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Quand les candides parlent aux candidats…

Publié le 05 mars 2007 par Brunoh
Après avoir transformé la variété en télé réalité grâce à la Star Ac’, TF1 vient - une fois de plus - d’élever le niveau culturel médiatique en infligeant un traitement similaire à la politique. Le titre de cette prodigieuse série d’émissions : « J’ai une question à vous poser ».
Tous les candidats déclarés à l’élection présidentielle ont ainsi affronté durant ces trois dernières semaines un parterre composé de Français moyens (ce qui, dans le cas présent, constitue un pléonasme).
Pour cet exercice, le journaliste fut relégué à la portion congrue d’animateur, chargé de choisir qui - de Madame Michu ou de Monsieur Duchmoll - aurait le privilège de poser sa question au postulant à l’onction suprême.
Comme ils étaient touchants, ces papys tenant dans leurs mains tremblotantes un modeste bout de papier contenant leurs interrogations existentielles sur l’augmentation du coût de la baguette de pain.
Et qu’ils étaient impressionnants, ces jeunes gens que TF1 avait choisis pour leur impertinence et leur sens de la révolte. Dommage que la caméra ait continué à les filmer au moment des réponses des candidats, tandis qu’ils hochaient sagement la tête à la manière du célèbre Oui Oui – vous savez, le pantin de bois à côté duquel même François Hollande fait figure d’icône trash de la culture underground.
Mais le plus réjouissant des spectacles restait quand même du côté des politiques.
Vous vous rendez compte ? Cela faisait des années que la plupart d’entre eux n’avait pas côtoyé de près un vrai smicard ou des retraités modestes voire – comble de l’horreur – des jeunes ouvriers sans emploi !
Alors ils faisaient peine à voir, hésitant entre le regard compatissant du style « oui je suis comme vous, je comprends vos problèmes et il m’arrive aussi, lorsque j’ai fini de payer mon impôt sur la grande fortune, de ne pas parvenir à régler à temps le salaire de la femme de ménage ».
Pour certains, l’exercice s’avéra encore plus difficile : Jean-Marie Le Pen, par exemple, qui lorsque les personnes posaient leurs questions depuis la partie gauche de la salle, n’arrivait pas à trouver ses interlocuteurs (encore heureux qu’il ne soit pas borgne de l’œil droit).
Pourtant, ce qui ressort avant tout de cet exercice de démagogie pré électorale, c’est le sentiment amer que la France – en tout cas celle que TF1 avait envie de nous montrer – reste un pays frileux, replié sur lui-même et sur ses petits problèmes.
Quid des grands enjeux internationaux ? Que dire au sujet de la politique culturelle de notre pays dans le monde ? Comment ces candidats comptent-ils aborder la question européenne lors de leur éventuel futur mandat ? Autant de sujets qui auraient permis – s’ils avaient été abordés – de discerner une vision, de comprendre un projet, de partager une ambition. Au lieu de cela, nous avons eu droit à un pitoyable déballage des problèmes des uns et des handicaps des autres.
Pendant que Ségo se demandait si elle devait pousser le fauteuil roulant du Monsieur, Bayrou se débattait autour de la question du handicap mental, posée par une personne qui avait malheureusement dû y échapper de peu.
Avec, au bout du compte, deux victoires médiatiques, deux personnages qui se sont sortis de cet exercice avec un relatif brio : Sarko et Besancenot ! L’un parce qu’il reste – quelles que soient les circonstances – un animal médiatique impressionnant par son aplomb. L’autre grâce à la sincérité de son propos - certes utopiste et dont il semble être le seul convaincu - ce qui contribue paradoxalement à émouvoir.
Mais, derrière l’émotion de façade et les fanfaronnades de pacotilles, reste cette impression troublante qu’une fois de plus, TF1 est arrivé au bout d’une nouvelle entreprise de décérébration.
Et cette victoire-là ne sera certainement pas celle de la France.

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