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La guerre des classes selon François Ruffin

Publié le 11 janvier 2009 par Petiterepublique

Le confort de nos concitoyens est-il à ce point important que la lutte des classes ne serait plus qu’une notion jaunie ? François Ruffin, journaliste à Là-bas si j’y suis est allé à la rencontre de ces ouvriers, ces caissières, ces chômeurs qui semblent avoir disparu de la « France qui gagne ». Et le constat est sans appel, la misère du travailleur demeure encore et toujours une constante de notre société.

Pourtant nos personnalités politiques font rarement mention de ces pauvres, de ces exclus, il faut qu’ils meurent en nombre sur nos trottoirs pour que l’on évoque leur présence. L’asphyxie d’une certaine catégorie de la population est la conséquence logique du renforcement des richesses d’une partie d’entre nous. Et que Sarkozy défende les superprofits des entreprises du CAC 40 et ne s’offusque pas de l’augmentation des inégalités sociales n’a en soi rien d’étonnant. Mais que le parti socialiste ne monte pas au créneau pour défendre les opprimés du système confine à la déraison, pour ne pas dire à la stupidité. Auprès des mineurs de Carmaux, Jean Jaurès avait appris à reconnaître l’importance de la lutte des classes, alors que le parti socialiste semble avoir fait chemin inverse en abandonnant tous ses idéaux au contact du libéralisme économique.

Que reste-t-il de la gauche en France ? Les pages que consacre François Ruffin au Parti Socialiste sont sans concession dans la mesure où l’auteur dénonce le dévoiement de ces apparatchiks de Solférino qui ont vendu l’héritage du socialisme et piétiné les racines de leurs électeurs. D’ailleurs les ouvriers ont fui devant ces socialistes qui s’adressent désormais avec bonheur aux classes moyennes. La rupture avec le « dogmatisme marxiste », comme le préconise Vincent Peillon, s’inscrit dans la droite ligne du brouillage des frontières entre la gauche et la droite initié par François Mitterand et pleinement accompli par Tony Blair.

L’ouvrage de François Ruffin est d’utilité publique, car il décrypte l’érosion idéologique et la syphilisation progressive du Parti Socialiste au contact du grand capitalisme si cher  à Valls, Peillon et bien sûr Ségolène Royal. Il n’y a qu’à lire les discours de ces personnalités, s’agace Ruffin, pour comprendre qu’en voulant rompre avec la lutte des classes, le Parti Socialiste s’est rapproché dangereusement du sarkozysme. Comment choisir son camp quand il n’y a plus de camp, s’interroge l’auteur ?

Les cartes sont plus que jamais brouillées et le blairisme s’est à ce point insinué dans le parti que les socialistes viennent grossir l’UMP sans même s’en rendre compte. Il faut renouer avec une gauche colérique, demande l’auteur, et désigner l’ennemi à combattre. Car tandis que les copains de Sarkozy se pavanent avec le toutou à plusieurs millions de Jeff Koons et raille les symboles des classes populaires, toute une partie de la population française crève dans la misère. Dans un chapitre consacré à l’organisation de la haine, François Ruffin désigne les richesses immenses de certains d’entre nous face aux profondes inégalités de notre société et la « nullité des critiques » des socialistes. Il faut dit-il, « guider cette colère », « canaliser la rage », « organiser la haine » et montrer du doigt l’oppresseur.

A l’heure de la crise du capitalisme, de la faillite des banques et des actionnaires, le Parti Socialiste aurait pu organiser la lutte, proposer un projet de société, consolider l’union et les valeurs républicaines, réaliser l’unité des socialistes autour des opprimés, mais au lieu de cela leur silence offre un boulevard à Nicolas Sarkozy pour continuer à culpabiliser les pauvres.

A l’évidence la guerre des classes n’a pas cessé et qu’il est regrettable que l’ancien parti de Jaurès en soit l’un des principaux acteurs !

Laurent Monserrat

  • La guerre des classes est publié aux éditions Fayard
  • Site Internet de François Ruffin : Fakir presse

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