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2002 - 2008 : “Noëls amers pour petites Barbies”

Publié le 27 novembre 2008 par Kamizole

chine-violentes-manifestations-usine-jouets.1227784491.jpgComme bien souvent, diverses infos se télescopent… J’avais vu passer, mais sans avoir le temps de m’y attarder, un article du Monde.fr sur des manifestations dans une usine chinoise de jouets, en même temps qu’épluchant tout à l’heure la newsletter du Monde (”Que dit le Monde”) je trouve le titre d’une enquête faite auprès des syndicats à paraître ce soir : “Noël va être amer”

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En dépit de cela, je vois sur le site du Monde que les grands magasins parisiens s’attendent à un bon cru… Qui l’eut cru ?

Violentes manifestation dans une usine de jouets chinoise
LEMONDE.FR | 26.11.08 ©

Cela ne me surprend nullement… J’ai entendu sur France Inter pendant mes vacances un prétendu “économiste” s’indigner d’un article de Pedroletti (toujours très bien informé) qui faisant la “une” du Monde, annonçait la déconfiture des usines chinoises… qui n’aurait été qu’un tissu de mensonges !

Depuis, les faits ont amplement confirmé cet article et les interrogations de divers journalistes sur la possibilité d’une révolte sociale des salariés chinois renvoyés dans leurs lointaines campagnes, souvent sans autre forme de procès…

Toujours est-il que tout cela m’a fait penser à un Edito que j’avais commis en 2002 pour le numéro de Noël de la Gazette d’Amitiés sans frontières

Je m’étais servie comme à l’habitude d’une vaste documentation : Le Monde, Télérama, Politis, Nouvel Obs, Express, Le Point, etc… accumulée au fil des mois sinon des années… et qui mettait plus qu’à mal les billevesées des thuriféraires du “miracle chinois” !… On le voit aujourd’hui prendre l’eau de toute part.

  • “NOÊLS AMERS POUR PETITES BARBIES”
  • Conte cruel où l’on retrouve encore, sinon toujours les enfants-esclaves du Tiers-monde, du moins des ouvrier(e)s surexploités… des ballons de football à la plupart des jouets que l’on retrouvera sous nos sapins de Noël.

    Rien d’étonnant : 68 % des jouets importés proviennent d’Asie, pour l’essentiel de la ville de Shenzhen, en Chine du Sud, dans la province de Guangdong, nouvel Eldorado du capitalisme mondialisé appliquant à la lettre le précepte de Ricardo, économiste du XIXème siècle “Produire là où le coût est le plus faible pour vendre là où la marge bénéficiaire est la plus grande”

    Les bénéfices des fabricants et de la grande distribution sont certainement faramineux puisque le coût du travail représente seulement entre 0,4 et 5,5 % du prix de vente au détail…

    Les ouvrières chinoises travaillent 16 heures par jour, parfois 7 jours sur 7 (l’an dernier, pour terminer la commande de Noël, elles ont travaillé 100 jours d’affilée sans aucun repos…) et sont le plus souvent logées sur place dans des dortoirs (30 par chambrées, empilées sur des lits superposés), de manière à être surveillées par l’employeur et disponibles 24 h/24 pour répondre aux exigences de la production et surtout aux délais toujours plus courts imposés par les gros clients étrangers pour qui la règle est : ZERO STOCK (un stock, c’est de l’argent immobilisé et un coût pour les entrepôts).

    On peut épingler le ruban de la Légion du déshonneur sur toutes les boites de jouets : HASBRO (Monopoly, Trivial Pursuit, Parker, poupées Sindy, Playskool), DISNEY et McDONALD’s, JOUECLUB et MATTEL (Barbie, Fisher-Price, Scrabble, Uno, petites voitures Hot Wheels).

  • BARBIE N’A RIEN DU JOUJOU ETHIQUE !
  • Mattel, multinationale américaine du jouet, est en effet épinglée depuis quelques années pour des violations systématiques et répétées des droits sociaux dans ses divers sites de production à travers le monde : “salaires de misère, heures supplémentaires obligatoires non rémunérées, règles de sécurité non respectées, répression des syndicalistes dont le seul tort est de demander des conditions de travail et une rémunération décents”… selon l’accablant constat de HKCIC, une ONG indépendante de Hong Kong.

    Mattel, comme la plupart des fabricants et distributeurs de jouets, ne respecte même pas son propre “code de bonne conduite” adopté sous la pression des campagnes internationales, notamment celles menées par le Collectif de l’éthique sur l’étiquette.

    Que valent ces “chartes éthiques” si rarement respectées ?

  • BARBIE, OU CENDRILLON AU BAL DES HYPOCRITES ?
  • HYPOCRISIE des fabricants de jouets et chaînes de magasin, exaspérés par les campagnes du Collectif (récemment une trentaine de Pères Noëls manifestant devant un grand magasin de jouets parisien aux cris d’”Exploiter n’est pas jouer !”) et n’appréciant guère le “carnet de notes” qui épingle les comportements d’acheteurs peu scrupuleux en matière sociale de la grande distribution. Encore, les notes sont-elles établies selon les propres déclarations et engagements des chaînes de la grande distribution !

    HYPOCRISIE quand Auchan révise à la baisse la charte sociale imposée à ses fournisseurs, se gardant toutefois d’en informer le Collectif ; hypocrisie quand JouéClub - un réseau de 300 magasins - mentionne sur son catalogue une “clause sociale” signée par les fournisseurs mais sans aucun dispositif de contrôle ; hypocrisie des “donneurs d’ordre” qui “D’une main signent de jolis codes de conduite mais, de l’autre, compriment les prix et les délais de production”, dixit Carole Crabbé de l’ONG OXFAM.

    HYPOCRISIE des consommateurs… selon un sondage BVA-CCFD du 15 oct. 90% des Français sont favorables “au fait d’acheter en priorité des produits aux entreprises qui respectent partout les droits sociaux”

    Bonnes intentions affichées, que ne le font-ils pas ? Cette année encore, il suffira de comparer le chiffre d’affaire des ventes de jouets de la grande distribution et des magasins de la fédération d’Artisans du monde… Trop chers, sans doute ? Mais encore une fois, mieux vaudrait acheter moins mais mieux…

    Je suis toujours abasourdie quand j’apprends le montant moyen des cadeaux par enfant : 1500 F (180 F de 1960 : un dixième du revenu mensuel de mes parents à l’époque, qui étaient cadres moyens, et n’auraient même pas imaginé consacrer une telle somme à des jouets).

    Pourtant je n’ai ni le souvenir ni l’impression d’avoir été malheureuse ou privée de quoi ce soit. Je retrouve chez Marie Rouanet (”Nous les Filles”) cette douce nostalgie souriante des jeux de l’enfance dans les milieux populaires des années 50, où l’on n’avait pas besoin de grand chose pour s’amuser, créer ses propres jeux à partir de trois fois rien.

    HYPOCRISIE enfin des audits sociaux, rarement indépendants des donneurs d’ordre : le plus souvent les organismes sont rétribués par les fabricants ou les groupes de distribution.

    Ainsi, la FIDH qui semble bien peu regardante sur le contenu social des labels qu’elle accorde ; la quelle Fédération internationale des ligues des droits de l’homme est également épinglée (Monde diplomatique de novembre 2002) sur le fonds de placement prétendument éthique “Libertés et Solidarités” - créé en partenariat avec SOGEPOSTE (filiale financière de La Poste qui se pose plutôt mal comme employeur “social” !) - qui compte DANONE parmi les actions composant son panier… ;

    de même que l’on peut s’interroger sur l’indépendance réelle de la si mal nommée “VIGEO” - “je veille” en latin - nouvelle agence de notation internationale des pratiques sociales et environnementales de Nicole NOTAT (benêt ?) quand on vise la liste des actionnaires de référence : Caisse des Dépôts, Caisse d’Epargne, Danone - encore ! - Suez, Thomson Multimédia, Schneider Electric, Vincy, Carrefour, Axa, Crédit Lyonnais et B.N.P.

    Ou HYMNOS, le fonds éthique “chrétien” géré par le Crédit Lyonnais… Là aussi, la liste des principales valeurs du titre inspire le doute : B.N.P. Paribas, L’Oréal, Sanofi-Synthélabo, Vivendi Universal, Carrefour, Axa, Vivendi Environnement, LVMH…

    On a déjà du mal à saisir le lien entre l’Evangile et le Gotha du CAC 40 : “Bien Heureux les pauvres (en esprit)” ?

    Sans doute la pertinence éthique des critères des choix d’investissement est-elle aussi opaque que la composition du comité d’éthique d’Hymnos : transparence zéro concernant l’identité des “personnalités laïques et religieuses des principales Eglises chrétiennes” qui y participent avec les gestionnaires du fond ?

    Sinon comment expliquer que Axa n’ait pas été retoquée ? D’une part, pour avoir repris “Titanite”, entreprise spécialisée dans les explosifs militaires (en théorie, un des critères d’Hymnos est l’exclusion des entreprises fabriquant des armes !), d’autre part pour y avoir licencié en contournant les règles afin d’éviter un plan social. Enfin, dans ses activités d’assurance proprement dites, AXA a usé de toutes les pratiques de harcèlement moral de “l’entreprise barbare” pour se débarrasser au meilleur compte des salariés de l’ex-UAP !

    Et cerise sur le gâteau empoisonné : comment peuvent-ils décerner un quelconque satisfecit éthique à Axa comme “entreprise qui placerait l’homme au premier plan de ses valeurs” quand on se souvient que cette même compagnie d’assurance entendait rompre purement et simplement les contrats de rente-survie des handicapés mentaux au motif (insoutenable) que du fait des progrès de la médecine, ils survivent trop longtemps à leur parents (sic !), entraînant une trop grande charge financière pour l’assureur ! Voilà qui est d’un humanisme proprement ébouriffant !

    HYPOCRISIE encore : l’exploitation du travail des prisonniers… Dans la hotte du Père Noël, quelques unes de ces cassettes de jeu pour les “GAME BOY” et autres consoles NITENDO ou VIVENDI-UNIVERSAL qui seront vendues entre 330/360 francs… Les détenus, qui touchaient royalement 0,40 F par cassette conditionnée ont dû faire grève parce qu’on voulait baisser leur salaire à 0.35 F.

    Ils sont obligés de “bosser à donf” pendant des heures, écoulant a deux, plus de 4000 cassettes par jour (200 000 euros à la vente ! et seulement 240 euros de main d’oeuvre). Nitendo et ses distributeurs sont de plus accusés par la Commission européenne d’entente illégale afin de maintenir “artificiellement les prix à un niveau plus élevé”.

    “Quand vous ouvrez une école, vous fermez une prison” (Victor Hugo).

    Certes, la pauvreté et le chômage ne sont pas l’unique cause de la crise de l’éducation au sens large, ni de la délinquance (Jospin a toutefois perdu une occasion de se taire quand il a cru bon d’affirmer s’être trompé dans son diagnostic, la reprise économique n’ayant pas supprimé la violence dans les cités - et pour cause : l’embellie s’était arrêtée aux portes des quartiers difficiles !)

    Mais qu’espérer du tout-répressif qu’on nous promet, avec de nouvelles prisons et des maisons de correction ?… quand dans le même temps on prévoit de fermer des classes, voire des écoles, et qu’on va virer l’an prochain 30 000 pions et aide-éducateurs…

    Qui seraient (très partiellement) remplacés par des retraités (est-ce à dire que les retraites vont devenir si minces qu’il faudra un petit boulot en complément ?) Comment espérer renforcer ainsi la tranquillité dans les établissements scolaires ?

    Les FERRY se suivent à l’Instruction publique mais ne se ressemblent pas : Jules a instauré l’ECOLE REPUBLICAINE, son arrière petit-neveu (qui a mis ses enfants dans le privé) nous concocte l’ECOLE PUBLICAINE ! (les publicains étaient de riches fonctionnaires romains). A défaut des “Hussards noirs” - les instit’ - de son célèbre aïeul, un CRS dans chaque classe ?

    Et le code pénal pour apprendre à lire…

    Inquiétude quand, de plus, maille par maille, on s’acharne à défaire l’ultime filet de sécurité de la protection sociale ! Dans le collimateur de Seillières et ses amis ultra-libéraux : la Sécu, les retraites (sur l’âge de départ en retraite, il est intéressant de noter la convergence entre Seillières et un responsable de fonds de pension britannique : 70 ans !

    Dire que dans la vulgate libérale, les fameux fonds de pension sont censés résoudre tous les problèmes de durée et de montant de cotisation contrairement à notre bon vieux système par répartition… où c’est sans nul doute la notion de solidarité qui fait tache !…

    La CMU et le RMI, l’allocation d’autonomie des personnes âgées (qui reviendrait trop cher !..), la réduction des allocations ASSEDIC avec la quasi suppression des préretraites - alors même que le chômage repart de plus belle ! et que les plus âgés continueront à faire partie des trains de licenciement en série… Les services publics, le droit du travail en général.

    Comptez sur Sarkozy-frère, ponte du MEDEF (qui est fier de délocaliser ! ) pour que “la France d’en-bas” (bonjour le mépris où l’on nous tient !) devienne celle du tréfonds.

    Avec le risque qu’à force de fabriquer toujours plus de “salauds de pauvres” et d’exclus (retour au XIXème siècle et ses “classes dangereuses”) parqués dans des ghettos ethniques et sociaux, antichambres de la prison, on en vienne à régler définitivement la question des bas salaires… par une nouvelle forme d’esclavage…

    Le travail de détenus toujours plus nombreux ? Vagabondage et mendicité, conduiront les “nouveaux hyper-pauvres” dans des sortes d’hospices carcéraux (comme aux XVIIème & XVIIIème siècles) avec travaux forcés : cachez ces pauvres que nos élites ne sauraient voir ; exploitez-les jusqu’au trognon !?

    Il suffira de suivre l’exemple américain : mettre le maximum de pauvres en prison . L’arsenal juridique nouveau y pourvoira bien au-delà du vol et autres comportements véritablement délictuels (lesquels n’iront sûrement pas en régressant si la pauvreté s’aggrave encore)

    Avec des juges redoutant d’être accusés de laxisme s’ils n’emprisonnent pas à tour de bras - les pauvres, cela s’entend ! pour les VIP il y aura toujours des libérations conditionnelles, des aménagements de peine et autres “mesures humanitaires” et expertises médicales complaisantes (Papon, grabataire aussi vite et miraculeusement ressuscité que Pinochet)…

    Juges que le pouvoir souhaite soumettre davantage à l’influence du parquet et de la Chancellerie (retour aux instructions données par le pouvoir aux procureurs que la loi a théoriquement rendus indépendants !) et qui nonobstant le principe de l’inamovibilité des magistrats du siège, se soumettront pour ne pas “plomber” leur carrière…

    Pour, comme s’en amuse le Canard enchaîné, assurer le statut “peinard” du Chef de l’Etat ? avec l’aide d’un Conseil constitutionnel qui se discrédite chaque fois un peu plus…).

    Les nuages sombres ont beau s’accumuler au-dessus de nos têtes, tant qu’on aura encore la “niaque”, l’énergie pour protester, la colère devant les injustices (même et surtout celles qui ne nous touchent pas directement) on pourra encore se souhaiter une bonne année car le pire n’est jamais sûr pour qui le refuse…

  • Je rappelle que tout cela a été écrit en décembre 2002 ! et que toutes ces “joyeusetés” prévisibles sont en cours de réalisation sinon déjà plus qu’effectives.

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