Magazine

L'étymologue et le rocher

Publié le 29 novembre 2008 par Didier54 @Partages
Je ne suis pas un militant. Je n'aime pas militer. Le mot, peut-être. Son début. Ça fait trop militaire, cette affaire. Trop armée de désarmés, sans treillis certes. Étymologiquement, de toutes façons, militer, c'est faire la guerre.
Je n'aime pas la guerre. Je commence seulement à percevoir que la paix en est une aussi.
Je n'ai d'autre carte que celles que je tiens en main lorsque je joue à la belote, et aussi quelques administratives (une grise, une vitale, une pour prouver que je peux conduire une automobile).
Il m'arrive aussi d'en regarder des géographiques, assez rarement cependant, j'aime assez le flair et le trajet au pif.
J'ai eu naguère une carte tricolore, professionnelle, que je ne brandissais jamais. J'étais fier de l'avoir et elle restait bien sagement dans mon portefeuille. Elle était à moi, je l'avais méritée, elle ne regardait personne.
Je n'ai jamais adhéré à un syndicat. Ni à un parti. Mon syndicat des eaux est comme mon syndicat intercommunal. Ils sont loin. Et payants. Ce sont des services publics, il faut dire. Et si ça n'a pas de prix, ça a des coûts. Je contribue. Je fus en d'autres temps adhérent d'associations. Certaines par choix, il fallait soutenir un pote qui avait lancé la sienne, d'autres par obligations, assurez vous ils disaient. Plus maintenant. Étymologiquement, de toutes façons, adhérer, ça veut dire s'attacher. Poing tendu d'accord, mais pieds et mains liés non.
Je n'ai manifesté qu'à deux ou trois reprises, c'était plus pour suivre les copains et traquer les copines que par conviction. Nous étions étudiants. Jeunes et cons, joyeux et insouciants. Je ne dis pas que c'était le bon temps, c'était l'hiver, il faisait froid, il pleuvait. Mais on s'en fichait, indifférents aux renseignements généraux. On s'amusait des selon les manifestants et des selon la police. J'ai vu plusieurs types en taper un qui était tout seul. Ils avaient des cagoules. Et des battes. On passait devant la prison de la santé, où des mains s'agitaient derrière les barreaux. De toutes façons, étymologiquement, manifester, c'est proclamer de manière publique.
J'ai bien sûr manifesté ma joie à plusieurs reprises, de manière contenue, je suis comme ça. Plus sourire qu'éclat de rire. Plus murmure qu'éclat de voix. Plus tranche de jambon que cuisse de mammouth. Il en va de même pour mes manifestations de colère, assez rares.
Je ne suis pas partisan. J'épouse des causes mais de manière assez platonique. Le seul partisan que je tolère, au fond, est ce chant signé Léonard Cohen, dont j'aime beaucoup la reprise par Bertrand Cantat et le groupe 16 Horsepower. Partisan, c'est comme adhérent, c'est attaché. C'est prendre parti.
Vous le voyez, moi aussi, je fais des recollements.
Il m'arrive parfois de penser que la vie, ce sont des rochers. Vous savez, ou pas, les rochers sont des confiseries chocolatées que les moins de trente ans n'ont pas connu. Etaient des confiseries. On ouvrait, à l'intérieur, sur le papier, il y avait écrit gagné ou perdu. On sursautait quand on avait gagné, sourire vainqueur, on avait droit à un autre rocher. Et on grise-minait quand on avait perdu, parce que l'autre rocher, il fallait alors l'acheter. Ou pas. Vous me direz au final, ça fait toujours deux rochers. Mais le prix n'est pas le même.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Didier54 35 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte