Tellement mieux que les moulins à vent…

Dire qu’il aura fallu attendre jusqu’au début de cette année 2007 pour voir surgir ce que les historiens appelleront peut-être, dans quelques décennies, une vraie révolution sociétale…
Cela avait pourtant commencé simplement.
Quelques tentes disposées sur les rives du canal Saint Martin, à Paris.
Une dénonciation en bonne et due forme du scandale de ceux que l’on appelle désormais les « mal-logés ».
Notre petit monde médiatique avait l’habitude, et chacun aurait pu reprendre son petit chemin de vie égoïste.
Sauf que, cette fois, ceux qui se font appeler les « Enfants de Don Quichotte » sont allés plus loin.
Ils ont intelligemment utilisé le système des médias contre lui-même.
Vous voulez de la pub, de la « com », qu’on entende parler des sans logis autrement qu’au travers d’entrefilets dans les journaux, qui déplorent le décès des SDF par les nuits de grand froid ? Vous voulez du spectaculaire ? On va vous en donner !
Mais avec intelligence et sensibilité. Chacun sait que le comédien Jean Rochefort, parmi bien d’autres personnalités, est allé passer la nuit dans une tente. Un symbole d’autant plus fort que, pour une fois, aucune caméra n’est venue brouiller les cartes en ajoutant du pathos à la misère. Car cette musique-là n’avait besoin d’aucun vibrato supplémentaire pour se faire entendre, de toute la force de sa sublime incohérence. Parce que, dans une ville comme Paris, où des milliers de logements restent vacants, il est inadmissible de laisser des gens dormir dans la rue.
Et pour une fois, la mobilisation a touché tout le monde.
On pourra toujours accuser les politiques de tentatives de récupération : après tout, qu’importe, pourvu que les choses bougent ? Des avocats, des gens « insérés dans la société» mais conscients de la fragilité de leur situation, ont enfin eu envie de crier « STOP ». On arrête les conneries. On ne va pas laisser la France devenir, comme les Etats-Unis, la patrie des « travailleurs pauvres », au service d’une société qui n’est même plus en mesure de leur fournir un toit. Quant aux autres, ceux qui n’ont pas ou plus de travail parce qu’ils sont trop vieux, trop bêtes, trop handicapés ou pas assez français, on ne va pas non plus les laisser crever !
Ce matin, le 7-9h30 de France Inter était diffusé en direct du canal Saint Martin. Nicolas Demorand nous a fait écouter la voix de ceux qui n’ont jamais la parole. C’était la voix de la raison. Et en prenant mon petit-déjeuner, je me suis mis à rêver. Si le monde était en train de retomber sur ses pieds ? Si ceux qui ne se soucient de rien d’autre que d’augmenter leur fortune déjà colossale se sentaient enfin obligés d’agir ? Si les gens de la communication et de la publicité cessaient une fois pour toutes d’inciter les 5% de personnes les plus favorisées de cette planète à toujours consommer davantage et se consacraient, à leur tour, à combattre la misère avec leurs propres armes, à savoir les mots et les images ? Toujours à la radio, il y a quelques jours, Isabelle Autissier disait que le trou de la couche d’ozone était, pour la première fois, en cours de résorption. L’interdiction des CFC y est, bien évidemment, pour quelque chose.
Puisse l’interdiction de la misère provoquer les mêmes effets.
Bonne année 2007 à toutes et à tous : elle commence plutôt bien !