Magazine

La Bande à Baader

Publié le 12 novembre 2008 par Magda

derbaadermeinhofkomplex01ft

Johanna Wokalek incarne magnifiquement la terroriste Gudrun Ensslin dans “La Bande à Baader

Séance de onze heures du matin à Paris, nous sommes quatre dans la salle de projection pour la sortie française du film La Bande à Baader, réalisé par L’Allemand Uli Edel.  J’attendais depuis longtemps cette adaptation de l’histoire du groupe révolutionnaire RAF (Rote Armee Fraktion) qui oeuvra en Allemagne dans les années 70. Histoire controversée : ces “révolutionnaires”, qui fondèrent leur mouvement à partir d’une révolte étudiante, se voulaient défenseurs des droits populaires tout en utilisant des méthodes terroristes.

Le sujet du film est évidemment extrêmement puissant. Raconter cette histoire politique et sociale en 2h25, et en faire un scénario qui tienne la route, est d’abord l’oeuvre d’un bon auteur, Bernd Eichinger, également producteur du film, mais aussi du célèbre La Chute (réalisation d’Oliver Hirschbiegel), portrait-fiction d’Hitler qui fit date. La narration est centrée sur trois personnages : Andreas Baader bien sûr, leader masculin du mouvement, sa petite amie Gudrun Ensslin, et la journaliste Ulrike Meinhof. Tous trois sont les “fondateurs” du mouvement et sont devenus de véritables légendes. Le film hésite entre la fascination pour ces “héros”, prêts à sacrifier leur vie et leur vie familiale, sur l’autel de leurs idéaux politiques et de la solidarité révolutionnaire (le groupe avant tout), et la mise à l’amende : Ulrike Meinhof, la brillante journaliste philanthrope, abandonne ses deux petites filles ; Andreas Baader est montré comme un semi-crétin charismatique, impulsif et presque misogyne ; Gudrun Ensslin ne recule jamais devant le meurtre s’il est justifié par la cause - même s’il s’agit de supprimer l’un des leurs… Le groupe inspire tantôt la pitié, tantôt la sympathie, tantôt la peur, tantôt le mépris. Uli Edel nous laisse ouvre toutes les portes et n’en referme aucune : ce n’est pas avec son film qu’on saura si la RAF était une bande de salauds sanguinaires et aveuglés, ou un attachant groupe d’idéalistes jusqu’au-boutistes. Tant mieux : ce n’est pas le rôle du cinéma de fiction de faire la lumière sur les événements historiques.

En revanche, c’est son rôle de nous apporter des émotions esthétiques et une réflexion philosophique. Et là, cela pèche un peu. Certes, le jeu des acteurs est impeccable : Martina Gedeck, la grande actrice de La vie des autres, affirme encore son talent en interprétant Ulrike Meinhof, et Johanna Wokalek sera sans doute une révélation pour le public français, dans le rôle de Gudrun Ensslin. La réalisation, dynamique et classique, est d’une grande efficacité, mais n’apporte rien au contenu. Fondamentalement, il manque à la mise en scène d’Uli Edel un parti pris plus fort : est-on plutôt dans la tête d’Ulrike, de Gudrun ou d’Andreas? Aucun personnage ne nous emmène assez loin dans ses émotions ou dans son cheminement personnel. Du coup, on a un peu le sentiment d’assister, parfois, à un documentaire hyper-scénarisé avec un déroulement parfait des événements et une analyse intéressante du milieu étudiant révolutionnaire. Un peu plus de chair n’aurait pas nui à cette histoire. Du point de vue unique d’Ulrike Meinhof (présentée comme la plus intelligente des trois), le scénario aurait gagné en intimité, en force et en finesse. Le film débute avec son personnage, mais on la perd trop vite, noyée dans le magma révolutionnaire du groupe.

Dans le genre du film “historico-politique”, genre qui est l’un de mes favoris, mais aussi l’un des plus périlleux, La bande à Baader n’atteint pas le niveau esthétique puissamment lyrique de Gomorra, ni l’empathie profonde qu’éprouve le spectateur de Nos meilleures années pour le personnage très ambigu de la terroriste italienne.

Quant à la réflexion apportée par le film sur les événements, elle semble légèrement naïve. Elle présente en effet la RAF comme un groupe stylé et sexy d’adolescents attardés, gavés de concepts marxistes, qu’ils n’arrivent pas à digérer avec suffisamment de discernement… face à Horst Herold (Bruno Ganz), l’homme chargé par le gouvernement de mettre un terme au terrorisme de la RAF, et dont le réalisateur fait un homme d’une extrême intelligence politique, qui tente toujours de comprendre les causes de la révolte plutôt que d’appliquer la répression pure. En a-t-il réellement été ainsi?

La Bande à Baader reste plutôt un bon film - dynamique, intelligent, bien interprété - qu’il est intéressant de voir lorsqu’on a envie d’en savoir plus sur ces événements des années 1970, qui participent d’un mouvement international important (Mai 68, Cuba, Action directe, Les Brigades rouges). Il est d’ailleurs curieux de noter l’engouement que suscite aujourd’hui cette période chez les cinéastes des années 2000 (Nos meilleures années de Marco Tullio Giordana, Mesrine, l’instinct de mort, de Jean-François Richet, Les amants réguliers de Philippe Garrel, etc.) mais aussi chez un public européen avide de jeter un oeil en arrière sur cette Histoire proche, dont les tenants et les aboutissants lui échappent encore.

  

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Magda 59 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte