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Les Nippo-Brésiliens face à la crise

Publié le 22 décembre 2008 par Abracarioca

Centenaire Brésil-JaponSi 2009 sera l’Année de la France au Brésil, 2008 a marqué l’Année Brésil-Japon dans ces deux pays. La date choisie est celle du centenaire de l’immigration japonaise au Brésil, dont on considère que le point de départ est l’arrivée en 1908 dans le port de Santos d’un navire à bord duquel avaient pris place 781 immigrants japonais. Fait ignoré de la plupart des Français, c’est aujourd’hui au Brésil que l’on trouve la plus importante communauté d’origine japonaise hors du Japon, principalement à Santos et à São Paulo dans le quartier de Liberdade.

De plus, il faut aussi savoir que le mouvement migratoire entre les deux pays s’est maintenant inversé, l’archipel nippon comptant désormais environ 317 000 Brésiliens. En effet, à partir des années 1980, le Japon a facilité l’immigration des descendants de Japonais de l’étranger pour répondre à ses besoins de main d’oeuvre. Ces travailleurs, dits “dekasseguis”, d’origine japonaise mais maîtrisant peu la langue nippone à leur arrivée, sont employés principalement par les industries automobile et éléctronique et leurs sous-traitants de pièces détachées.

Des industries actuellement frappées de plein fouet par la récession et la baisse de la demande, ce qui place les Nippo-Brésiliens en première ligne, comme le souligne une série d’articles publiés sur le site de BBC Brasil ces derniers mois.

La plupart de ces travailleurs ont seulement des contrats temporaires et font donc partie des premiers licenciés en cas de plans sociaux. Certains Brésiliens se retrouvent même SDF, comme cela s’était déjà produit plus largement encore lors de la crise que le Japon a connue dans les années 90 - l’impact en avait été plus fort car des nombreux travailleurs étaient alors logés par leurs employeurs, ce qui est moins le cas aujourd’hui, d’après un prêtre qui vient en aide aux sans-abri de la ville de Hamamatsu (dans la province de Shizuoka) qui abrite la plus grande communauté brésilienne du pays. Il n’est donc pas surprenant d’apprendre que certains Nippo-Brésiliens au chômage envisagent de rentrer au Brésil ou ne sont pas certains d’en revenir après leur traditionnel séjour du mois de décembre, inquiets de la situation économique du Japon.

Difficulté supplémentaire venue s’ajouter à la crise, le secteur industriel japonais recourt maintenant de plus en plus à des stagiaires originaires des autres pays asiatiques pour des postes traditionnellement occupés par des travailleurs brésiliens. Ainsi, à Minokamo, ville de 52000 habitants connue pour son importante communauté brésilienne, le nombre de Philippins a crû trois fois plus vite que celui de Brésiliens l’année dernière et on dénombre maintenant 3747 Brésiliens et 1489 Philippins. Ces stagiaires réprésentent en effet une main d’oeuvre temporaire très bon marché et prête à accepter des conditions de travail plus défavorables que les Brésiliens établis au Japon. Un stagiaire chinois gagne ainsi environ 100 à 300 dollars nets par mois, soit 10 fois moins qu’un étranger en situation régulière en CDD et 20 fois moins qu’un Japonais en CDI.

Cependant, les Nippo-Brésiliens, bien qu’ils soient eux-mêmes victimes de préjugés au Japon (comme au Brésil), “bénéficient” du racisme historique japonais à l’encontre des autres Asiatiques, notamment chinois et coréens, et leur sont donc encore préférés. En outre, les employeurs ne souhaitent pas former leur personnel et continuent donc également de recruter une main d’oeuvre expérimentée.

La communauté brésilienne, bien établie au Japon, disposant notamment de ses propres écoles et magasins, ne risque donc pas de disparaître du jour au lendemain.

Sources: NYT , BBC Brasil (1) (2) (3) (4)
Pour en savoir plus: dossier de la Folha de São Paulo “Cent ans d’immigration japonaise au Brésil”

Le cas de l’Irlande

La BBC Brasil consacrait également cette semaine un article au sort des Brésiliens expatriés en Irlande, et plus particulièrement dans la ville de Gort, dans l’ouest du pays. Ce village de 3000 habitants a une particularité: 40% de ses habitants sont brésiliens. Cette immigration a commencé dans les années 90, quand des Brésiliens, originaires pour la plupart d’Anapolis dans l’Etat de Goias, ont répondu au besoin de main d’oeuvre des abattoirs de la région, avant d’être rejoints par leurs familles qui s’étaient également vu offrir des visas.

A partir de 2004, la situation a commencé à changer, le gouvernement irlandais privilégiant l’immigration communautaire, notamment en provenance des nouveaux pays entrants d’Europe de l’Est. A cela est venue s’ajouter la crise économique: l’Irlande connaît actuellement un taux de chômage de 7,8%, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis 10 ans. En conséquence, un abattoir de Gort a licencié des dizaines de salariés, dont de nombreux Brésiliens, qui se regroupent maintenant tous les matins devant l”église du village dans l’attente d’un éventuel travail journalier. De ce fait, nombre de ces chômeurs envisagent désormais de rentrer au Brésil - soit en utilisant le billet d’avion prévu pour les fêtes de fin d’année pour ceux qui en ont les moyens, soit en bénéficiant des programmes d’aide au retour mis en place par le gouvernement irlandais.


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