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Ces députés qui nous cassent les urnes

Publié le 12 décembre 2008 par H16

Ca y est ! Nous disposons à présent d'une mesure scientifique de la viscosité administrative française. Pour rappel, la viscosité peut être définie comme étant la résistance à l'écoulement se produisant dans une matière. Pour la viscosité administrative, il s'agit de la mesure de la résistance à l'écoulement d'un projet de loi idiot et qui n'a pas été demandé par le citoyen vers sa phase finale d'adoption en assemblée. Et le constat est accablant : il faut 1135 jours, ±1 jour.

Eh oui : plus de trois ans s'écoulent donc entre le désir et l'acte, entre le moment où un élu sort de ses rêvasseries postprandiales provoquées par un repas trop copieux payé par nos impôts et décide, sentant sa mise en bière proche, de faire un geste pour ses obsèques, et le moment où l'Assemblée Nationale, ravie de trouver à s'occuper, peut enfin excréter une petite loi supplémentaire qu'elle viendra déposer, proprement, sur le tas déjà fort large des productions digestives de la législature courante et des précédentes.

Attention : ne me faites pas plus négatif que je ne le suis ! Je n'ai pas dit que la glorieuse Représentation Nationale s'était tourné les pouces pendant cette longue période de viscosité administrative moyenne. Que nenni ! Elle aura même fait montre d'une inventivité toute particulière pour produire, sur une base quasi-quotidienne, de nouvelles taxes, de nouveaux impôts, de nouveaux droits farfelus et même de nouvelles mémoires historiques pas choquantes prêtes à l'emploi.

Mais pendant ces trois ans, elle aura aussi réussi à trouver le temps, besogneuse comme on l'imagine, pour éplucher les remarques de l'époque (1er novembre 2005, eh oui, le temps passe) et permettre de présenter un magnifique texte, ciselé dans le bon sens interventionniste des peseurs de cendre froide.

A l'époque, l'idée du député consistait à - vite vite - légiférer pour empêcher le contribuable de faire ce qu'il désirait des cendres de ses proches, puisque, comme tout le monde le sait, il est naturellement enclin à se débarrasser de ses proches en balançant les cendres dans le premier vide-ordure venu. Le projet de loi présentait une petite introduction rappelant combien l'individu, laissé seul sans état à lui-même, était soit immoral et sniffait des rails de cendres pour le fun, soit dupe et stupide au point de se faire enfumer par les pompes funèbres. Puis le projet évoquait l'absolue nécessité pour une commune de disposer d'un endroit spécifique, dûment payant, taxé et subventionné, pour recevoir les urnes qu'on interdirait bien vite aux domiciles privés. Enfin, dans ces accès de lucidités shadokiens qui caractérisent nos élus, la loi projetait de planifier la répartition des cendres parmi les proches lorsqu'une succession contient ces restes délicats.


Cash-Machine

Ce projet se sera donc, lentement, écoulé depuis le bureau (capitonné ?) de l'impulsif député pendant les mille jours qui suivirent vers l'assemblée qui aura digéré l'information, métabolisé les petits paragraphes finement ouvragés, pour finalement produire ... ceci. Et la lecture de l'article est édifiante.

Dès le départ, on sait qu'on va se faire avoir : on nous y présente la partie antérieure et oblongue du suppositoire, celle qui rentre le mieux, en reléguant à la suite de l'article la partie postérieure aux ailettes métalliques à géométrie variable. Pour la partie oblongue, l'Assemblée légifère pour imposer un cadre tarifaire précis à la profession (youpi, UFC Que Choisir est content, le PCF est content, ce qui donne une image fidèle du spectre politique de l'Assemblée), et on fait quelques simplifications administratives (youpi, les fonctionnaires attitrés à ces besognes seront contents).

Pour la partie à ailettes ... un petit paragraphe journalistique suffira. Son analyse se résume ainsi :

  • Statut juridique aux cendres des défunts : on va enfin pouvoir se répartir les contenus des urnes sans se chamailler et faire des batailles de boules de cendre. Il était temps ! Tout le pays frémit à cette nouvelle d'importance ! La criiiiiiise financière n'a qu'à bien se tenir !
  • Plus d'urnes chez le particulier, et tant pis pour les dernières volontés du défunt. Mamie était contente d'avoir Papy sur la cheminée ? Qu'à cela ne tienne. Elle devra aller le voir dans un cimetière ou un columbarium (mal orthographié dans l'article). Pour cela, elle et sa hanche patraque pourront prendre le Bus 17, qui arrivera après une courte attente de 25 minutes sous la pluie froide de décembre, et sera bondé de gros malpolis qui ne lui laisseront pas de place assise, pour se rendre dans le petit édifice du fond du cimetière, aux escaliers glissants. Là, elle pourra se recueillir auprès des restes de son mari, si tant est bien sûr qu'elle est bien à jour des taxes et paiements que la location de l'espace correspondant entraînent. Après quoi, Mamie chopera une bonne bronchite et claquera dans les jours qui suivront.
  • Le texte exclut également l'existence de sites cinéraires privés, ce qui évitera que de sales capitalistes n'en profitent pour créer des jardins du souvenir bien entretenus à des tarifs modiques. Ainsi, la charge en reviendra aux communes dont les finances sont, chacun le sait, généralement florissantes.
  • La dispersion des cendres dans la nature sera toujours autorisée si elle est accompagnée d'une impressionnante quantité de paperasse et d'emmerdements administratifs décourageants que le projet de loi avait supprimé pour ceux qui ont choisi la voie républicaine officielle (les planches en sapin dans un trou). La notion d'égalité devant la mort est donc pliée finement en 16 et introduite avec rapidité directement à la suite du suppositoire législatif.
  • Et enfin, comme pour les lois qui dictent l'histoire, on obligera tout le monde à se rappeler des anciens - parce que sans cette loi, c'est bien évident qu'ils n'en feront rien, les petits saligauds. On attend les ajouts nécessaires obligeant Mamie à se rendre au columbarium, sur une base plurimensuelle avec signature d'un registre de présence et amendes en cas d'absence.

Tout, dans cette loi, montre le mépris total des contribuables, des citoyens et des individus responsables. D'un début à l'autre de l'action législative, il n'est question que de "protéger" l'individu éploré de sa propre stupidité, de l'empêcher de faire ce qu'il veut de ses restes les plus intimes, et s'arrange pour faire peser sur ceux qui restent de nouvelles charges gluantes d'un état vampirique.

Les morts de ce pays sont foutus.


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