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Quand Sarkozy dit n’importe quoi pour justifier les cadeaux aux banques

Publié le 09 janvier 2009 par Torapamavoa Torapamavoa Nicolas @torapamavoa
Alors, cadeau ou pas cadeau aux banques? Hier, lors de ses vœux aux parlementaires, Sarkozy a tenté de justifier le plan d’aide aux banques (de 360 milliards d’euros au total), ainsi que les 10,5 milliards déjà distribués sous forme de fonds propres, avant d’annoncer que son gouvernement s’apprêtait à verser une nouvelle tranche (a priori de 10 milliards supplémentaire).
Le résultat est un exercice assez confondant. Sarkozy dit n’importe quoi, pose comme des évidences des choses fausses ou discutables, et révèle qu’il ne comprend pas grand chose à la finance. Décryptage.
(source : Blog Libé, les cordons de la bourse)

Le passage qui nous intéresse commence à 5 mn et 35 s.

Voeux de Nicolas Sarkozy aux parlementaires
envoyé par publicsenat

Sarkozy se lance dans un laïus assez habituel pour expliquer à quel point son action est formidable. Que grâce au plan de 360 milliards d’euros, il a évité à la finance de sombrer. Jusque là, on le suit. Puis il avance :

«Il a fallu reconstituer les fonds propres des banques pour qu’elles puissent prêter en respectant les normes prudentielles et sauver celles dont la faillite aurait entraîné des conséquences dramatiques en chaîne. C’est ce que nous avons fait avec Dexia dont j’ai vu les récentes performances boursières. Dexia, c’est 15 000 communes de France qui sont en crédit avec elle. Imaginez la faillite de Dexia. Imaginez vous tous qui êtes des élus ce que cela aurait représenté pour vos collectivités la faillite de Dexia.»

Concernant Dexia, rien à dire. Mais c’est la phrase «Il a fallu reconstituer les fonds propres des banques pour qu’elles puissent prêter en respectant les normes prudentielles» qui pose question. Les autres banques françaises avaient donc un problème de normes prudentielles ? Pour le coup, c’est un scoop. Jusqu’à présent, ni le gouvernement, ni la Banque de France, ni les établissements eux-mêmes n’avaient évoqué de telles difficultés. Comme je l’écrivais dans une précédente note, chacun avait même expliqué que l’ensemble des institutions financières était plus que solide et n’avait pas besoin de cet argent. L’autorisation de la Commission européenne porte ainsi sur les établissements de crédit "fondamentalement sains".

Sarkozy poursuit ensuite en se justifiant de ne pas être entré dans le capital des banques.

«Nous sommes rentrés dans le capital de Dexia et nous détenons une minorité de blocage et nous avons changé son équipe de dirigeante, mais on nous dit : « Pourquoi vous n’êtes pas rentrés dans le capital des autres ? Bah parce que le métier de l’Etat ce n’est pas de devenir banquier. On n’est pas rentré dans le capital des autres, parce que, fort heureusement la situation de nos banques n’a rien à voir avec celles qui sont au Royaume Uni. Et pourquoi cela n’a rien à voir ? Parce que le Royaume Uni et les Etats Unis sont beaucoup plus en liaison qu’en France (sic). Au Royaume-Uni, les services à la finance pèsent pour 15% du PIB au Royaume Uni. En France pour moins de 3. Alors cela ne présente pas que des avantages lorsque ça va bien. Mais lorsque ça va mal et que la finance s’écroule, Ça s’écroule moins dans un pays qui est moins exposé à la finance.»

On va reprendre, tellement ce passage est confus. Alors que certains critiquent le fait que l’Etat français n’ait pas simplement apporté des fonds propres sous forme d’actions, mais par un mécanisme complexe, via des titres de dette subordonnée, qui ne donnent aucun droit de vote, et aucun moyen de peser sur la stratégie des banques (solution choisie en Grande Bretagne), Sarkozy répond :

1) ce n’est pas le métier de l’Etat d’être banquier. Ah bon ? Parce que ce n’est pas ce qu’il fait avec Dexia, justement ? Plus généralement, en quoi prendre une participation minoritaire dans le capital d’une entreprise veut dire faire son métier ? Le rôle des actionnaires est de nommer et contrôler les dirigeants, pas de se substituer à eux. Et si on suit la doctrine sarkozyienne, on ne comprendre pas pourquoi l’Etat conserve encore des participations dans des entreprises cotées (comme Air France ou France Télécom). Je suis sûr que si on demandait à Sarkozy si l’Etat doit être pilote d’avion ou opérateur télécoms, il répondrait non.

2) La situation n’est pas la même au Royaume Uni, qui a choisi de nationaliser partiellement certains établissements. Oui, certaines banques britanniques ont plus souffert que les banques françaises. Mais le choix d’entrer ou non dans leur capital n’a rien à voir avec le poids des services financiers dans le PIB ! Sarkozy comme Brown ont aidé les banques parce que leur faillite aurait signifié l’effondrement de l’ensemble de l’économie. Ensuite, Brown a simplement refusé d’apporter cette aide sans moyen de peser sur la gestion de celles-ci. Sarkozy n’a pas eu ce genre de soucis.

Mais le président de la République continue néanmoins à se justifier :

«Quant aux 10,5 milliards qui ont été versés aux banques, sur les 40 autorisés par le parlement, ils sont là non pas pour sauver une banque de la faillite mais pour éviter la contraction du crédit. Alors sur ce point j’ai entendu des commentaires “privatisation des profits mais socialisation des pertes”. Mais, je voudrais rappeler que ces 10,5 milliards que nous avons mis à la disposition des banques, les banques les rémunèrent et les rémunèrent à 9%. Je veux dire que sur ces 10,5 milliards qui ont été prêtés aux banques pour reconstituer leurs fonds propres, je veux dire aux Français, bah, qu’ils ont fait une bonne affaire. Parce que cela a évité la faillite, cela a permis de restaurer, pas assez, le crédit. Mais surtout, c’est 10,5 milliards placés à 9%. Je demande : y-a-t’il un seul d’entre vous qui aujourd’hui a placé ses économies à 9%?

(Murmure des parlementaires)

Et bien nous nous l’avons fait avec les banques.»

On poursuit dans le n’importe quoi.

D’abord, Sarkozy se contredit encore une fois à propos de l’utilité de ce plan. Il dit que les 10,5 milliards sont là, non «pour sauver une banque de la faillite mais pour éviter la contraction du crédit», puis que «cela a évité la faillite».

Ensuite parce que la question de la rémunération à 9% des fonds avancés par l’Etat ne peut naturellement pas être comparée avec la rémunération d’un simple épargnant qui a placé ses économies dans un livret A. Cela n’a strictement rien à voir ! Seul moyen honnête de raisonner : combien d’autres banques rémunèrent des apporteurs de fonds privés. Et là, la comparaison n’est pas vraiment à l’avantage de l’Etat français. Exemple, au Royaume-Uni, Barclays, qui n’a pas voulu des sous de l’Etat britannique pour ne pas se voir contraint de l’avoir à son conseil d’administration, a levé de plusieurs milliards de Livres auprès de fonds souverains du Moyen Orient pour un taux franchement prohibitif: sous forme d’obligations convertibles obligatoires rémunérées à 9,75 % et d’instruments de réserve en capital (reserve capital instruments, ou RCI, assimilables à des actions préférentielles), rémunérés à 14 % jusqu’en juin 2019 (elles seront ensuite convertibles en actions ordinaires).

D’où les inquiétudes de la Commission européenne sur de possibles distorsions de concurrence (que j’avais noté ici). Mais Sarkozy a un argument très simple pour faire fi des remarques de Bruxelles :

«Cela a d’ailleurs été un fameux débat avec la commission qui pensait qu’on aurait du demander une rémunération plus importante. Je m’y suis opposé parce que naturellement on ne peut pas dire qu’il faut que le prix du crédit baisse et soi même prêter à des taux trop élevés.»

Alors, là, c’est le summum ! Sarkozy fait comme si c’était l’Etat français qui décidait des taux d’intérêt. Ou alors qui pouvait entraîner les taux à la baisse en prêtant 10 milliards (dans un marché du crédit plusieurs centaines de milliards…). Rappelons à toute fin utile que c’est la Banque centrale européenne, institution indépendante de par son statut, qui décide des taux d’intérêt directeurs dans la zone euro. Et que c’est à partir de ces taux que le marché du crédit (interbancaire, de banques à entreprises) se construit.

Mais ce n’est pas tant de confusion qui va freiner Sarkozy et l’empêcher de poursuivre dans cette voie :

«Alors, voilà ce que nous avons fait dans un premier temps. Nous irons d’ailleurs –je le dis sous le contrôle de la ministre de des finances et du Premier ministre- au-delà de la première tranche de fonds propres car je suis convaincu que nos banques en ont besoin, comme je suis convaincu qu’elles ont besoin que l’Etat leur redise qu’elles ne doivent pas se contenter de soigner leur bilan mais qu’elles doivent jouer leur rôle vis-à-vis de leur client. Le système est très simple. Plus les banques ont des fonds propres plus elles prêtent. Donc les banques, on leur prêtera de l’argent pour augmenter leurs fonds propres pour qu'elles puissent prêter d’avantage.»

On remarquera que Sarkozy ne cite aucune étude à l’appui de son propos. Il est «convaincu» et cela suffit. Il aurait du mal de toute façon. Aucune étude n’est venue montrer que les sommes versées par l’Etat ont servi à quoi que ce soit. La distribution s’est faite à la mi-décembre et les dernières statistiques de la Banque de France sur l’évolution des encours de crédit datent de cette période.

Mais ce n’est pas grave. L’Etat va distribuer 10 milliards supplémentaires aux banques sans pouvoir contrôler leur utilisation. Et peut-être bien que cela servira à quelque chose. Ça c'est de la politique!



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