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Johnny Thunder for ever

Publié le 16 novembre 2008 par Hongkongfoufou
Par GoudurixYZ
Johnny Thunder for ever
Glissons-nous dans la peau du commissaire Navarro et analysons cette photo si vous le voulez bien. - Voyons voir... Ma parole, encore cet olibrius ? Allez, j'ai pas que ça à foutre. J'ai une prise d'otages à négocier, moi. C'est un truc de bonnes femmes, ça. Julie, viens un peu par ici. Je m'en sors pas... Le commissaire Lescaut se déhancha pour s'asseoir sur le bureau. Sa jupe en tweed se releva au dessus du genou puis elle se pencha en avant, déformant les boutonnières de son chemisier, pour examiner la photo. Navarro, qui ne se laissait pas impressionner pour si peu, ne pouvait s'empêcher de penser qu'une belle plante comme ça serait bien mieux à la maison, dans la cuisine, plutôt que dans un commissariat.
- Arrêtez de maugréer, commissaire. Vous allez voir, ce n'est pas compliqué. Il faut d'abord faire une approche globale, s'attarder sur les aspects sémiologiques, la polysémie du message et les aspects communicationnels. Sans oublier les effets d'identification, les connotations, le rendu du mouvement : statisme et dynamisme. Le tout par une lecture analogique et digitale. La routine, quoi. Navarro, qui ne quittait plus de son regard perçant le chemisier tendu, balbutia :
- Tu es sûre ?
- Ne vous inquiétez pas. Je suis là pour vous aider. Allez, le plan, comment il est ?
- Moyen.
- Les lignes de force ?

- Verticales et horizontales. Elles répondent à la théorie des 2/3.
- C'est bien. Le point du vue, maintenant. Comment est-il ?
- Frontal.
- C'est très bien. Qu'est-ce que vous voyez ?
- Un chanteur que l'on reconnaît aisément, son nom est marqué. Un chanteur contrit
 - Country ?
- Mais non, contrit. Et pas pédant.
- Et pas... - Ttt. Ttt. Ne m'énerve pas ! Allez... Il tient une guitare. Une Vox Teardrop dédicacée. Une belle pièce. Elle ferait bien accrochée au mur du salon. Si l'on incline la tête sur la gauche, on peut lire... Sylvain Sylvain. C'était le guitariste des New York Dolls ! Mais ce n'est pas la sienne. C'est celle de Johnny Thunder ! Je m'étais tapé 30 pages sur Google pour en être sûr, puis j'ai eu l'idée de retourner la pochette. Et c'est marqué. - Bon allez, on finit, faut que je rentre m'occuper de mes enfants. La profondeur de champ ?
- Significative. Un cimetière.
- Très bien, commissaire. Vous voyez, quand vous voulez
 - On a donc un mort et pas de cadavre. Pas de mobile et pas de suspect. - Normal. N'oubliez pas qu'il est mort d'overdose le 23 avril 1991 à la Nouvelle Orléans. - Il n'a pas écrit "Born to loose" pour rien, quand même. Born to lose, baby, I was born to lose... Willy Deville était le témoin involontaire de la scène. Coïncidence rock'n'rollienne. Quand il est sorti de la St Peter's Guest House, la rigidité cadavérique était tellement avancée  que son corps était en forme de U. Quand le sac qui contenait le corps est sorti, il était en forme de U. C'était assez atroce. - Il aurait dû faire carrière dans la police. - Bon sang, tout s'explique : Morrissey ! Président du fan club des New York Dolls dans les annèes 70 ! Il envoyait chaque jour une lettre au Melody Maker pour les défendre ! Johnny Thunder ! Le cimetière ! Cette attitude de recueillement... Cette pochette n'est pas narrative. Elle est commémorative ! - Il y a quelque chose qui me chiffonne. Ces palmiers en arrière plan. Bien exotique pour un cimetière new-yorkais. N'oublions pas que Johnny Thunder est enterré là bas, au St Mary's Cemetery dans le Queens. Et puis il y a ces déclarations de Morrissey disant qu'il voulait se faire enterrer au Hollywood Forever dans le district d'Hollywood. Il aurait jeté son dévolu après avoir visité la tombe de Johnny Ramone. Je ne veux rien d'autre que mon nom, Steven Patrick Morrissey, ma date de naissance et de décès. Je pense que je vais y réserver un endroit. - Donc, en plus d'être narrative et commémorative, cette pochette serait aussi approximative ? C'est incroyable ! - Cette photo a été prise pendant la tournée U.S. 2004. Tu t'en rappelles ?
- Elle passait par Los Angeles mais aussi par New-York. Mince... Johnny Thunder, c'était un peu le gendre idéal. - Moi j'ai toujours dit : le fils indigne de Betty Page et Arthur Rimbaud. Très, très dévoué, surtout au rock'n'roll. - Ne soyez pas trop esthétisant, commissaire. C'est plus fort que vous ! - Nom de Dieu ! C'est Johnny, Johnny Thunder ! Les New York Dolls ! Comme disait Morrissey, le groupe le plus malchanceux du monde !
Johnny Thunder for ever - Bien, d'où la pochette suivante... Terrassé par la compassion sans doute. Dommage qu'il mélange les carreaux et les rayures. Mais rassurez-vous, comme dirait Maxwell, ce n'est pas la peine d'en rajouter. Heureusement, ça devient aussi long qu'un téléfilm sur TF1. - D'ailleurs, on nous annonce que notre dernier lecteur vient de nous quitter.
- Enfin ! On danse, commissaire ?
- Mais non, c'est pas un slow. C'est Jet Boy, enfin !
- Allez, on pousse les tables et les chaises...


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