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où la pensée flotte

Publié le 31 décembre 2008 par Lironjeremy

On dit de la sérandipité que c’est l’art du hasard heureux, trouver des choses que l’on ne cherchait pas. Et même certainement, trouver mieux qu’en cherchant. Les dérives ont souvent cette malice. A chaque fois que je me suis rendu dans une bibliothèque, avec sans doute une idée ferme qui m’avait fait franchir la porte, je me suis retrouvé à errer finalement avec mélancolie sans bien savoir où donner de la tête. Et j’ai remué des tranches sans logique. Même chose avec Internet, tellement de chemins possibles, une curiosité mal définie, et on se retrouve à rêver d’une page à l’autre comme d’un rayonnage à un autre. Parfois le vertige amène une angoisse. On pense à cette belle idée d’univers fini et non borné - beauté désespérante. On ne peut donc venir à bout de rien, et cela malgré notre appétit.

Souvent il faut que je sois rentré dans une librairie avec un ou deux titres pour cibles pour finalement rebondir d’une chose à l’autre et me laisser séduire aujourd’hui par un auteur pourtant souvent délaissé. J’attrape le dernier Bergounioux à défaut de celui que je voulais offrir. On sait qu’une rencontre se prépare : Occupé aujourd’hui par la poétique de la marche j’attrape Walser, soucieux d’une pensée ample qui embrasse les époques artistique je lirais Warburg pioché à la suite de l’essai sur Opalka. Une correspondance de Celan parce que j’ai aujourd’hui l’âme à ça. J’ai il y a peu ajouté dans les marges ici la liste des livres lus dans l’ordre que je les refermais et ceci dit aussi le parcours chaotique de Mangel, Ginsberg, Rondepierre, Williams, Lévi-Strauss à Koltès ou Agamben en passant par Bon ou Rolin. Parfois les liens nous paraissent évidents que s’en est une nécessité de lire l’un à la suite de l’autre, d’en appeler à un troisième. D’autres fois c’est étrange et c’est dans l’écart de l’un à l’autre que semble vibrer quelque chose de prenant, d’impérieux.

Dans l’écriture aussi je dérive, prévoyant ici de parler justement d’un de ces livres trouvé au hasard dans un rayonnage entre deux autres j’en viens à dire je ne sais quoi, à perdre un supposé cap. En peinture c’est pareil, quelque chose fait que l’on poursuit des choses, avec désinvolture en apparence mais toute l’âme tendue vers cent choses à la fois (on ne peut mieux dire que choses ceci est tellement vague). Et à vrai dire c’est le fond du problème, ces cent choses et plus auxquelles on se veut disponible, dans la toile desquelles on est pris. Moi je rêve toujours un livre qui serait une longue marche sans trop d’autre but que de se montrer disponible. Une narration déambulatoire avec observations et rêveries, là où le récit rejoint la fiction dans une sorte de vertige. D’où les chocs de Williams et Rolin.

Là je voulais seulement évoquer tout à l’heure ce petit livre déniché de Fred Poulet dont la langue me rappelait ces expérimentations littéraires avec l’outil traducteur Internet. Une langue dite comme par un étranger avec la fraîcheur que ça apporte, les accrocs dans la syntaxe et les formules heureuses. Retrouver une saveur dans l’usage quotidien des mots et des sentiments simples. On a du tous essayer des morceaux de texte selon le procédé et ça prenait volume et c’était surprenant. Bien sûr on sentait en même temps que c’était procédé et qu’à l’usage brut et répété rien d’autre que du formalisme, mais entant qu’inspirateur. Il y avait aussi non loin l’Apax de Joachim Séné paru il y a peu chez publie.net et comment dans la contrainte les choses se disent dans une façon nouvelle, paradoxalement vivante. J’y vois en transparence le modèle du choix qui préside à toute œuvre, la prise d’un parti qui axera le monde qui s’écrit. Là-dessus j’avais des lignes prêtes que j’ai perdu à les laisser traîner. Combien de livres se cachent là où la pensée flotte, sous la douche, dans la nuit, sur la route ?


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