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"Qu'est-ce que le manga", hors-série du magazine Beaux Arts

Publié le 03 janvier 2009 par Jb
beaux_arts_manga.jpg A signaler, un très intéressant hors-série du magazine Beaux Arts consacré intégralement au manga et qui s’intitule "Qu’est-ce que le manga ?".
Comme l’explique l’éditorial, "ce hors-série n’a pas vocation à réhabiliter le manga. Vouloir défendre la bande dessinée japonaise, ou la bande dessinée en général, est un combat d’arrière-garde."
On ne démentira pas ces propos, tant il est vrai qu’après de très nombreuses années (eighties et tout le milieu des nineties) où les "intellos" français, qui n’en avaient aucune connaissance réelle, tiraient à bras raccourcis sur cette forme d’expression, plus personne désormais (y compris Le Monde et Télérama) ne contesterait les qualités de certains mangas.
"Et pourtant, ajoute l’édito, si son succès ne s’est pas démenti durant la dernière décennie, le manga souffre aujourd’hui d’un cruel manque de regard critique."
Là encore, on sera plutôt d’accord avec cette assertion, même s’il ne faut rien exagérer : de nombreux ouvrages et articles, dont certains excellents, de nombreuses critiques dans les journaux, ont depuis longtemps maintenant traité du manga. D’ailleurs, ce dernier entre même dans le champ de la critique universitaire, comme en atteste le Manga Network rattaché à Sciences-Po.
Ce phénomène de (relative) reconnaissance du manga est évidemment largement lié au fait que les éditeurs français, après des années de frilosité, ont aujourd’hui très largement défriché ce continent. C’est d’ailleurs l’un des points abordés dans ce hors-série : "2008 pourrait bien être la première année de récession pour le manga en France. (…) Les meilleures licences sont désormais exploitées, et aucun descendant prometteur n’est encore apparu." Se pourrait-il que le très juteux marché du manga en France, encore largement excédentaire en 2007 comme en attestait un article de Livres Hebdo, finisse par s’effondrer ?
Ce relatif déclin n’est pas purement français mais s’avère plutôt "le symptôme de la crise que traverse la bande dessinée japonaise depuis dix ans, souffrant d’un manque de renouvellement et soumise à la concurrence de nouveaux modes de divertissement (jeux vidéo, internet)." Au point que depuis l’année 2007, "le marché international semble arrivé à maturité, ou à saturation".
Le hors-série de Beaux Arts montre aussi comment, grâce au manga, le Japon a pu imposer au monde entier une industrie culturelle qu’il ne serait pas totalement aberrant de comparer à l’Hollywood de la grande époque ou au rock’n roll des années 50.
"Le manga est ainsi devenu le cœur d’une entreprise politique baptisée Cool Japan, qui vise à utiliser les ressources culturelles du pays pour rayonner à l’international. (…) Les industriels et le gouvernement japonais ont compris, aux alentours de 2001, le potentiel que recelait cet engouement naissant pour les cultures populaires japonaises d’après-guerre à l’étranger (…) A l’heure d’une mondialisation où le pouvoir hard de la puissance de feu décline, et où celui, soft, de la séduction culturelle s’accroît, le Cool Japan était le choix à faire pour entrer dans le siècle et se construire un nouveau visage."
L’originalité du phénomène est de se concevoir aujourd’hui en réseau et en plateformes multimédia : "en librairie ou sur téléphone portable, en peluche ou en papier, en séries animées ou en jeux vidéo, etc." On vise donc aujourd’hui la simultanéité des diffusions, ce qui fait que la notion "d’œuvre canonique" n’a guère de sens et qu’il faudrait plutôt parler d’univers aux multiples galaxies.
Ces considérations n’empêchent pas le hors-série de revenir sur l’histoire du manga, sur la segmentation des publics (jeunes garçons, jeunes filles, jeunes adultes) qui crée des genres avec des règles narratives et graphiques, sur la diffusion commerciale des bandes dessinées au Japon (prépublication en magazines devenue la règle, après une époque où existait aussi un circuit parallèle avec le système des librairies de prêt, qui a permis l’émergence d’un manga "alternatif"), sur l’émergence des mangakas féminines depuis plusieurs années, sur le boum des mangas en Occident.
Ces articles assez généralistes, de bonne tenue, laissent ensuite place à 3 histoires complètes qui ne sont pas inédites (Osamu Tezuka, Katsuhiro Otomo et Jirô Taniguchi). Enfin, le magazine se termine avec une sélection d’auteurs et d’œuvres particulièrement emblématiques, pages qui à vrai dire font toute l’originalité de ce hors-série décidément plutôt riche. Les plus grands auteurs et œuvres font l’objet d’une contextualisation et d’un jugement critique, tout cela se terminant logiquement avec la proposition d’une "mangathèque idéale".
C’est sur ces points qu’on pourra objecter ceci ou cela, juger que tel auteur n’a pas été ne serait-ce que mentionné malgré l’importance qu’il a pu avoir dans l’histoire du manga. Ça fait bien entendu partie du jeu ! D’ailleurs, de mon point de vue, mention aurait pu être faite de deux très importants mangakas : alors d’accord ils sont peut-être moins "prise de tête" que d’autres auteurs cités (et à juste titre) tels Jirô Taniguchi, mais leur influence n’en reste pas moins considérable. Je pense d’abord à Tsukasa Hojo, l’auteur entre autres de Cat’s Eye et City Hunter (connu chez nous sous le nom de Nicky Larson), et peut-être encore plus à Rumiko Takahashi qui est l’une des premières mangakas de sexe féminin et la créatrice des inoubliables Urusei Yatsura (Lamu), Maison Ikkoku (Juliette je t’aime) ou Ranma ½ .
Cela dit, la véritable faiblesse de ce hors-série, s’il faut en trouver une, est de ne pas proposer, en fin de volume, une bibliographie. L’éditorial a ainsi beau jeu de dire que "le manga souffre aujourd’hui d’un cruel manque de regard critique" et de ne pas mentionner les quelques ouvrages qui existent sur le sujet !
Parmi les plus intéressants, je citerai donc Manga de Paul Gravett et, dans un tout autre genre, Au pays des mangas avec mon fils de Peter Carey, ouvrages que j’avais chroniqués en leur temps.
Mais que ces quelques bémols ne vous empêchent pas de vous ruer chez votre libraire pour acheter ce hors-série de Beaux Arts !

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LES COMMENTAIRES (1)

Par marge
posté le 09 mai à 20:55
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je voudrais acheter ce hors série qui n'est plus à la vente dites moi ???

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