Magazine Humeur

Etrangers expulsés manu militari ou la philosophie de comptoir… à Roissy !

Publié le 06 janvier 2009 par Kamizole

paf-emarquement-saucissone.1231233272.jpgJ’ai réagi non seulement au contenu d’un article du Monde faisant état de l’interpellation de trois philosophes mais aussi d’un super imbécile : je garde pour moi l’expression qui m’est venue spontanément à l’esprit à la lecture de son commentaire de l’article mais tout anonyme qu’il fût, il n’en aura pas moins sa volée de bois vert… S’il existe, le «Roi Dec» doit être affublé de la même couronne ! Tant mieux s’il se reconnaît, il saura ce que mémé Kamizole pense de pareille pauvre tache qui ose se prétendre philosophe “à ses heures”

Sans doute très “perdues” ! Encore heureux qu’il ne s’agisse pas de balles… Et comme dirait l’autre, “mieux vaut entendre ça que d’être sourd” ! Mais que voulez-vous, les conneries, plus elles sont grosses, plus elles me font réagir, d’autant qu’en matière de philo, les rades, du Commerce ou d’autre chose sont remplis de cette sorte de “Monsieur Homais” !

Trois philosophes interpellés à Roissy après l’expulsion d’un sans-papiers
LE MONDE | 23.12.08 ©

J’en viens au fond du problème. Comme les Rois mages (c’est tout à fait l’époque) trois philosophes, guidés par l’étoile du savoir (laquelle rend forcément curieux, sinon seraient-ils profs agrégés de philo ?) se rendant à Kinshasa (Congo du même nom) à un congrès de philosophie – tout à fait normal pour des philosophes, n’est-il pas ? – à l’invitation de l’Agence universitaire de la francophonie et des universités catholiques de Kinshasa…

Mais en embarquant dans l’avion devant les y conduire, ils voient une personne menottée et entourée par 5 policiers… Sans doute mus par une certaine conscience citoyenne qui n’est nullement – bien au contraire ! – exclusive de leur qualité d’agrégés de philosophie, ils interrogent – poliment – lesdits pandores, lesquels, très nerveux, le prennent très mal…

La curiosité est une vertu philosophique mais nullement flicardière : “Avec mes collègues, nous sommes juste allés voir les policiers pour leur demander pourquoi ce monsieur était menotté” affirme Pierre Lauret, qui sera débarqué manu militari «menotté violemment» après avoir été «arraché» de son siège…– mais prière de ne plus s’en étonner en Sarkoland ! la garde à vue musclée semblant devenir la règle ! même contre une frêle et fragile infirmière, sans compter les journalistes… la coupe est pleine : trop ! c’est trop ! …

Placé - bien évidemment ! en garde à vue - il sera libéré le soir même, mais, poursuivi pour “opposition à une mesure de reconduite à la frontière et entrave à la circulation d’un aéronef” il devra comparaître le 4 mars 2009 devant le tribunal de grande instance de Bobigny.

Ses deux autres collègues, Sophie Foch-Rémusat et Yves Cusset, ont été interpellés à leur arrivée par la police qui les attendait à Roissy lors de leur retour de Kinshasa. Ils seront également placés en garde à vue.

La simple curiosité (surtout philosophique ?) est sans nul doute un vilain défaut dans un régime de plus en plus dictatorial et tyrannique… La garde à vue devenue l’arme majeure - et magique ? - en Sarkoland !

Mieux : pour qu’ils aient pu être «cueillis» à leur descente d’avion comme les dangereux malfaiteurs qu’ils sont à l’évidence, cela implique nécessairement que des policiers aient passé (perdu) du temps à se renseigner, éplucher les listes d’embarquement, etc … pour ensuite les attendre à Roissy !

Je comprends mieux pourquoi un nombre non négligeable d’affaires autrement graves ne seront jamais élucidées, pourquoi des personnes peuvent se faire agresser, etc… Les Sarko’s boys en bleu sont occupés à des choses autrement importantes : pister des philosophes rebelles aux injustices mais a priori de manière tout à fait non violente.

C’est déjà beaucoup (trop) mais je régis encore davantage à un commentaire de cet article. Un certain “Thomas, pilote et philosophe a ses moments perdus”

Je ne saurais dire ce qu’il entend par «philosophe à ses moments perdus» mais je lui souhaiterais plutôt de les occuper autrement : «Les policiers sont payes par nous pour faire leur travail. Ce qu’ils faisaient. Les philosophes sont payes par nous pour qu’ ils enseignent la philosophie a nos enfants (ce qu’ ils ne faisaient pas, donc ils etaient en dehors de leur activite professionnel) (sic !) Le pilote d’ avion est paye pour assurer la securite des vols. Des esprit echauffes contre l’ ordre public est-ce securitaire en vol ? Aux etats unis ils auraient eu bien plus de problemes. Tout cela pour se donner bonne conscience! FLOP!».

Je ne corrige pas l’orthographe ni la formulation… s’il pilote son avion, comme il écrit, ça doit être du joli !

Je ne sais s’il peut avoir conscience que s’il se considère comme «philosphe à ses heures», c’est lui qui se plante totalement : un “FLOP” magistral ! personne de normalement constitué ne se remettrait de pareil gadin…

Il se trouve qu’ayant étudié tardivement mais fort sérieusement la philo, au niveau du Deug, je reste très humble devant ce si vaste continent, mesurant à l’aune de ce que je ne sais pas la vanité du peu que je sais.

Mais précisément, la philo n’est certainement pas du savoir à étaler devant un auditoire de café du commerce. C’est une sorte de «guide-âne» (j’ai toujours aimé cette expression !) destiné – comme toute religion bien comprise – à (se) donner les moyens de penser et de vivre - le plus droitement possible - selon certaines valeurs et conceptions.

Nos trois philosophes agissaient selon leur conscience. Philosophe à ses moment «perdus» ? Je vois plutôt des coups de pied au cul qui se perdent !

Ayant quand même retenu quelques leçons, notamment de la «logique» d’Aristote, je vais tâcher de démolir l’espèce de «syllogisme» boiteux qu’il nous sert…

aristote.1231233303.jpg
En effet, les profs agrégés sont payés pour enseigner mais aussi pour faire de la recherche et participer – pou le rayonnement de la science française – à des congrès internationaux. Si chemin faisant ils sont confrontés à des situations qui leur semblent anormales, en vertu de quelle loi prudhommesque n’auraient-ils pas le droit – et même le devoir ! au sens d’impératif kantien – de réagir comme n’importe quel citoyen ?

Si les flics et les pilotes d’avion ne s’interrogent pas sur ce point, c’est leur problème mais qu’ils ne prétendent pas ensuite nous servir de pseudos leçons de philo à la petite semaine !

Je m’en tiens donc à ce syllogisme : un prof agrégé de philo est payé pour enseigner aux chères tête blondes (pas trop remplies au demeurant). Si chemin faisant, il s’interroge, en tant que citoyen pensant sur une situation qui lui paraît inique, il sortirait de son rôle.

Le raisonnement n’est pas faux quant aux prémisses mais il frise l’absurdité quant à la conclusion. En effet, tout le monde ne peut être que d’accord : un pilote d’avion est rétribué (nettement mieux qu’un prof agrégé !) pour piloter son avion et conduire ses passagers à bon port, de même que des profs de philo le sont pour enseigner la philo.

Ce raisonnement vaut d’ailleurs pour toutes les professions, métiers, corporations… J’éprouve un profond respect pour le travail et les gens qui travaillent, surtout quand ils sont mus par la conscience professionnelle, l’amour du travail bien fait – «la belle ouvrage» comme disaient naguère les travailleurs manuels, à très juste titre très fiers de leur savoir-faire. Que l’on ne compte surtout pas sur moi pour mépriser le travail manuel et technique ! Et je respecte tout autant la femme de ménage qui fait son taf de la meilleure façon qu’elle peut que le pilote de ligne.

Autre chose : un policier est-il dans son rôle quand il exerce une violence physique, verbale ou psychologique à l’égard de quiconque, quand bien même serait-ce un gredin patenté, et à fortiori contre des gens qui n’ont rien à se reprocher ? Je ne le pense pas. Et c’est même tout le contraire.

Je n’entends pas, comme certains, «casser du flic» que ce soit physiquement ou intellectuellement… Un certain «ordre social» - au bon sens du terme : respecter les règles de la vie en société – est nécessaire. Et comme les hommes sont loin d’être parfaits et qu’au surplus certains se foutent royalement des règles, et pour les pires d’entre eux, non seulement du bien d’autrui mais de la vie même de leurs congénères, la police est donc une institution nécessaire.

Mais pour être respecté, encore faut-il être respectable ! Les flics violents ou peu regardants sur l’éthique de leur profession ne méritent nullement le respect. Ils sont là pour faire respecter les lois et dès qu’ils se pensent au-dessus des lois, ils ne sont plus du tout dans leur rôle.

Pour en revenir à la philo, le syllogisme de notre pilote d’avion est en effet totalement boiteux car il oublie un fait essentiel, à savoir que toute personne, avant d’être caractérisée par son «état» est avant tout un être humain - doté d’une conscience et d’une capacité à réfléchir – et que dans une société démocratique, il est également un citoyen qui doit s’interroger sur la manière dont s’exerce l’autorité publique.

Je m’en tiendrais à la «boite à outils» aristotélicienne, à savoir le bien connu syllogisme : “Tout homme est mortel, or Socrate est homme, donc Socrate est mortel”, dont je rappellerai brièvement qu’il s’agit de deux propositions qui constituent les «prémisses» (avec un “terme moyen“, ici : “tout homme”, un “grand terme” - “mortel”, c’est le centre de la question que de savoir si Socrate est mortel - et “petit terme” : “or Socrate est homme” pour aboutir à la “conclusion” (qui répond à la question) : “Socrate est mortel”.

Et quant aux deux propositions qui constituent les “prémisses”, l’ on appelle “MAJEURE” la proposition qui énonce le rapport entre le moyen et le grand terme, “MINEURE”, celle qui énonce le rapport entre le moyen terme et le petit, et “CONCLUSION” celle énonçant le rapport entre le petit et le grand terme.

Or, en oubliant que toute personne est avant d’exercer telle ou telle profession, un être humain en même temps qu’un citoyen, il me semble évident que le raisonnement est faussé par cet oubli.

Notre philosophe de comptoir n’a d’égard que pour la fonction rémunérée des philosophes : enseigner leur matière aux enfants. C’est à peu près comme s’il énonçait : «tout philosophe est un enseignant, or il est payé pour ce faire, donc s’il agit à coté il sort de son rôle».

Si au contraire je pense que le philosophe, outre sa qualité d’enseignant est un être humain en même temps qu’un citoyen, je peux en partant des mêmes prémisses : «Un prof de philo est un enseignant» mais en ajoutant «en même temps «qu’un être humain et un citoyen » il est évident que le «moyen terme» – ici : enseignant – conjugué au «grand terme» : citoyen, c’est en effet la question centrale que de savoir si, bien qu’il soit rétribué pour enseigner, un prof de philo sort de son rôle dès lors qu’il s’interroge sur des faits de société…

Il est donc évident que la MAJEURE s’articule autour grand terme (citoyen) ce qu’est à l’évidence le prof de philo avant d’être considéré comme enseignant (moyen terme).

Dès lors le «petit terme» n’est plus «or, il est payé pour enseigner» mais dans la logique que je poursuis, cela s’énonce ainsi : «or, bien qu’il soit rétribué pour enseigner la philo, le prof de philo n’en perd pas pour autant sa qualité de citoyen pensant voire critique»

La MINEURE prépare donc la conclusion, en associant le moyen terme (enseignant) au petit terme : «or, l’enseignant rétribué est avant tout un citoyen».

La CONCLUSION s’impose donc de façon tout à fait logique en associant le petit terme : «or, l’enseignant rétribué est avant tout un citoyen» (ou autre formulation possible : «n’en demeure pas moins un citoyen à part entière») qui associé au grand terme (citoyen) justifie totalement ma démonstration :

nos trois profs de philo étaient totalement dans leur rôle, et de philosophes et d’enseignants en allant poser – en tant que citoyens - une simple question à des policiers dans l’exercice de leur fonction.

J’irais même plus loin : le prof de philo doit enseigner à ses élèves ou étudiants, non seulement les grandes doctrines philosophiques, les concepts, comment les manier et les articuler entre eux (ou les opposer selon les différences doctrinales) mais aussi et peut-être surtout ! leur apprendre comment ce savoir doit leur servir comme guide dans la vie tout en cultivant l’indispensable esprit critique…


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Kamizole 786 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte