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Gare Saint Lazare : les limites du service minimum

Publié le 19 janvier 2009 par Hmoreigne

 En exerçant leur droit de retrait à la suite de l’agression d’un collègue, les cheminots de la gare Saint Lazare ont très fortement perturbé la vie de milliers d’usagers franciliens. Même s’il ne s’agit pas d’une grève au sens juridique du terme, il s’agit d’un pied de nez de taille à Nicolas Sarkozy qui pensait avoir trouvé la parade à ce genre de situation en instaurant en 2007 une loi sur le service minimum. C’est surtout un désaveu à l’affirmation présidentielle de juillet selon laquelle “désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit”.

L’invisibilité des mouvements sociaux, les usagers franciliens des transports publics aimeraient bien y croire. Les cheminots et Sud rail en particulier démontrent depuis plusieurs semaines que les coups de menton présidentiels ne leur font pas peur. Mieux que des députés les syndicalistes radicaux savent se servir des failles de la législation pour la contourner et la neutraliser. Le recours aux fameuses mini-grèves tournantes de cinquante-neuf minutes en est une bonne illustration tout comme le recours abusif au droit de retrait qui évite les préavis.

La radicalisation des mouvements sociaux n’est pourtant pas un gage d’avancées ni pour les salariés des transports ni pour les usagers. A trop scier la branche du service public elle pourrait finir par casser. Si les cheminots extrémistes peuvent se réjouir d’avoir vu leur patron sommé par l’Elysée venir présenter de plates excuses au JT de France 2, la satisfaction risque d’être de courte durée.


Humilié, Guillaume Pepy, a estimé que
  “le temps (est) venu de revoir les règles qui autorisent à la SNCF des grèves reconductibles d’une heure”. L’affaire n’en restera pas là. Hervé Mariton UMP, rapporteur du budget des transports à l’Assemblée, préconise une refonte du texte de loi sur le service minimum.
Le député a livré au quotidien Le Parisien quelques pistes de réflexions. “En 2007, j’ai présidé la commission spéciale chargée d’examiner la loi sur le service minimum. A l’époque, nous avions vu que ce texte comportait des insuffisances. Il était loin de pouvoir régler tous les problèmes. Quand on voit ce qui s’est passé à Saint-Lazare et sur le réseau TER à Nice, les faits parlent d’eux-mêmes. (…) Il existe des solutions pour corriger la loi et rendre le service minimum plus efficace.

Les mécanismes correcteurs proposés sont radicaux. Application du  principe du trentième indivisible appliqué dans toute la fonction publique. Autrement dit, une grève quelle que soit sa durée donnerait lieu à une journée de salaire en moins. Illégalité de déposer des préavis couvrant plusieurs modalités de grève mais aussi d’entrer dans un conflit, puis de le quitter et ensuite d’y revenir. Encadrement enfin du droit de retrait utilisé de façon collective.

Le retour de manivelle, s’il est confirmé, s’annonce donc fort. Il n’est pas sûr cette fois que les cheminots trouvent un soutien conséquent dans l’opinion publique. La loi sur le service minimum dans les transports terrestres, promesse de campagne du candidat Nicolas Sarkozy votée dès l’été 2007 semblait un bon compromis imposant uniquement une concertation préalable entre syndicats et direction avant toute grève et une déclaration individuelle de chaque participant 48 heures avant le début d’un mouvement, afin de pouvoir annoncer à l’avance un plan de transports aux voyageurs. On avait alors parlé d’une loi minimum pour un service minimum.

Il apparaît de plus en plus clairement que ce qu’on qualifie pudiquement de gauche radicale a tout intérêt, pour des raisons électorales, à un durcissement de la situation sociale. C’est omettre pourtant que si le droit de grève est garanti par la Constitution, il s’agit un droit encadré et limité comme le précise le paragraphe 7 du préambule de la Constitution de 1946 : « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».

Professeur de droit constitutionnel, l’inoxydable Jack Lang semble l’avoir opportunément oublié. En fin de semaine dernière, il déclarait sur i-Télé : La loi sur le service minimum est “inutilement paralysante, inutilement provocatrice. En tous cas, elle ne résout pas la question qui est posée: comment concilier le respect des droits syndicaux et la continuité du service public qui est due aux usagers?”.

Le député du Pas-de-Calais qui a estimé que le service minimum était “un échec pour les gens au pouvoir aujourd’hui” a également jugé qu’une nouvelle loi sur le service minimum serait “une imbécillité”.”Il n’y a qu’une bonne loi, c’est celle par laquelle on réussirait en France à établir un réel dialogue social”.

L’échec supporté par les usagers est avant tout celui du service public en général frappé de vétusté, devenu un nid à extrémistes qui confondent défense d’intérêts catégoriels et défense de l’outil service public.

Secrétaire fédéral du syndicat Sud-Rail Christian Mahieux n’est pas habité par le doute. La pagaille de mardi à Saint Lazare ne saurait être imputée à son organisation mais à la SNCF. “On n’a pas à présenter d’excuses pour la décision de la direction de la SNCF d’avoir fermé la gare. Nous assumons totalement le mouvement de grève des camarades de Saint-Lazare.”

Le dialogue social cher à Jack Lang s’annonce compliqué.



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