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Faire sortir les robots du laboratoire

Publié le 13 août 2007 par Samuel Bouchard
root looking for an exit
[photo robot: Mathieu Goulet]

Il semble parfois exister un fossé entre le monde de la recherche universitaire et celui des affaires. Les priorités et les motivations de chacun sont différentes. Alors qu’en général le chercheur désire pousser ses travaux pour avancer un champs de connaissance, l’entrepreneur veut développer une entreprise rentable. Cependant, dans les deux cas, on doit user d’imagination pour résoudre des problèmes. Certes, la nature des problèmes diffèrent. Dans un contexte où l’innovation devient vitale à une entreprise et où le financement de la recherche n’est jamais certain, je pense que les deux mondes ont certainement avantages à se parler. Comment transférer les innovations de la recherche universitaire en entreprise?

Ça fait un moment qu’on se pose cette question. Dans notre cas, elle s’énonce plus précisément “Comment faire sortir les robots du Laboratoire de robotique de l’Université Laval?” Il y a tellement de travaux intéressants qui s’y font, il y a assurément un potentiel commercial qui dort là-dessous. Mais quelle application choisir? Comment la faire passer du mode prototype au mode produit ou service? À mon avis, le transfert de savoir ou de technologie peut être favorisé de différentes façons:

  1. Se parler
    Si simple à dire, si peu appliqué. Il faut que les entrepreneurs et les chercheurs se parlent pour éventuellement espérer travailler ensemble. À la base, il faut comprendre les préoccupations de l’autre avant de pouvoir collaborer. Le chercheur intéressé se rendra compte qu’il doit produire des robots sécuritaires, fiables, à un prix intéressant pour les bénéfices qu’ils apportent. Tel que mentionné en introduction, le problème est justement que la notion de bénéfice diffère dans les deux mondes. L’entrepreneur doit définir ses problèmes clairement et expliquer le contexte au chercheur pour voir s’il y a un arrimage possible.
  2. Se rencontrer
    Bien beau tout ça, mais avant de se parler, il faut déjà se rencontrer! Chacun évolue dans des communautés différentes. Je vois bien peu d’entrepreneurs dans des conférences scientifiques, et bien peu de scientifiques dans des réunions d’affaires. Chacun a son réseau professionnel, ses magazines spécialisés, etc. Pour cette raison, des entrepreneurs et des chercheurs de la même région qui s’intéressent au même domaine peuvent travailler en parallèle sans jamais se rencontrer. Si la volonté de travailler avec l’autre est là, il faut favoriser les rencontres. Si vous êtes un entrepreneur, savez-vous s’il y a des chercheurs dans votre communauté qui travaillent dans des domaines qui vous intéressent? Lisez-vous les nouvelles de l’université locale sur leur site Internet ou ailleurs? Avez-vous déjà participé à des journées porte-ouverte dans les facultés qui vous touchent? L’équivalent s’applique aux chercheurs qui sont intéressés à travailler avec le privé. La plupart des gens ne tomberont pas sur votre labo par hasard. Renseignez-vous sur les entreprises de votre région en haute technologie, visitez des foires commerciales…
  3. Profiter des programmes en place
    Les gouvernements sont conscients que le maillage universitaire-enterprise peut donner des résultats intéressants. Pour cette raison, ils ont créé plusieurs programmes avantageux et souvent méconnus pour inciter les entreprises et les chercheurs à collaborer. Ces programmes permettent de faire sous-traiter certains aspects de R&D à des chercheurs universitaires à des conditions avantageuses. Contactez les responsables du transfert technologique dans les universités ou des conseillers privés spécialisés sur la question.
  4. Transférer le savoir par les gens
    Sans nécessairement faire affaire avec des laboratoires universitaires, vous pouvez avoir accès à leur expertise en engageant des diplômés ayant complété des études graduées. Ceux-ci ont un connaissance pointue et à jour sur un domaine particulier. De plus, ils maitriseront en général des outils puissants qui ne sont pas nécessairement répandus en entreprise. Ce n’est pas pour rien que les compagnies de logiciel vendent des versions étudiantes à des prix ridicules comparativement aux prix pour les entreprises.
  5. Spinoffs
    Les étudiants et chercheurs peuvent être intéressés de démarrer une entreprise avec une technologie ou un savoir-faire issu de leur laboratoire universitaire. Alors que l’entrepreneur cherche des solutions à ses problèmes, les universitaires en démarrage cherchent des problèmes à leurs solutions. Pour être dans ce processus depuis plus d’un an avec un autre gradué du labo, faire la jonction dans cette direction n’est pas nécessairement évident. Il est difficile, avec notre bagage scientifique dans un contexte de laboratoire, de trouver des applications à nos technologies qui présentent un bénéfice réel dans un contexte d’affaire. On peut brainstormer tant qu’on veut, il faut à un certain moment confronter nos idées avec des gens d’affaires. Il faut alors trouver des gens intéressés, qui prennent le temps d’essayer de comprendre ce qu’on peut leur apporter. Ce qui est bien, c’est que ce processus est un filtre naturel: c’est justement avec ces gens d’affaires ouverts d’esprit et innovateurs que les chercheurs auront du plaisir à travailler. Vient ensuite la réalité du financement des nouvelles entreprises technologiques, mais ça, c’est un sujet en soi!

Un exemple intéressant
Dans toute cette histoire, on pourrait se dire que les universités et les gouvernements devraient en faire plus pour favoriser les rapprochements. Cependant, certains domaines n’ont pas attendu personne et se sont organisés par eux-mêmes pour que les connexions se fassent. Je pense entre autre à l’aérospatiale au Québec qui s’est créé une structure très légère et drôlement efficace, le CRIAQ. Ce consortium a comme but de favoriser la collaboration entre les universités, les centres de recherche gouvernementaux et les entreprises. Les chercheurs des universités membres du CRIAQ appliquent pour réaliser des recherches soumises par les entreprises. En jouant ainsi les entremetteurs, ils favorisent les points 1 à 3 de la liste précédente. Ils organisent aussi le Forum des étudiants en aérospatiale pour que les étudiants parlent aux entreprises. De la même manière, le fait que des étudiants gradués travaillent sur des projets en collaboration avec des entreprises comble le point 4. Il n’y a que le point 5 que cette organisation ne touche pas directement. L’aérospatiale, ça demande tellement de moyens que je peux comprendre que ce ne soit pas dans leur mission.

[Article inspiré par l’écoute de l’entrevue de Martin Haegele à Talking Robots]


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