Magazine Humour

L'autre jour, à Montgallet...

Par Marsyas De Phrygie

Une poignée de prolétaires se tordaient de rire en voyant un petit Chinois dansotter avec une énorme boîte en carton sur les épaules. Il était en train de décharger un camion. Employé au noir sans doute.

Le Chinois est passé à côté d'un dandy. Celui-ci le disséquait d'un regard glacial.

"Hé !" trancha le dandy.

Courbé comme il était, le Chinois ne pouvait voir que ses pieds. Il a bien essayé de lever les yeux et de tourner la tête mais il était trop grand. Alors il a recambré son dos afin de poursuivre sa misérable tâche. Le dandy lui a dit qu'il prennait son boulot trop au sérieux. Le ton était froid, un peu dur. Le petit, quoique impressionné et tremblottant, l'ignorait du mieux qu'il pût.

"Retiens bien cela," termina le dandy d'une voix sèche et pénétrante.

L'autre s'est redressé, progressivement. Le poids de la marchandise lui a fait perdre l'équilibre, il a basculé et est tombé à la reverse.

Eclats de rire.

Les gens dans la rue se sont arrêtés pour regarder la scène.

Hautain, la tête haute, une main dans la poche, l'homme en costume le regardait. Visage usé par le soleil, suant comme un boeuf. Regard de chien battu. Sans un mot, il a repris son cartable signé "40 kg-fragile". Le patron est sorti de la boutique pour engueuler l'esclave en Chinois, puis s'en est pris au dandy en français. Le patron était un peu plus grand que son Atlas. Un soixante-dix peut-être.

L'homme en costume a quitté le théâtre à pas lents, l'air de rien. Un peu frimeur. Sans payer la moindre attentions aux menaces du patron. Les gens le regardaient comme si c'était un salopard. Il espérait que le petit avait compris la leçon.


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"L'homme contemplant une mer de nuages", peinture de Caspar David Friedrich


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