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Saint Martin : Histoire et Tradition

Par Amaury Piedfer
La Saint Martin était dans la vie de nos ancêtres paysans un moment très important, le terme de la saison agricole, l'époque de l'année où l'on faisait l'inventaire de ce qui avait été récolté et où l'on envisageait ce qui pouvait être revendu ou échangé. C'était aussi un moment de convivialité, lors duquel toutes les communautés se retrouvaient pour parler affaires, famille, mariages, et bien sûr célébraient le saint dans le recueillement, mais aussi conformément au savoir-vivre gaulois.
Il n'est pas anodin que cette fête fut dédiée à Saint Martin : évangélisateur des Gaules au IVème siècle ap. J.-C., le premier à s'adresser aux paysans, les pagani, et non plus seulement au peuple des villes, le saint fut choisi par Clovis comme patron des Gaules, peu après sa conversion. Célèbre pour l'épisode de la Piété à Amiens, lors duquel Martin, alors officier de l'armée romaine, a offert la moitié de son manteau à un pauvre, le saint fut aussi le fondateur d'un premier monachisme en Gaule et en Occident, puisqu'il institua le monastère de Marmoutiers, près de Tours dont il devint évêque. Le nom actuel de la localité dérive d'un vocable gaulois qui signifie "Grand monastère", où mar- est employé pour grand, moutiers pour monastère ; c'est une preuve qu'à l'époque de Martin, la langue gauloise était encore bien vivante et d'ailleurs, la Vie de Martin précise qu'il avait besoin de traducteurs pour s'adresser aux Gaulois des campagnes, le latin n'étant pas compris par tous. Il meurt le 11 novembre 397, puis est inhumé dans un tombeau, près de Tours, qui devient rapidement un lieu de pèlerinage.
Au Moyen-âge, Martin devient le plus populaire des saints, comme en témoigne par exemple le nombre de localités placées sous son patronage, mais aussi la popularité du prénom en France, jusqu'au XVIIIème siècle. Son culte a donné lieu à toute sorte de pratiques plus ou moins tolérées par l'Eglise catholique et dont l'origine celtique est désormais démontrée (Ph. Walter).
Pour aller plus loin, nous vous proposons un beau texte de Nadine Cretin sur cette fête, l'histoire et la tradition qui s'y rattache.
Nadine CRETIN, Fêtes et traditions occidentales, PUF, Collection que sais-je ?, Paris, 1999, page 82
Saint Martin, né en Pannonie (Hongrie) au IVème siècle, soldat romain qui se fit ermite et devint évêque de Tours, a toujours connu un culte important. L'apôtre des Gaules est populaire dans toute l'Europe, en particulier pour avoir partagé son manteau avec un pauvre d'Amiens. Le geste charitable du saint à cheval (parfois sur un âne) est sou­vent représenté. Sa monture, populaire dans le nord de la France et en Belgique, dépose la nuit des gâteaux ronds, les « crottes de l'âne », comme le fait parfois celui de saint Nicolas la nuit du 5 décembre. C'est, dit-on, pour remercier les enfants d'avoir retrouvé l'animal égaré dans les dunes.
La Saint-Martin marquait la fin des travaux agrico­les. Dans de nombreuses régions d'Europe, les employés des fermes, payes, repartaient chez eux avec une oie. Évoquant le passage des oiseaux migrateurs à l'entrée de l'hiver, l'oie de la Saint Martin est restée au menu du jour des Suédois ; elle est parfois prétexte à des jeux de massacre, comme à Sursee en Suisse, trace peut-être d'anciens sacrifices. Cette fête préludait à l'ouverture du vin nouveau et à l'époque de la « tuée » du cochon. La « Saint-Cochon » ou « Saint-Boudin », toujours quand il fait froid car la viande se fige mieux, disparaît des cam­pagnes. On préparait entre voisins des conserves prévues pour l'hiver, les hommes au saloir, les femmes à la cui­sine. La fête donnait lieu à de joyeuses agapes où le ton était à la paillardise. Avant l'arrivée de la dinde, porc ou sanglier constituaient souvent le menu gras du repas de Noël. Dans les pays rhénans et au Portugal, on allume tou­jours des feux de joie réputés autrefois purifier l'atmosphère, comme ceux du début novembre des Îles britanniques. La veille de la Saint-Martin est célébrée en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas par des défilés d'enfants porteurs de lanternes. Autrefois creusées dans des raves comme celles d'Halloween, ces lanternes sont maintenant en papier, faites à l'école. Dans la ville et la tombée de la nuit, les enfants suivent en chantant un cavalier déguisé en soldat romain qui mime le partage du manteau. Ils croient que c'est en l'honneur du réforma­teur du XVIème siècle Martin Luther : il n'en est rien. La générosité de Martin, comme celle de Nicolas ou de Lucie est un trait essentiel des saints de l'Avent. Puis les enfants quêtent de porte en porte des pâtisseries en forme de fer et cheval, les «cornes de la Saint Martin ». Nous retrouvons de telles quêtes jusqu'aux Rois, où il est toujours très important de donner. Les vœux et les chants des dépositaires de l'avenir sont bienvenus : en leur offrant un petit cadeau, autrefois une pomme, une poignée de noix ou de noisettes, maintenant de l'argent et des friandises, on espère se mettre l'année nouvelle de son côté et s'attirer la prospérité. Ne pas leur ouvrir est de mauvais augure et aussitôt sanctionné d'un méchant couplet. La Saint Martin débute le temps qui conduit à Noël puis au carnaval. (En Allemagne, on commence le 11 novembre à 11 heures les préparatifs du prochain carnaval).
Bibliographie.
- Célestin Von HORNSTEIN, Fêtes légendaires du Jura bernois, Editions transjuranes, 1978.
- Pierre VIAL, Fêtes païennes des quatre saisons, Editions de la Forêt, 2008.
- Philippe WALTER, Mythologie chrétienne, Imago, 2003, 20 € (http://www.editions-imago.fr/).
- idem, hagiographie médiévale et mythologie préchrétienne. L'exemple de Saint Martin, Revue des sciences humaines, 1998, n° 251, p. 43-55.
- Yvonne de Sike, Fêtes et croyances populaires en Europe, Bordas,1995 (épuisé).
- Alain de BENOIST, Les traditions d'Europe, Le Labyrinthe, 1996.
- Arnold VAN GENNEP, Le folkore français, Robert Laffont, 1999.
Amaury Piedfer
(merci à Christian).

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