Magazine

La mort, c’est comme ça chez nous

Publié le 04 janvier 2009 par Sukie

La mort, c’est comme ça chez nousUn cortège funéraire au Vietnam

En Occident, on fête les anniversaires de mariage, les naissances, les victoires souvent, les défaites rarement, les morts seulement à la Toussaint où les cimetières se métamorphosent en immenses champs de chrysanthèmes.

Chez nous, les décès sont importants. Les enterrements sont aussi festifs que les mariages. On invite la famille, les voisins, les proches, les moins. La musique bat son plein (on notera parfois la présence d’orchestre), le cercueil est multicolore, on festoie beaucoup, on mange beaucoup, on boit également, non pas pour noyer la tristesse dans l’ivresse, mais en souvenir du défunt. Ce n’est pas de la joie que l’on exprime, mais du respect. Pendant ce temps-là, le disparu s’éloigne sereinement. Du côté bouddhiste de ma famille, on s’interdit de pleurer en présence du mort pour ne pas le retenir. Et dans la tradition, la veuve et parfois les enfants portent un voile sombre un certain temps.

Chez nous aussi, et ça vous choque parfois, on photographie les morts, on les fait revivre dans les albums photos, on les place sur des autels fleuris et enluminés, ornés de fruits et autres présents. J’ai connu quelques arrière-grand-parents et grandes tantes comme cela. Sur du papier mat, en noir et blanc, dans de grands albums écornés par le temps.

Au Vietnam, sur l’autel de mon grand-père, on a laissé un paquet de Craven-A pour qu’il revienne en griller une de temps à autre. Il ne fumait pas, mais je crois que ça lui ferait plaisir. A table, on l’appelle parfois à grailler avec nous, une assiette supplémentaire disponible, parfois même remplie de nourriture. Ca n’a rien de glauque, d’effrayant ou même de fou. C’est comme ça. La mort ne fait pas peur, fait partie de la vie, depuis toute petite, elle fait partie de nos histoires de famille frappée par des disparitions multiples et diverses, tragiques, prématurées, maladives, naturelles, sur lesquelles on verse parfois une larme, mais l’on transmet le plus souvent le souvenir des défunts avec beaucoup de ferveur et d’égards, comme un hommage permanent.

Aujourd’hui je suis rentrée à la maison. Hier, ça faisait un an, Un premier anniversaire. Un an déjà qu’il est parti. Et j’ai ce souvenir qui me hante, d’avoir raté son départ, lui en fin de vie, ma soeur et moi sur l’autoroute.

On a allumé quelques bougies sur son autel, lui avons laissé un bol de soupe et ma grand mère lui a demandé de venir partager le repas avec nous.

Ce n’était pas triste, je ne sais pas comment l’expliquer. De toutes façons, pour moi il est toujours là, où qu’il soit.

Pépé, on pense à toi.

Trackback URL

la mort, traditions, vietnam


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Sukie 1316 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte