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Annotations en ligne. Quand G. tisse sa toile

Publié le 15 décembre 2008 par Pierre Mounier

Narvic signale la naissance de Google SearchWiki.

SearchWiki : personnalisation et annotation des résultats de recherche

C'est un événement qui n'a, pour l'instant, guère fait de bruit, ou a même été considéré comme un gadget. Je pense, au contraire, qu'il pourrait prendre une importance capitale. Narvic le décrit ainsi :

Qu'est-ce que SearchWiki ? C'est une manière de personnaliser les résultats de recherche fournis par Google. Il faut posséder un compte personnel Google (Gmail) pour y avoir accès et il faut être connecté. (...) A partir de là, les pages de résultats de recherche fournis par Google changent d'aspect. De toutes nouvelles fonctions apparaissent (...). La première se matérialise par l'apparition de nouveaux boutons à côté du nom de chaque site dans la liste des résultats : une flèche vers le haut et une croix. La flèche permet de faire monter ce résultat en tête de la page de recherche. La croix permet de le supprimer. Un nouveau lien, en bas de page, permet également d'ajouter un résultat qui n'aurait pas été retenu par Google. Il s'agit donc bien de personnaliser les pages de résultats : l'algorithme de Google vous fournit un résultat de recherche, à vous ensuite de le modifier à votre guise. Google conserve en mémoire vos modifications, et si vous effectuez la même recherche à l'avenir, il vous présentera la version que vous avez modifiée vous-mêmes.

Il est également possible d'annoter une page, en lui ajoutant commentaire.

De plus en plus d'informations sur les pages web

Il est probable que cela soit passé inaperçu en France parce que le service n'est pour l'instant proposé que sur la version « .com » de Google. Il y a une autre raison : pour l'instant, ce service est purement personnel et privé. Il suffit de croire Google. On peut aussi penser qu'il s'agit d'une première étape.

Imaginons une deuxième étape, au cours de laquelle Google utiliserait les interventions de dizaines de millions d'utilisateurs pour compléter son algorithme. Il y a déjà longtemps que Google a introduit, sans susciter de commentaires particuliers, une mesure des usages des internautes utilisant son moteur. Au début, souvenez-vous, quand on cliquait sur un résultat de recherche, le lien nous menait directement vers le site proposé. Désormais, nous faisons un petit détour par une autre page de Google, qui, très discrètement, permet de mesurer les usages. Cela donne une formidable machine à générer des statistiques. Ainsi naquit Google trends. Même stratégie avec Google analytics, qui apporte un service gratuit de mesures d'usage... et fournit des données précieuses à Google sur l'état du web. Il n'élabore pas que des courbes de fréquentation. Il alimente une base de connaissances permettant de mieux connaître les pratiques du web ; d'identifier l'émergence de nouvelles pratiques, les anticiper, éventuellement les orienter.

Résultats et publicités de plus en plus contextuels

Google Search Wiki prolonge et affine cette tendance, en stockant des informations d'appréciations de sites web. Il sera plus facile de proposer de la publicité contextuelle, selon le modèle économique mis en place, avec succès, par Gmail. De la publicité contextuelle non pas seulement à la requête, mais à l'ensemble du profil de l'internaute.

Il sera plus facile, ainsi, de continuer à améliorer l'algorithme de Google. Quoi qu'on en dise, il n'est pas au bout de son évolution et doit s'améliorer, en particulier en ce qui concerne les moteurs spécialisés construits par l'ogre de Mountain View (Google scholar est loin du compte, par exemple). Mais aussi, et surtout, en ce qui concerne la personnalisation des résultats. La nouvelle frontière des moteurs de recherche n'est-elle pas la personnalisation des résultats de recherche, en fonction de profils-types d'internautes ? L'algorithme de Google est, pour l'instant, général. Il donne à M. Durand, jeune ingénieur des Mines à Toulouse, les mêmes résultats qu'à Mme Dupont, retraitée de l'agriculture habitant dans le Cantal, indépendamment de leurs affinités, de leurs goûts, de leurs habitudes.

Or, quelle est la meilleure façon pour construire une typologie des types d'internautes que de collecter leur avis sur les résultats, à l'aide de SearchWiki ? Associables aux données très riches collectées par Gmail, ces informations permettront d'aller très loin dans le profil-typage des internautes. A l'aide de ces nouvelles données, le profilage semble à portée d'algorithme. Le nouveau programme Google friend connect va dans le même sens, en établissant des connexions entre les internautes, sur la base de l'identification de leurs goûts en matière de navigation.

Google friend connect

http://www.google.com/friendconnect/

Le marché des métadonnées : Google invente le Surweb

Ce n'est pas tout. Imaginons à présent une troisième étape. Imaginons que les commentaires que les utilisateurs attacheront à des pages web via Google searchWiki soient rendus publics. Alors, le web sera doté du plus vaste système d'annotation ayant jamais existé, car s'appuyant sur une base d'utilisateurs gigantesque. Cette base d'annotation des pages web constitue potentiellement une surcouche informationnelle posée sur le web. Ce qui constitue un post-it, à l'échelle de l'usage de l'internaute annoteur, peut en effet rapidement devenir une trame de post-it, utile au sein d'un réseau de type Google friendconnect. Une fonction sociale appréciable, concurrente de Delicious ou CiteUlike, disposant de l'avantage décisif d'être affichable et éditable dès les résultats du moteur de recherches.

La fonction sociale incitera, sans doute, les utilisateurs à rendre leurs données publiques. Certains se contenteront d'ouvrir leurs annotations à leur réseau social. Beaucoup pourraient être plus "généreux". Et la trame de post-it s'élargirait au point de devenir un filet. Une toile.

Ainsi, Google serait en mesure de proposer une fonction tueuse, susceptible de réduire l'intérêt du web, au profit des contenus stockés ou affichés par Google. Avec Google news, Google fait déjà ce travail d'avaleur de fréquentation, car l'utilisateur pressé peut souvent se contenter de métadonnées décrivant la ressource qui sont affichées sur le site d'actualités de Google. Pourquoi ? Parce qu'elles sont de plus en plus éditorialisées au niveau du moteur, c'est-à-dire classées et hiérarchisées. L'évolution du moteur de recherche vers un moteur de recherches éditorialisé semble se confirmer, notamment à travers l'évolution récente de Google blog search. Ce dernier était auparavant un "simple" moteur de recherches sur les blogs. Il est désormais éditorialisé, à la mode de Google news, du moins dans la version anglophone. L'ancien rêve des "portails", éditorialisation et centralisant l'information, semble redevenir actuel. Yahoo a essuyé les plâtres. Google ramasse la mise.

Dans les résultats de Google eux-même, l'introduction relativement récente de la structure des sites sous leur titre a amélioré l'accès à des ressources profondes des sites. Elle a renforcé la position de Google comme fournisseur de métadonnées structurelles. En offrant de tels raccourcis, Google apporte un service d'accès rapide à l'information. Mais il court-circuite également une partie des clics dans les sites web indexés, donc, potentiellement, une partie des revenus publicitaires.

Sur Google maps, le processus est similaire. Google rapatrie la liste des hôtels de New-York et l'affiche sur une carte. Il indique les rues embouteillées en ce moment. Il ajoute des commentaires sur les hôtels, extraites de Tripadvisor.com. Ce type de site a intérêt à fournir ces données à Google, car cela lui apporte beaucoup de trafic. Mais essayez une requête "Hôtels New-York". Vous verrez également qu'il n'est plus vraiment nécessaire d'aller jusqu'à Tripadvisor pour savoir à quoi s'en tenir concernant l'hôtel Hudson...

Gmaps collecte et affiche beaucoup de métadonnées

Gweb

Google crée donc petit à petit des services très utiles aux internautes, qui se nourrissent de contenus fournis par les sites d'actualités (Google news), par les bibliothèques (Google books), par les internautes (Google connect, Google searchWiki, Gmail), par les sites touristiques (Google maps), par le web dans son ensemble. Le potentiel de SearchWiki est très important. Il pourrait concerner des milliards d'annotations. Associé à Google FriendConnect, il pourrait permettre la construction d'un réseau social sur le web, associant données personnelles (Facebook, LinkedIn) et cartographies personnelles du web. Proposer une toile sur la toile, et sur mesure s'il-vous-plaît. Est-ce que cette Gtoile produira de l'ombre à la Toile elle-même, ou contribuera-t-elle à poursuivre sa croissance, sa structuration et sa personnalisation ?


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