia, ce sera le tour des voisins, puis du reste du village. Il faut les arrêter. Plus ils deviendront nombreux, plus ils seront forts. » Un nouveau silence. Puis la voix reprit : « Tu sais ce qu’il vous reste à faire. » Elle secoua violemment la tête. « C’est impossible. Pas sans d’autres pouvoirs, beaucoup plus forts. Ce ne sont plus des êtres humains. Quant à ce que vous pensez… » Elle frissonna. Le silence retomba, lourd. Il y eut un mouvement derrière le pilier, puis une main apparut, d’une blancheur presque transparente. Elle tenait dans ses doigts deux bagues. « Prends-les, dit la voix. Le collier d’émeraudes a tout déclenché. Les rubis répareront votre faute. Une bague pour chacun. Conjuguez leurs pouvoirs et toutes les portes s’ouvriront. » « Aurions-nous pu penser qu’il se servirait du collier ? » murmura-t-elle en prenant la bague. « Vous avez péché par excès de confiance, répliqua la voix. Que cela vous serve de leçon. Les rubis sont invincibles, ils portent la marque. Nul ne peut les prendre ou les tenir hormis vous. Mettez-les à votre doigt et servez-vous en à bon escient. » Elle baissa la tête, s’abîma de nouveau dans une sorte de prière. Puis elle se leva, reprit la lanterne et se dirigea vers la porte de l’église. Avant de sortir, elle éteignit sa lampe, puis se glissa à l’extérieur, descendit les marches tandis que la porte se refermait mystérieusement derrière elle.

« Allons bon, qu’est-ce qu’elle vient encore faire ici ? » grommela Marie en jetant un regard par la fenêtre. Sur le petit chemin qui menait à la maison, Catherine avançait à grands pas. Elle paraissait d’humeur très joyeuse. Elle entra sans même frapper et ayant murmuré un vague bonjour, s’assit sur une chaise. « Si tu savais ce qui est arrivé… » commença-t-elle. « Je vais très bien, merci, coupa Marie. Et toi ? » Sa fille aînée ne daigna pas même relever l’ironie de la réplique. Elle se trémoussait sur sa chaise et avait visiblement une chose importante à dire. « Et bien ? Continue donc ! continua Marie en s’installant en face d’elle. Qu’est-il arrivé ? » Puis elle s’avisa que la chemise de la jeune femme était fermée jusqu’au cou. Avec cette chaleur, ce n’était pas normal. « Regarde », dit Catherine en dégrafant les boutons de son col.

Marie poussa un petit cri d’étonnement. Au cou de sa fille, brillait le fameux collier d’émeraudes. « Tu l’as retrouvé, enfin ! » s’écria-t-elle. «C’est Philippe qui a réussi à mettre la main dessus. Je l’avais perdu au grenier lorsque je suis montée ranger quelques affaires. » « Eh bien, tu auras fait beaucoup de boucan pour pas grand-chose, dit Marie, soulagée malgré tout que cette affaire se terminât si bien. Tu peux dire merci à ton mari. » « Tu ne veux pas le voir ? » fit Catherine en commençant à dégrafer le collier. « Je le connais. Pourquoi veux-tu que je le regarde encore ? » fut la réponse de Marie. Mais Catherine avait achevé son geste. Le collier reposait dans sa main. Les émeraudes brillaient dans la lumière de l’après-midi. Elle le tendit à sa mère avec un grand sourire. « Prends-le, voyons. Comme si je ne savais pas que tu en meurs d’envie. Tu es une femme, comme moi. Les bijoux te fascinent. » « Alors là, tu fais fausse route, ma fille, affirma Marie. Ton collier est superbe mais j’avoue n’avoir jamais désiré de bijou de cette sorte. Ni d’aucune, d’ailleurs. La coquetterie et moi… » « Donne ta main, dit Catherine de sa voix la plus tentatrice. Tu verras, lorsque tu le tiendras, tu ne diras plus la même chose. » Marie soupira. Elle avait autre chose à faire qu’à céder aux caprices de Catherine. D’un autre côté, une fois que la chose serait accomplie, on n’en parlerait plus. Elle obéit donc et la jeune femme déposa le collier dans la paume tendue.

« Il est magnifique, admit Marie en le contemplant pensivement. Mais franchement, ce n’est pas mon genre. » Catherine se mit à rire. « Rends-le moi, va. » Elle tendit la main, récupéra le collier. « Oh, s’écria-t-elle, tu dois avoir une petite plaie sur un doigt. Il y a du sang sur une pierre. Fais voir. » Et avant que Marie ait put répondre ou faire quoi que ce soit, elle s’était emparée de la main de sa mère et la serrait dans les siennes.

Ce fut le moment que choisit Sigrid pour apparaître sur le seuil de la maison. Elle frappa, puis entra. Catherine retira sa main et se tourna vers elle tandis que Marie la regardait fixement, comme si elle ne la reconnaissait pas.

(A suivre)


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