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« introduction À la stratÉgie » par andrÉ beaufre – 9

Par Francois155

Les éléments de la décision stratégique :

Chapitre difficile à résumer, en particulier parce qu’il comporte des tableaux illustratifs particulièrement éclairants, mais qu’il serait fastidieux de reproduire ici. Le lecteur qui possède le livre est donc vivement encouragé à le consulter pour bien se représenter les exemples donnés par l’auteur.

Celui-ci détermine pour commencer que « toute solution stratégique » se rapporte à une situation instantanée et à un facteur plus complexe et mouvant :

- La situation instantanée peut-être retranscrite en utilisant trois « axes de coordonnées, le temps, le lieu, la quantité de forces matérielles et morales ».

- Le facteur complexe est baptisé « manœuvre » par Beaufre et « détermine la succession et la relation des situations successives ».

a/ Le facteur manœuvre :

L’auteur se focalise naturellement sur celui-ci puisqu’il « commande les autres dans une certaine mesure, est celui qui résulte de la dialectique de la lutte, de l’escrime abstraite des deux combattants ».

La comparaison avec l’escrime et son vocabulaire permet d’identifier « un certain nombre d’actions et de réactions » :

- Offensivement « attaquer », que l’on peut préparer ou faire suivre par « menacer », « surprendre », « feindre », « tromper », « forcer », « fatiguer » et « poursuivre ».

- Défensivement « se garder », « parer », « riposter », « dégager », « esquiver » et « rompre ».

- Enfin, « pour ce qui est des forces », on relève les types de décisions suivants : « concentrer », « disperser », « économiser », « augmenter », « réduire ».

Beaufre identifie donc à partir de l’escrime dix-neuf alternatives qui, « assorties d’un choix de temps et de lieu, constituent le clavier du jeu stratégique ». L’auteur illustre ensuite ces alternatives dans un premier tableau (« définition en partant de l’escrime ») où il donne, pour chacun des types d’action, « une définition de caractère général, indique les conditions qu’il suppose et résume les résultats qu’on peut en attendre ».

De ce tableau, il ressort que « tous se rapportent à la liberté d’action » et que le moyen de l’avoir « est de savoir s’assurer de l’initiative, facteur essentiel de la manœuvre ».

Le second tableau (« Équivalences dans diverses stratégies ») se veut illustratif en montrant toute la pertinence des alternatives retenues par Beaufre à partir de l’escrime dans le cadre de « la stratégie militaire de 1939-1945, puis dans la stratégie (…) de dissuasion ».

En donnant au lecteur ces équivalences, l’auteur insiste sur le fait qu’il faut « introduire dans la conduite de la stratégie une notion consciente de la manœuvre qui se déroule et des possibilités de réaction qui doivent être envisagées ».

b/ Les doctrines de manœuvre :

Les réactions possibles aux manœuvres adverses relèvent bien sûr de choix : il existe donc des doctrines qui permettent, dans une certaine mesure, de guider ces choix. Beaufre les examine ici en insistant plus particulièrement sur deux d’entre elles :

- La doctrine de « dynamique rationnelle » : elle « considère la puissance des forces en présence et recommande la solution la plus conforme au meilleur rendement de ces forces : on recherchera la concentration des efforts afin de pouvoir défaire la masse principale ennemie, ce qui entraînera la défaite de tout le reste ». Cette doctrine préconise la lutte du fort au fort et la recherche de la décision sur le théâtre principal. Beaufre note que cette stratégie « est celle qui avait été déduite à la fin du 19éme siècle des théories de Clausewitz » et que c’est aussi elle « qui a inspiré en France le fameux plan 17 de 1914 ».

- Ensuite, ce qu’il nomme la doctrine « des combinaisons », plus récente et qui a le Britannique Liddel Hart comme principal théoricien : elle « considère la valeur psychologique de l’action que l’on va entreprendre et recommande de choisir la solution qui aura pour effet de dérouter, de désorienter, de « décevoir » les prévisions de l’adversaire : ceci conduira le plus souvent à disperser ses propres forces (ou efforts) pour amener l’adversaire à en faire autant ». La lutte se mènera alors par des actions du fort au faible et l’on recherchera la décision sur les théâtres secondaires « ou même excentriques ». Beaufre juge que cette doctrine est un « antidote de la stratégie clausewitzienne »…

En réalité, aucune doctrine « ne présente une valeur absolue » : dans certaines circonstances, la dynamique rationnelle s’imposera évidemment alors que dans d’autres, le stratège se tournera plutôt vers les « combinaisons ».

« Le choix des réactions doit donc être uniquement guidé par l’étude de la situation particulière et l’on devra le plus souvent faire usage successivement de plusieurs doctrines ».

c/ Les « modes de la stratégie » :

Ce caractère relatif de l’efficacité des doctrines ne doit cependant pas masquer le fait que « dans l’étude d’un plan d’opérations on sera généralement conduit à définir une attitude d’ensemble correspondant à la doctrine qui correspond le mieux à la situation relative des deux partis ». Beaufre avait déjà examiné différents « modèles stratégiques » ; or, « sur le plan des idées », ces modèles peuvent se ranger en deux « modes » principaux : la stratégie directe et la stratégie indirecte.

- La stratégie directe :

C’est « la conception fondée sur la recherche de la décision ou de la dissuasion par l’emploi ou l’existence de forces militaires considérées comme moyen principal », qui renvoie principalement à la doctrine de la dynamique rationnelle, mais peut aussi employer le concept des combinaisons « notamment en ce qui concerne l’approche indirecte ».

- La stratégie indirecte :

Celle-ci « inspire toutes les formes de conflit qui ne recherchent pas directement la décision par l’affrontement des forces militaires mais par les moins directs, soit dans l’ordre politique ou économique (guerre révolutionnaire), soit même dans l’ordre militaire en procédant pas actions successives coupées de négociations (stratégie hitlérienne de 1936 à 1939) ».

Les deux modes ne s’opposent d’ailleurs pas : ils « coexistent et se complètent » car, « la stratégie, comme la musique, possède un mode majeur et un mode mineur ».


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