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Grève et prise d’otage

Publié le 15 novembre 2008 par Alain Hubler

Lyon et le cadeauJusqu’au début de ce mois, la fonction publique vaudoise n’avait, dans mon souvenir, jamais connu des périodes de grève s’étendant sur plusieurs jours consécutifs.

Il a suffi de deux jours – oui, deux petits jours – consécutifs de grève dans les gymnases vaudois pour que des commentateurs plutôt mal inspirés se mettent à parler de prise d’otage.

Oui, vous avez bien lu, prise d’otage. Prise d’otage, des mots forts qui ont un sens. Lorsque des morts forts de sens sont utilisés, la moindre des choses est de soigneusement les soupeser avant de les donner en pâture à ceux qui vont en faire leurs choux gras.

Les amateurs de terminologie issue du terrorisme, un mot qui a aussi un sens très fort du point de vue politique et émotionnel, se recrutent essentiellement dans la presse, pas seulement gratuite, et les médias en général.

C’est ainsi que, par exemple, le gratuit 20 minutes titrait mercredi après la première journée de grève du 11 novembre : «C’est une prise d’otage des patients et des élèves.»

Le même jour, avant même le début de la grève, le journaliste de la RSR Jean-Marc Béguin parlait de «Prise d’otages dans les gymnases vaudois», un terme qui reviendra deux fois dans un texte de 25 lignes.

Quant à Philippe Barraud, l’animateur du magazine en ligne soi-disant contre le «néo-conformisme» (?), il publie un billet littéralement bourré de termes issus du vocabulaire terroriste : sabotage, prise d’otage et j’en passe.

Et ce qui devait arriver arriva, 24 Heures a trouvé jeudi un gymnasien qui lâche «Nous sommes pris en otage par les enseignants alors que nous n’avons rien à voir avec le sujet!»

Prise d’otage ?

Est-ce que quelqu’un a vu un seul employé de l’Etat de Vaud - parce qu’il n’y a pas que les profs de gymnase qui grèvent et qui manifestent – poser un revolver sur la tempe d’un usager du service public ? Ou bardé de ceintures d’explosifs ? Ou encore la lame de son couteau posée sur la délicate gorge d’un ou d’une Conseiller ou Conseillère d’Etat ?

Bien évidemment non !

Il ne s’agit pas du tout de cela, tout le monde le sait, mais certains font comme s’ils ne le savaient pas, car les mots ont un sens et les mots qui ont un sens ont des conséquences lorsqu’on les utilise comme des armes de destruction massive*.

Des armes de destruction massive dont l’usage a pour objectif de dynamiter les droits constitutionnels et démocratiques par la stigmatisation, par l’accusation, par la culpabilisation, voire par la diffamation de ceux qui les utilisent.

Des armes de destruction massive qui ont pour but d’effrayer, de démoraliser, de diviser, pour enfin soumettre.

Des armes de destruction massive dont la fin est de casser le droit de grève et l’exercice des droits constitutionnels, par la bande, sans même avoir le courage - ou l’inconscience - de lancer une initiative populaire visant à supprimer l’article 28 de la Constitution fédérale qui traite de la liberté syndicale et du droit de grève.

Des armes de destruction massive qui sont finalement beaucoup plus dangereuses que quelques jours de grève, quelques banderoles et quelques gueulantes au mégaphone.

La grève est un droit, nous avons donc le droit de faire la grève.

À ceux à qui cela ne plaît pas, il reste la liberté de la faire interdire par les voies démocratiques. À moins que vous ne raisonniez comme cet internaute rencontré au hasard d’un blogue qui réagit à l’interdiction du droit de grève par cette formule :

Supprimer le droit de grève ? Ah non, quand même ! Mais au moins qu’ils ne l’utilisent pas.

* J’ai bien conscience que cette expression est également lourdement chargée de sens …

  

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