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Le jour où la France s'arrêta

Publié le 08 décembre 2008 par H16

L'arrivée au pouvoir de Saarku, un extraterrestre d'apparence humaine, provoque de spectaculaires bouleversements gouvernementaux. Tandis que les journalistes et les scientifiques tentent désespérément de percer son mystère, une femme, le docteur Christine Regalad, parvient à nouer un contact avec lui et à comprendre le sens de sa mission. Saarku est là pour sauver la France... avec ou sans les Français. Préférablement sans.

Comme vous l'aurez deviné, il s'agit d'un nouveau film Demaerd Movies, la filiale de production de la compagnie tentaculaire Demaerd Corp.

Las. La compagnie nous avait habitués à des films pleins de rebondissements, d'aventure et d'action. Mais cette fois, on sent une certaine fatigue des équipes. La fin d'année, fort chargée, joue sans doute : l'intrigue est confuse, les acteurs peu convaincants, les effets spéciaux manquent franchement de peps, et les rebondissements font assurément téléphonés.

Sur le papier, cependant, il y avait matière à faire dans le grandiose : dans un monde au bord du gouffre, alors que les problèmes dégringolent en avalanche emportant tout sur son passage, l'arrivée d'un être venu d'ailleurs aurait pu être l'occasion d'une prise de conscience, de changements drastiques ou d'une remise en cause profonde. Malheureusement, les scénaristes ont préféré la sécurité d'une route bien balisée à la fracture franche dans le mode de pensée.

Ainsi, dès les premières minutes, le décor planté laisse entrevoir un futur plus que sombre et quasi-apocalyptique à côté duquel celui d'un George Romero ferait office de bluette délicate. Et le spectateur est agréablement surpris de voir que les histoires de zombies putréfiés et autres vampires suceur de subventions ne sont en trame de fond que pour en être aussi vite oubliées.


Encore un film Demaerd !

Avec un tel début, on s'attend donc à du grand spectacle : la situation dramatique est à ce point tendue que des combats de mégères sont organisés pour occuper les citoyens, que la léthargie gagne pourtant devant l'ampleur du désastre.

Lorsque le super-héros arrive, cependant, on sent que les cuivres orchestraux s'épuisent vite, et les mouvements d'archers sur des violons couineurs se font plus spasmodiques ; la ville de Douai, choisie pour le tournage, laisse à désirer dans la catégorie "décors somptueux". On est loin des panoramas à couper le souffle sur des grandes agglomérations triomphantes, aux buildings de verre et d'acier. Et lorsque Saarku, l'être venu du néant intersidérant, prend la parole pour expliquer ce qu'il va faire pour aider les pauvres, les veuves, les orphelins et les constructeurs automobiles, le personnage perd de sa superbe.

En effet, alors qu'on assiste à un florilège de superlatifs ronflants comme "audacieux" ou "ambitieux" pour qualifier son propre plan, la litanie des actions qu'il va falloir mener laisse perplexe le contribuable qui cherchera, en pure perte, l'audace et l'ambition dans ce bricolage foutraque de mesurettes dépensières et inadaptées.

Dans la partie dépenses somptuaires avec l'argent des autres qu'on n'a pas et qu'on n'aura jamais, on retrouve la sempiternelle et terriblement keynésienne relance des investissements de l'État, des entreprises publiques et des collectivités locales pour 10,5 milliards d'euros, au profit de grands travaux d'infrastructures, comme les lignes TGV, ou des universités et la défense. La France avait déjà le train le plus rapide et le plus cher du monde ; elle disposait de l'université la plus adaptée pour la production en chaîne de petits smicards à bac+5. Quant à sa défense, elle s'enorgueillissait d'une flottille imposante de portes-avions tous plus rutilants et mieux conçus les uns que les autres. Grâce à ce plan, elle aura le train le plus rapide et le plus cher, l'université la plus adaptée à produire du chômeur surdiplômé, et la défense la plus à même de projeter ses forces aériennes dans le vaste azur bleuté des déficits nationaux. Un grand bon en avant, une cascade digne d'un Rémy Julienne de la politique. De l'audace, encore de l'audace !

Et comme l'argent des autres qu'on n'a pas est toujours plus facile à claquer que l'argent qu'on gagne, Saarku en profite pour faire du prêt à taux zéro, filer des ronds pour produire des voitures compressées en lieu et place d'historiques vitres cassées, ou créer un maroquin au nom qui chante - audace encore !

Imaginez un peu : "Ministère de la Relance". Voilà qui donne un petit air guilleret aux affabulations stato-constructivistes de notre socialiste de droite : le moteur cale ? On va le relancer en injectant des thunes dans le carbu façon kärcher sprinkler, je ne vous dis que ça ! Et comme il suffit d'un Ministère pour Relancer, on souhaite ardemment la création prochaine des Ministères du Soleil Douillet, de la Bonne Chère ou du Sexe 6 Fois Par Semaine Mini.

En attendant, pour mettre les mains dans le cambouis salissant du formidable engin macro-économique franchouillard, Saarku tente - audace toujours - l'ouverture ! Et il prend donc un sarkozyste, un certain Patrick, qui s'est empressé de remercier son maître en lâchant une bonne bourde, tradition bien huilée mise en place il y a quelques mois déjà par Christine Regalad. "J'espère que mon ministère deviendra inutile." aurait ainsi déclaré le joyeux gagnant de la loterie ministérielle. Voilà en tout cas une mission facile à remplir puisque c'est déjà le cas : la Relance ne viendra pas d'un maroquin, aussi souple et agréable au toucher soit-il, et les petites trépidations festives du ministre potiche n'y changeront rien.

Et pendant que Saarku, l'œil fatigué et le teint de plus en plus cireux, repart en petites foulées sportives vers de nouvelles aventures dispendieuses, son gentil Patrick devra se taper un bien sale travail (tout en continuant à frétiller, intitulé pétillant oblige) : il va devoir trouver de l'argent alors que la vénérable CDC affiche, pour la première fois de son existence, des pertes, et que même envoyées à la casse pour de l'argent, les voitures ne se vendent pas.

Bref.

Dès le départ, on sent que le film nous prépare une séquelle : on sait déjà, avant la fin du premier opus, que le premier plan ne suffira pas, qu'un second sera lui aussi lancé en pure perte à grand renfort de flonflons citoyens. On sait déjà que Saarku, de plus en plus confit de sa propre importance, continuera à s'agiter en appuyant sur les boutons du corporatisme, du protectionnisme et du capitalisme d'état, tout en restant totalement incapable d'endiguer les carences graves du système français.

Un beau matin, Saarku ne pourra plus faire de chèques. Déclaré Interdit Bancaire par le reste du monde où plus aucun créditeur ne pourra suivre les folies étatiques de l'objet voleur trop identifié, il devra se résoudre à vivre chichement dans un pays devenu pauvre. A ce moment, la France aura fini l'intégralité de sa trajectoire parabolique... On se souviendra alors de ce jour comme celui when France stood still.

Alors qu'on aurait du s'attendre à une véritable révolution musclée, une remise à plat des contingences de l'Etat et une vraie prise à bras le corps des vastes problèmes structurels de la Fraônce, on aura droit, encore une fois et comme beaucoup d'autres pays, à une petite enveloppe, glissée pudiquement dans les souliers, sous le sapin.

Et la surprise de Noël, cette année, c'est que l'enveloppe ne contient pas d'argent !

C'est une facture, et assez salée en plus.


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