Magazine Beaux Arts

Trois Caravage

Publié le 20 janvier 2009 par Marc Lenot

L’un dans une église, l’autre dans une banque et le troisième dans un musée, dans la dernière ville où il vécut, Naples.

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Les Sept Oeuvres de la Miséricorde sont, comme il se doit dans la chapelle de l’institution de bienfaisance Pio Monte de la Misericordia, face à l’entrée, attirant tous les regards. Tableau datant du premier séjour du Caravage à Naples (1607), c’est une composition complexe où, sous la Vierge miséricordieuse soutenue par des anges, se pressent des gens du peuple enchevêtrés dans une scène de rue toute napolitaine illustrant ces sept devoirs de charité. Plus que l’érudition des citations (Saint Martin, Cimon et Pero, Saint Jacques, Samson) et l’élucidation des sept devoirs (nourrir les affamés, visiter les prisonniers, enterrer les morts, vêtir les indigents, visiter les malades, héberger les pèlerins et abreuver les assoiffés), ce qui frappe l’oeil ici, c’est la manière dont les deux grandes zones les plus éclairées, le dos nu du mendiant au premier plan et le buste de la jeune femme allaitant son père à droite, semblent converger vers les bras de l’ange à l’équerre, cependant que les autres zones claires ponctuant le tableau sont les visages des autres protagonistes émergeant de l’obscurité. La torche brandie par le prêtre accompagnant le cadavre (dont on ne voit que les pieds sales) est le pivot central de la composition, formellement et symboliquement, lumière de l’Eglise, feu salutaire.

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Le musée attenant est plein d’autres trésors : beaucoup de tableaux de Francesco de Mura, dont une Madeleine pénitente vaporeuse et floue, un autoportrait de Luca Giordano aux bésicles, et une autre Madeleine d’Andrea Vaccaro (dont on voit aussi une poignante Pieta): elle émerge de l’ombre, hagarde, extatique, les yeux mi clos, la bouche entrouverte; cheveux et robe se confondent, laissant émerger le bout de son sein; et son petit doigt raidi dit l’état catatonique de son extase repentante. Une autre toile fascinante de ce petit musée est cette Vanité de Niccolo de Simone
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: une femme, coiffée de deux plumes blanches, vêtue d’une splendide robe de brocart, peint son autoportrait, cependant que deux petits amours porte l’un un masque rouge (comédie ? duplicité ? illusion ?) et l’autre un livre et un compas (raison ? rigueur ?). Quel en est le sens ? Que sont ces allégories ? Est-ce une vanité, ou une représentation de la peinture ? un tableau bien mystérieux. (Par contre, l’exposition temporaire, Storie di Donne, jusqu’au 30 mai, est une triste démonstration de la faiblesse de la peinture italienne au XIXème siècle).

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Le second Caravage napolitain est présenté, seul, dans une agence de la Banca Intesa Sanpaolo, au Palais Zevallos Stigliano. C’est le Martyre de Sainte Ursule, peut-être son dernier tableau (1610) : Sainte Ursule, refusant d’épouser Attila, est tuée par ce dernier d’une flèche qui lui transperce le coeur. Nous sommes à l’instant d’après, où le geste de chacun des acteurs est comme figé, gelé, entre ce qui fut, la vie, le drame, l’évènement, et ce qui va être, le martyre, la canonisation, l’histoire, la mort. Le vieillard ridé Attila, dont l’arc est encore bandé, semble plein de compassion pour sa victime, et peut-être même de désarroi et de regret après son acte forcé; Ursule, si proche de son bourreau qu’on ne voit pas comment la flèche a pu être décochée, contemple avec douceur la blessure de son sein, sereine face au martyre. Derrière la sainte, l’homme qui tend le cou est un autoportrait du Caravage.
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Mais le plus extraordinaire est cette main qui surgit au premier plan, comme pour tout arrêter, comme pour nous repousser, comme pour justement geler le temps qui s’écoule, l’arrêter à l’instant d’avant. Elle fut découverte, ainsi que deux des personnages du fond, lors de la restauration récente du tableau, et c’est elle qui dit le temps dans cette scène. 

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Le troisième est au Musée de Capodimonte (dont nous reparlerons), visible de loin dans l’enfilade des salles du Palais. Salle après salle, on s’en approche, et on distingue peu à peu les figures de cette Flagellation du Christ, commencée pendant son premier séjour (1607) et terminée pendant le second (1609/1610). La torsion du corps encore intact du Christ épuisé, la tension des bourreaux, celui de droite prenant appui sur le mollet du Christ qui se dérobe, celui de gauche assurant sa prise avant de frapper, l’homme à terre préparant son fouet, tout marque ici l’instant d’avant, avant les coups, avant que la cruauté ne se déchaîne.

J’avais vu Sainte Ursule et la Flagellation à Londres, puis de nouveau Sainte Ursule à Amsterdam, face à la Fiancée Juive, mais revoir ces trois tableaux dans la ville où ils furent peints, aller dans les rues de Naples entre ces trois lieux, croiser dans la rue tel qui a la trogne du bourreau de gauche ou telle aussi gracieuse et pudique que Pero, est une expérience bien plus émouvante que la contemplation des cimaises d’un musée.


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LES COMMENTAIRES (1)

Par  Davidscala
posté le 24 juin à 11:45
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