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Paradis conjugal

Par Liliba

Alice FERNEY

paradis

Elsa, mariée depuis des années, mère de quatre enfants, s'installe sur le canapé du salon, bientôt rejointe par ses deux aînés, et regarde pour la énième fois le DVD du film de MankiewiczMankiewicz "Chaînes conjugales", que lui a offert son mari. Mais ce soir-là, sa vision du film n'est pas la même que les soirs précédents. La veille, son mari l'a prévenue qu'il ne rentrerait pas dans une maison où sa femme regardait en boucle depuis trois mois le même film. Il lui a posé un ultimatum, et elle n'a pas répondu, faisant semblant de dormir.

Mais la voici devant le film, ses enfants commentent les scènes, les caractères des personnages, les situations et Elsa réfléchit sur elle-même, tente de comprendre pourquoi ce film sur les relations entre maris et femmes a un tel pouvoir d'attraction sur elle, presque hypnotique. Elle fait le point sur sa vie, son couple, en parallèle avec l'histoire qui défile sur l'écran ; elle réalise que ce film est comme un miroir qui lui fait prendre conscience de sa situation conjugale, de l'état (de délabrement) de son couple. Et c'est pourquoi cela la touche autant. C'est pourquoi elle finit par céder aux larmes, à l'apitoiement, au désespoir, avant d'avoir un sursaut d'énergie pour, peut-être, partir à la reconquête de son mari, ou bien prendre des décisions définitives quand à l'avenir du couple.

J'ai bien aimé ce roman, même s'il m'a laissée avec un cafard terrible. Quel pessimisme tout au long du livre, quelle vision tragique des relations de couple, de l'avenir même du couple, du partage, de l'amour ! On ne ressent tout au long du roman que la solitude extrême de Elsa, son désarroi, son manque de confiance, sa lassitude. On découvre les non-dits, les malentendus, les chamailleries du couple, ses crises. Est-ce donc cela qui nous attend ?

Alice Ferney nous offre un dialogue intérieur, entrecoupé par la réalité de l'histoire qui défile sur l'écran : aux scènes du film s'enchaînent des images de la vie d'Elsa et Alexandre, des souvenirs. Le film et la vraie vie sont entremêlés, 'interpellent, se complètent, se répondent, se fondent l'un dans l'autre. Le film dure une journée et les interrogations de Elsa une soirée. C'est intéressant, mais devient vite long et un peu lourd à lire. Le style d'Alice Ferney est agréable mais se répète un peu ; certains passages sont presque ennuyeux car on a l'impression d'avoir lu exactement la même idée quelques pages auparavant... Dommage.

chaines

Un seul regret, je ne connais pas le film de MankiewiczMankiewicz, et j'ai hâte de le voir, pour savoir si moi aussi, il me "parle" autant qu'à Elsa, s'il me fera autant réfléchir son mon couple. Et en même temps, j'ai un peu peur de le voir...

Biographie d'Alice Ferney

Après des études de commerce à l'ESSEC, Alice Ferney obtient un doctorat en sciences économiques. Elle conjugue sa vie de professeur à l'université d'Orléans et de romancière confirmée avec sa vie de famille : elle est mariée et mère de trois enfants. En 1997, elle reçoit le prix Culture et Bibliothèques pour tous pour "Grâce et Dénuement". Dans ses romans, elle aborde avec brio et sincérité les thèmes de la féminité, de la maternité, de la différence des sexes et du sentiment amoureux. "L'élégance des veuves", "Grâce et dénuement" et "La conversation amoureuse"' sont parus simultanément en novembre 2004. 

Lilly a beaucoup aimé, de même que Clochette .

Extraits :

"Ce prénom (Elsa) était à lui plus qu'à elle, à lui qui le prononçait plus qu'à elle qui le portait. Voilà ce que pouvait produire l'amour : la perte du nom, et la dépendance, le besoin d'être appelé par l'autre pour exister."

"D'ordinaire elle appréciait que les choses fussent dites. Mais dans le couple il fallait souvent se taire. Le silence était préférable. La parole déclenchait des mécanismes qui étaient ensuite incontrôlables. Les mots étaient plombés de tout le poids que leur conférait le temps, les complicités, les querelles anciennes, toutes les fois où ils avaient été prononcés. Et de toute façon, on ne disait jamais que ce que l'on croyait penser, et on se mentait en premier à soi-même, donc on se trompait sans cesse. Les mots, quels mensonges ils tricotaient, l'air de rien, avec leur bonne volonté !"

"Il n'était pas marrant. Elle n'était pas commode. Il la trompait beaucoup. Elle ne pouvait pas avoir d'enfant. Elle a rencontré quelqu'un. Leurs enfants leur ont pourri la vie. Il n'a pas supporté qu'elle soit malade. Il n'acceptait pas qu'elle gagne plus d'argent que lui. Il n'était pas facile à vivre. Il ne s'occupait pas plus d'elle que d'une chaussette. Elle n'a pas surmonté qu'il reste si longtemps au chômage. Il ne voulait plus habiter dans cette maison. Elle n'a pas supporté de devoir déménager. Il a rencontré cette autre femme. Elle a pris un amant. Quand les enfants sont partis, ils se sont retrouvés tout seuls. Ils ne s'intéressaient pas aux mêmes choses. Elle n'avait plus envie de faire l'amour. Elle ne lui parlait pas gentiment. Cela faisait longtemps que ça n'allait plus entre eux. Il n'aimait pas sortir. Elle était tellement frivole. Elle a toujours vécu à l'extérieur. C'était un emmerdeur. Il n'a fait aucun effort avec ses beaux-parents. Elle ne l'a jamais aimé. Ils n'avaient plus de vie sexuelle. Elle ne le flattait pas, il est allé voir ailleurs. Elle refusait de voyager avec lui. Elle voulait qu'il vende son bateau. Il s'est mis au golf. Elle l'a complètement coupé de sa famille.

Que ne fallait-il pas entendre lorsqu'un couple annonçait sa séparation ! Que de bêtises, de mesquineries, de commérages et de fausses raisons ! C'est fou comme les autres croient tellement comprendre, se permettent de résumer, de conclure, eux qui n'ont accès à rien. Ne faudrait-il pas constater simplement que tout passe ? pense Elsa Platte. La fièvre du début, l'émotion de la première nuit, le plaisir de connaître, l'appétit d'être ensemble, l'envie de charmer, se cassent contre le temps, la répétition, l'inattention de l'habitude, la lassitude, la connaissance, l'agacement, les désagréments, les mauvais souvenirs."


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