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Les peuls et le code samourai

Publié le 16 décembre 2008 par Bababe

Après  les Bretons,  voici les Japonais...  Pourquoi pas ? Lire cet article d'un ethnologue japonais. (Est-ce que tout ça n'est pas révolu ?)

Ne pas regarder son aîné en face est une marque de politesse chez les peuls. Le contraire implique que « vous avez les yeux secs » (sans gêne).   De passage à Paris, des oncles et des tantes qui entourent cette jeune étudiante en mathématique,  ont dû constater que leur nièce  semble se plier encore à la tradition.   (Attention, dans d'autres cultures, on peut interpréter  le fait de ne pas regarder une personne en face comme étant du mépris

  Ryo Ogawa explique pourquoi un Japonais peut se sentir à l'aise parmi les Africains - Ryo Ogawa

Chez les Peuls du Dyolof, au Sénégal, le fidèle compagnon de mes recherches portait le beau nom de Awdi : « Semence gardée pour les prochaines
semailles ». Il était de dix ans plus jeune que moi. Le jour de mon départ, contrairement aux autres Peuls qui m'accompagnèrent jusqu'à la sortie du village, il se cacha sans me dire un mot d'adieu. C'était sa façon de ne pas me montrer combien il était triste.
Japonais formé dès mon plus jeune âge à retenir l'expression de mes émotions, j'ai toujours été sensible à la manière qu'ont mes amis peuls de voiler leur joie ou leur tristesse, qui correspond à un code de conduite nommé pulaagu.
Dignité, courage, patience, discernement : tout cela fait partie du pulaagu. A mon avis, il se définit essentiellement par la notion de retenue. Chez nous aussi, il est indigne de s'exhiber ou de s'abandonner à ses besoins physiques, suivant en cela la tradition du bushido mise à l'honneur par les anciens samouraïs.


J'ai très rarement entendu un Peul dire : « J'ai faim. » Ce serait faillir au pulaagu, se mettre au niveau du commun. Jamais je n'ai vu un enfant de quatre ou cinq ans se plaindre parce que le repas tardait à être servi. S'il accompagne sa mère au marché, il ne mangera rien avant de se trouver à l'abri des regards. Moi-même, au début de mon séjour, j'ai essuyé de sévères réprimandes pour avoir voulu assister à la dissection d'un mouton tué en mon honneur. Ma curiosité passait les normes du pulaagu.

Le pulaagu, forgé par un peuple de pasteur : africains, et le bushido, par des Japonais riziculteurs, ont pourtant une même fonction: celle de former des hommes de combat, résistant ; l'adversité et désireux de se surpasser en restant maîtres d'eux-mêmes.
Nous différons sous tant de rapports que ces affinités m'enchantent. Les danses rapides et presque violentes des Africains contrastent avec nos gestes lents, ondulants. Leur éloquence tranche avec notre laconisme – nous avons peu de grands orateurs.
Comment expliquer que je me sente toujours à l'aise parmi les Africains? Peut-être cela tient-il à notre commune attitude vis-à-vis de la nature. Les Japonais, comme les Africains, sont attentifs à maintenir un lien harmonieux avec la nature, conçue comme la manifestation d'une divinité aux multiples visages. L'animisme africain a une parenté étroite avec le shintoïsme Japonais.
Dignité dans la vie quotidienne, lien mystique avec la nature : chaque fois que je retourne en Afrique noire, je renoue avec le « Japon pro-fond ».

  Ryo Ogawa ethnologue japonais, a travaillé jusqu'en 1993 au musée d'Ethnologie d'Osaka avant d'enseigner à l'université Kyoto Seika. Depuis 1975, il poursuit des recherches sur les Peuls du Sénégal, sujet auquel il a consacré plusieurs ouvrages, dont Samba Saala : diseur des vérités. Un jeu de paroles chez les Peuls Jenngelbé dans le Ferla du Sénégal, paru en français dans Itinérances, Mémoires de la Société des Africanistes (t. 2, 1981).

Mondialogo


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