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Nous devons ajuster notre image déformée du Hamas, par William Sieghart

Publié le 02 janvier 2009 par Theatrum Belli @TheatrumBelli

Le poste de police de Gaza se trouvait parmi les premières cibles visées par Israël. Plusieurs dizaines de policiers, réunis pour une cérémonie de remise de diplômes, sont morts ce jour-là. William Sieghart, spécialiste de la résolution des conflits, alors en mission à Gaza, avait rencontré ces hommes une semaine plus tôt. « Etaient-ils de "dangereux miliciens armés du Hamas" ? Non, c’étaient des officiers de police non armés, agents de la fonction publique, qui ont été tué non pas dans un "camp d’entraînement de militants", mais dans [un] poste de police. » Pour Sieghart, ni Israël ni l’occident ne comprennent ce qu’est véritablement le Hamas, et comment il a pu rassembler 42% des électeurs. C’est l’échec du Fatah à obtenir un Etat Palestinien qui a fait le succès de cette organisation. Son intransigeance, juge-t-il, nait d’une volonté de ne pas se laisser piéger comme le fut le mouvement d’Arafat, qui n’a pas su faire respecter les promesses faites à Oslo en échange de la reconnaissance d’Israël. Sieghart conclut pourtant sur une note optimiste. Il est toujours possible de dénouer une crise, rappelle-t-il, à condition d’accepter de s’asseoir sans préalable autour d’une table.

La semaine dernière, j’étais dans la bande de Gaza. Durant mon séjour, j’ai rencontré un groupe d’une vingtaine d’officiers de police qui suivaient un cours sur la gestion des conflits. Ils étaient impatients de savoir si les étrangers se sentaient plus en sécurité depuis que le Hamas a pris le pouvoir. C’était le cas, en effet, et nous le leur avons dit. Sans aucun doute les 18 derniers mois ont vu s’établir un calme relatif dans les rues de Gaza : plus d’hommes armés dans les rues, plus d’enlèvements. Ils ont souri avec une grande fierté et nous ont dit au revoir.


Moins d’une semaine plus tard, tous ces hommes étaient morts, tués par une roquette israélienne lors d’une cérémonie de remise des diplômes. Etaient-ils de « dangereux miliciens armés du Hamas » ? Non, c’étaient des officiers de police non armés, agents de la fonction publique, qui ont été tué non pas dans un « camp d’entraînement de militants », mais dans le même poste de police, situé au le milieu de la ville de Gaza, qui avait été utilisé par les Britanniques, les Israéliens et le Fatah lorsqu’ils régnaient sur Gaza.

Cette distinction est cruciale, car tandis que les scènes horribles dans la bande de Gaza et Israël parlent d’elles-mêmes sur nos écrans de télévision, se déroule une guerre des mots qui obscurcit notre compréhension de la réalité sur le terrain.

Qu’est donc que le Hamas, ce mouvement que Ehud Barak, le Ministre israélien de la défense, voudrait faire disparaître, comme s’il s’agissait d’un virus ? Pourquoi a-t-il remporté les élections palestiniennes et pourquoi permet-il que des roquettes soient tirées contre Israël ? L’histoire du Hamas au cours des trois dernières années révèle la façon dont la mécompréhension de ce mouvement islamiste par les gouvernements israéliens, américain et britannique nous a conduit à la situation brutale et désespérée où nous sommes maintenant.

L’histoire commence il de cela près de trois ans, lorsque le Parti du Changement et de la Réforme - le parti politique du Hamas - a remporté de façon inattendue les premières élections libres et équitables dans le monde arabe, sur un programme promettant de mettre fin à la corruption endémique et une amélioration dans les services publics, quasi-inexistants, à Gaza et en Cisjordanie. Contre une opposition divisée, ce parti ostensiblement d’inspiration religieuse a pourtant gagné les élections avec 42% des voix dans une communauté où les laïques sont prédominants.

Les Palestiniens n’ont pas voté pour le Hamas parce qu’il était engagé à la destruction de l’État d’Israël ou parce qu’il avait été responsable de vagues d’attentats suicides tuant des citoyens israéliens. Ils ont voté pour le Hamas parce qu’ils pensaient que le Fatah, le parti du gouvernement battu, avait failli. En dépit du renoncement à la violence et de la reconnaissance de l’État d’Israël, le Fatah n’a pas obtenu un Etat palestinien. Il est crucial de savoir cela pour comprendre la posture « réjectionniste » du Hamas. Il ne reconnaîtra pas Israël et ne renoncera pas au droit de résister avant qu’il ne soit assuré de l’engagement de la communauté internationale à une solution juste au problème palestinien.

Durant les cinq ans où j’ai visité Gaza et la Cisjordanie, j’ai rencontré des centaines de responsables politiques et de partisans du Hamas. Aucun d’entre eux n’a revendiqué l’objectif d’une islamisation de la société palestinienne, dans le style des talibans. Le Hamas compte beaucoup trop d’électeurs laïques pour ce faire. La population continue d’écouter de la musique pop, de regarder la télévision et les femmes choisissent de porter ou non le voile.

Les dirigeants politiques du Hamas sont probablement parmi les plus hautement qualifiés dans le monde. Il bénéficie de la présence dans ses rangs de plus de 500 diplômés d’un doctorat, la plupart appartiennent à la classe moyenne - médecins, dentistes, scientifiques et ingénieurs. La plupart de ses dirigeants ont été formés dans nos universités et ne ressentent aucune haine de nature idéologique à l’égard de l’Occident. Ce mouvement est né en réponse à une revendication, et se voue réparer l’injustice faite à son peuple. Il a en permanence proposé que soit instauré un cessez-le-feu de 10 ans afin de disposer d’un temps de répit pour résoudre un conflit qui dure depuis plus de 60 ans.

La réponse de Bush et Blair à la victoire du Hamas, en 2006, donne la clé de l’horreur d’aujourd’hui. Au lieu d’accepter le gouvernement démocratiquement élu, ils ont financé une tentative pour le faire tomber par la force, en formant et en armant des groupes de combattants du Fatah à renverser militairement le Hamas et imposer un nouveau gouvernement non élu aux Palestiniens. En outre, 45 députés du Hamas sont toujours détenus dans les prisons israéliennes.

Il y a six mois, le Gouvernement israélien a accepté un cessez-le-feu avec le Hamas négocié par l’Egypte. En contrepartie du cessez-le-feu, Israël a accepté d’ouvrir les points de passage et de permettre une libre circulation des fournitures essentielles dans et hors de la bande de Gaza. Les tirs de roquettes ont cessé mais les points de passage n’ont jamais été entièrement ouverts, et la population de Gaza a commencé à mourir de faim. La paix n’a pas été récompensée par cet embargo traumatisant.

Quand les Occidentaux se demandent ce qui peut se passer dans la tête des dirigeants du Hamas lorsqu’ils donnent l’ordre ou permettent que des roquettes soient tirées sur Israël, ils ne parviennent pas à comprendre la position des Palestiniens. Il y a deux mois, les forces armées israéliennes ont rompu le cessez-le-feu en entrant dans la bande de Gaza, débutant un nouveau cycle de violences. Pour les Palestiniens, chaque salve de roquettes est une réponse aux attaques israéliennes. Pour les israéliens, c’est l’inverse.

Mais quelle est la signification des déclarations de M. Barak lorsqu’il parle de détruire le Hamas ? Est-ce que cela veut dire tuer les 42% des Palestiniens qui ont voté pour lui ? Est-ce que cela veut dire réoccuper la bande de Gaza, dont Israël s’était retiré si péniblement il y a trois ans ? Ou est-ce que cela signifie séparer de façon permanente les Palestiniens de la bande de Gaza et de la Cisjordanie, politiquement et géographiquement ? Et pour ceux dont l’obsession est la sécurité israélienne, quelle sera la menace posée par les 750.000 jeunes qui grandissent dans la bande de Gaza avec une haine implacable de ceux qui les affament et les bombardent ?

On dit que ce conflit est impossible à résoudre. En fait, c’est très simple. L’élite des 1000 personnes qui dirigent Israël - les hommes politiques, les généraux et les membres de l’appareil de sécurité - et l’élite des islamistes palestiniens ne se sont jamais rencontrées. Une paix véritable nécessitera que ces deux groupes s’assoient ensemble autour d’une table sans conditions préalables. Mais les événements de ces derniers jours semblent avoir rendu cette perspective plus improbable que jamais. Tel est le défi pour la nouvelle administration à Washington et ses alliés européens.

William Sieghart est le président de Forward Thinking, une agence de résolution des conflits.

Source du texte : CONTRE INFO / THE TIMES


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