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Deux ans dans le monde sans toi

Publié le 29 novembre 2008 par Ttdo

Lettre à ma sœur

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Le 5 décembre 2006 tu nous quittais brutalement. Ta chute mortelle dans tes escaliers faisait écho à celle de notre mère 26 ans plus tôt. J’ai du depuis apprendre à vivre sans toi, sans ta joie, tes enthousiasmes, ton sens du don et de l’échange, tes coups de blues, tes coups de fil du soir, tes lectures,…Je ne m’étais pas préparé à vivre sans toi comme cela avait été le cas, il y a bien longtemps, avant que tu ne viennes au monde ce jour ensoleillé d’août 1953. Deux ans après j’éprouve le besoin, moi qui ne suis pas croyant, de t’écrire, au-delà de la mort, pour te donner des nouvelles d’un monde qui te décevait tous les jours mais que tu aimais profondément.

Fin 2007 je n’ai pas été capable d’une telle démarche. Et c’est heureux, tant l’évolution du monde, cette année là, apparaissait comme catastrophique et désespérante. Fin 2008 la tonalité n’est pas la même et si des risques de catastrophe planétaire se confirment, des germes d’espoir et de renouveau semblent se cristalliser.

L’année 2007 aura vu le triomphe du tout argent, habillé d’oripeaux plus ou moins séduisants et trompeurs. Finie la solidarité, place à la compassion et la pitié. Terminé le projet de construire une Europe où mieux vivre ensemble, place à la concurrence de tous contre tous. Finie la reconnaissance de la création et de l’imagination, place à la valorisation de la rente et des héritiers. Terminé le respect du travail et du labeur, place à l’exploitation sans limite des salariés avec la disparition de toutes les règles et garanties. Fini l’espoir d’une vie plus longue et meilleure grâce aux progrès de la médecine, place au travail tout au long de la vie.

Mais l’année 2008 aura aussi vu émerger, parfois de façon surprenante, des éléments d’espoir. Prise de conscience que nous habitons et partageons une terre dont les ressources sont limitées. Quarante ans après, retour du message de mai 1968 –même si c’est parfois pour le combattre – de l’impasse d’une civilisation basée sur le seul cycle production/consommation. Et, plus surprenant et intéressant, retour de l’action politique –même si c’est sous des formes personnelles et dévoyées – dans une société malade du tout gestionnaire. Et surtout effondrement du système financier avec une fin 2008 ahurissante : retour de l’état, panique des traders, élection d’Obama, travaillistes anglais défaisant ce qu’ils avaient fait….

Certes les pesanteurs intellectuelles restent présentes chez les adeptes de ce que Todd appelle la pensée zéro, et particulièrement chez les eurocrates. Démontrant leur enfermement dans une idéologie totalitaire ils défendent que c’est l’insuffisance de libéralisme qui est le problème, reproduisant ainsi le type même de discours de leurs ennemis, frères jumeaux, du stalinisme avant la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS. Certes le PS, après les électeurs français en 2007 et américains en 2008, vient de montrer que la barrière du genre, contre laquelle tu as lutté ta vie durant, restait la plus haute à franchir.

Mais, après le communisme, le libéralisme a échoué à représenter l’horizon indépassable de l’humanité. Un autre monde devient ainsi  possible. Tu aurais aimé ce défi !

Cinquante après la publication, en langue anglaise, d’un de ses livres majeurs, The Human Condition, la pensée de Hannah Arendt, qui a consacré sa vie à découvrir, après la rupture de la tradition qu’ont provoqué les horreurs inédites des totalitarismes du XXe siècle, les nouvelles conditions du vivre ensemble, est particulièrement actuelle. Sa vision, le plus souvent ternaire (travail, œuvre, action – pensée, volonté, jugement) de la condition et des capacités des êtres vivants que nous sommes, son besoin irrépressible de « comprendre ce que nous faisons », sa volonté d’agir et de penser par elle-même et avec les autres, sont totalement adaptés aux enjeux de ce siècle. Nous avions beaucoup échangé autour de sa pensée. Je continue ma recherche et le travail pour faire connaître son œuvre.

Tu me manques terriblement, mais j’apprends chaque jour à vivre sans et avec toi…

éé

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