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Les lourdeurs du ‘modèle’ économique français

Publié le 13 novembre 2008 par Argoul

Bien sûr, c’est la crise ; chacun se défausse sur les autres, cépanou ! célézôt ! Jamais Ô jamais les erreurs du système capitalistamérikain ne franchiront la ligne bleue des Vosges, foi de politicien ! Nous on est bon, l’Etat c’est moi, yaka dire je veux. Rien de cela n’est sérieux. Il suffit de se reporter 20 ans en arrière seulement… pour constater que les maux du modèle économique français étaient déjà là, en plus lourds, à l’époque de l’Etat tout-puissant de la gauche mitterrandienne, après 5 ans de nationalisation quasi-complète du système bancaire et des grands groupes industriels. Ces lourdeurs subsistent - privatisations, mondialisation, changement de génération, progrès ou pas. En témoigne ce supplément économie de la revue scientifique La Recherche, dans son numéro de décembre 1986.

Nous étions en pleine ère de la gauche au pouvoir, l’Etat pouvait tout, y compris le meccano industriel, le « libéralisme » était dans les choux, et tout le monde était content. Soi-disant. C’est du moins ce qui se susurre aujourd’hui, où le bonheur est toujours dans le passé, un âge d’or où « yaka » revenir. Hélas ! Ce serait trop facile. Les Bons régnaient et les Méchants ont gagné, nous précipitant dans la situation qui est la nôtre aujourd’hui : ça c’est du mythe. Or ce n’est pas en brassant du mythe que l’on agit sur le réel. Il s’agit d’une compensation imaginaire de l’ordre du fantasme et “ça” reste dans le monde du rêve, pas dans celui de la production durable, des relations de travail, ni du progrès de la société.

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Le thème du supplément concernait l’innovation. Audacieuse entreprise, tant il semble que les Français y répugnaient. Il suffit de lire les titres : le « mal français » de la recherche industrielle, les « retombées économiques » des grand programmes qu’il fallait chercher tant elles paraissaient peu évidentes, les PME encore et toujours qu’il fallait inciter, la crainte que le progrès technologique n’engendre « le chômage » et qu’il accentue (comme aujourd’hui) « les cycles économiques »… 

Ainsi, Jacques Lesourne, auteur du billet d’introduction, notait « qu’en situation de croissance lente s’exacerbent les conflits relatifs à l’emploi des ressources discrétionnaires » des gouvernements. Tandis que l’irrégularité de la croissance et les variations des taux « diminuent pour les entreprises la rentabilité de ce type d’investissement » et « surtout, elles le dirigent en priorité vers une baisse des coûts. » D’où ce double effet, qui est encore d’actualité : « la rigidité tend à rendre plus difficiles les innovations dans les secteurs en croissance lente et au contraire à les accélérer dans les secteurs nouveaux où les nouvelles technologies évitent les recrutements. » Nous sommes au cœur du modèle français de « préférence pour le chômage », expression de Denis Olivennes criante de vérité.

Le progrès technologique n’a d’influence sur la société que si les ménages réorientent leurs achats. Vu le retard français, cela gonfle à court terme les importations au point que Mitterrand a cherché, comme Charles Martel jadis contre une autre invasion, à arrêter les magnétoscopes français à Poitiers. Les facteurs de production sont lentement réalloués, avec transfert des personnes et des capitaux à investir des secteurs en déclin vers les secteurs en croissance. Or ce transfert exige, pour qu’il se fasse sans gros à-coups, une fluidité du travail. « Dans ces conditions, notait déjà Jacques Lesourne, les modes de détermination du coût du travail, les réglementations relatives à l’emploi et plus généralement les rigidités économiques et sociales limitent très fortement l’effet du progrès technique. » Surtout en France. Ce n’est pas le pays où il suffit de dire « Yes, I can ». Vous avez toujours un spécialiste, un professeur ou un syndicaliste qui vous démontre que « ce n’est pas possible ». Et immédiatement des manifs dans la rue contre tout changement dans les fromages statutaires. Qu’on se rappelle les grèves monstres sous Chirac et Villepin – 20 ans de perdu dans la réforme, tandis que les Suédois, les Canadiens, les Allemands, les Italiens, entreprenaient entre autre silencieusement d’adapter leur système social à la nouvelle donne du réel.

Cette répugnance à changer est aussi le cas de la plupart des entreprises françaises : « ne prends pas de risque et l’Etat t’aidera » était le slogan des années 1980. Il faut dire qu’après les nationalisations, tout en référait au ministère. Cela a-t-il vraiment changé ? Faut-il aujourd’hui en incriminer l’élitisme de formation des élites qui ne pousse en rien à se remettre en cause une fois le diplôme en poche ? Les relations sociales hiérarchiques exécrables pointées dans « Le capitalisme d’héritiers » ? Toujours est-il qu’il suffit d’observer le financement de l’effort national de Recherche et Développement par les entreprises en 1985 : France 43%, Etats-Unis 51%, Allemagne (RFA) 57%, Japon 64%. Vingt ans après, comme les héros de Dumas, on voit qui a gagné la bataille du progrès technologique : clairement le Japon et l’Allemagne, dans une moindre mesure les Etats-Unis – mais pas la France. Et ce n’est pas à cause des autres, ni du « capitalisme », ni de « la mondialisation ». C’est bel et bien à cause de nos blocages sociaux et structurels !


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