Magazine Culture

Les NRJ Music Awards et l’art du business, par Richard Von Sternberg

Publié le 18 janvier 2009 par Spies Virginie


Richard Von Sternberg est étudiant en Licence Sciences de l'Informations et de la Communication à l'université d'Avignon. Hier, il a regardé d'un oeil attentif les "NRJ Music Awards", et il a accepté de nous en livrer son analyse tant institutionnelle que sémiologique, je l'en remercie.

Les NRJ Music Awards et l’art du business, par Richard Von Sternberg


Depuis la fin du mois de novembre 2008 sur NRJ, depuis au moins trois semaines sur TF1, la machine est en route pour  « le plus grand évènement musical de l’année en télévision » Télé Câble Satellite (17 au 23 janvier 2008). Une «pluie de stars» s’est abattue hier soir sur la première chaine de télé et sur une des premières radios musicales. Les téléspectateurs ont pu découvrir sur scène Coldplay, Katty Perry, Indochine, les Pussycat Dolls, la troupe de la comédie musicale Cléopâtre  ou encore Mylène Farmer. Au-delà même du concept des NRJ Music Awards, ce qui est intéressant ici, c’est la mobilisation des principaux composants sémiotiques d’une émission de divertissement en 2h45 de show. Identité de la station de radio NRJ, identité de TF1, « faux direct », sponsoring, le tout dans un évènement que l’on pourrait qualifier de « corporate » avant tout.

Pour rappel, ce samedi 17 janvier 2009 à 20h45, sur TF1 et NRJ, ce fut le dixième anniversaire des NRJ Music Awards. Cette émission est présentée comme l’événement musical qui récompense chaque année au mois de janvier les artistes français et internationaux préférés du public grâce à des votes sur Internet et via un service SMS surtaxé. Cette année, l’émission fut présentée par Nikos Alliagas et a été réalisée par Gérard Pullicino. Cette émission est le reflet de l’image de TF1 et NRJ. Pour cela plusieurs éléments apparaissent clairement sur notre écran. Avec cette cérémonie, TF1 veut montrer aux téléspectateurs qu’elle est la seule chaine de télévision qui récompense à la fois les artistes internationaux et français. En effet, cette cérémonie décerne des prix à des artistes à la renommée mondiale or seule Les Victoires de la Musique célèbre elle aussi des artistes de l’univers musical mais uniquement français… TF1 créé donc l’évènement en s’ouvrant sur l’international, en félicitant d’un trophée, le travail de ces chanteurs grâce aux votes des auditeurs de NRJ et des spectateurs de TF1. Oui, « vos votes » puisque que le spectateur est invité à plusieurs reprises tout au long de l’émission à « élire » la Chanson Française de l’année avec des SMS évidemment surtaxés, il est aussi incité à s’exprimer avec l’antenne d’NRJ et sur son site internet. Pour ce qui ce qui est de la radio NRJ, on remarque au premier coup d’oreille que tous les nominés sont un jour où l’autre entrés dans la programmation de la panthère, voir même plus, certains sont des pures productions NRJ. Nous en parlerons plus loin dans cet article.


Ces quelques éléments ne sont que des petits fragments qui font des NRJ Music Awards une vraie campagne marketing et de communication pour TF1, NRJ et les maisons de disques plus particulièrement Universal.
Avant même le lancement de l’émission sur TF1, c’est un vrai dispositif publicitaire qui a été mis en place sur l’antenne d’NRJ. Effectivement, depuis la fin novembre 2008, les sponsors ont pris place sur les ondes plus particulièrement Ford et le Crédit Mutuel. D’après les différents éléments diffusés, on peut comprendre que ces deux marques sont les deux principaux partenaires de NRJ sur cette opération. Avec les NRJ Music Awards, Ford a promu sa nouvelle voiture la « Ford K » avec des spots publicitaires et le sponsoring de certaines interventions des animateurs à l’antenne. Ainsi, la nouvelle « Ford K » est la voiture officielle des NRJ Music Awards. Autre partenaire de NRJ, c’est le Crédit Mutuel, là aussi la campagne s’est déroulée à coup de sponsorings des interventions à l’antenne que la banque pu faire sa promotion auprès de sa nouvelle clientèle cible les « 15/25 ans ». Cette cible est aussi le principal public des NRJ Music Awards. Toujours grâce à l’écoute de NRJ, on peut aussi relever qu’il y a un dernier grand partenaire qui su s’imposer comme une marque préférée des jeunes dans son domaine c’est Vivelle Dop. La marque de gel a installé un jeu sur l’antenne, le « Turbo Clip Compet ». Le concept novateur est le suivant : les auditeurs se filment avec leur webcam en dansant à vitesse grand V puis ils postent leur vidéo sur le site de Vivelle Dop. La meilleure vidéo a permis à des internautes et auditeurs d’NRJ d’assister à la cérémonie des NRJ Music Awards en invités V.I.P. : Tout a donc été fait pour attirer les jeunes auditeurs de NRJ à se brancher sur la cérémonie diffusée par TF1.


Passons maintenant au dispositif télévisuel mis en place. En toute logique, ce sont les mêmes partenaires que l’on a pu découvrir précédemment sur NRJ qui ont occupé l’espace publicitaire de TF1 avec une surprise avant même le démarrage de la cérémonie à 20h45. En effet, on a pu découvrir juste avant et après le JT de 20 heures, un très court spot de pub qui cache bien son nom puisqu’une voix off nous annonce très brièvement qu’il faut « Retrouvez Jenifer toute à l’heure aux alentours de 20h40… » Pourquoi ? Comment ? Pour quelle occasion ? Les téléspectateurs ne le savent pas encore. Une fois l’heure fatidique arrivée, les téléspectateurs ont eu le droit durant une minute vingt à une mise en scène de Jenifer autour de la Ford K. En choisissant, la jeune chanteuse pour ce spot, TF1 a parié sur une valeur sûre, une personnalité aimée du public mais aussi qui incarne dans son ethos toute la réussite de l’entreprise TF1 dans la téléréalité à travers la Star Academy. Pour rappel, Jenifer est la première gagnante de la Star Academy, la seule qui a vendu un nombre d’albums conséquent, qui a pu faire plus d’une tournée sans supprimer des dates et surtout s’imposer comme une chanteuse à part entière en se détachant plus ou moins de l’image Star Academy qui a tendance à coller à la peau de tous les candidats. En utilisant Jenifer, TF1 rappelle dans l’inconscient collectif qu’elle est au départ un produit réussi de la marque TF1, un pur produit marketing comme l’est les NRJ Music Awards d’une certaine façon. Ce court spot de teasing joue donc avec la curiosité du téléspectateur, son envie de découvrir ce que la chanteuse Jennifer à nous montrer mais aussi sur l’image de l’artiste qui « appartient » à TF1, Universal et NRJ. NRJ qui a évidemment toujours été partenaire de Jenifer (elle a remporté hier soir le trophée de l’Artiste Féminine Française de l’année, l’année dernière pour la 9ème édition elle gagna le même prix…).
Ces liens entre Jenifer, NRJ et la maison de disque Universal (qui la produit) nous amène à nous rapprocher de plus en plus de l’aspect « business » des NRJ Music Awards. 


Cette année, la direction d’NRJ n’a pas communiqué sur le budget de la cérémonie. Les seules informations trouvées datent de janvier 2006. Dans une interview au site Radio Actu, R
oberto Ciurléo, ex-directeur des programmes et de la marque NRJ, parlait des NRJ Music Awards comme « de la plus importante opération de communication organisée par une radio » avec un budget brut 12 millions d’euros de communication autour de la 7ème cérémonie. Bien sûr, il faut rentabiliser l’investissement, tout le monde doit être gagnant : TF1, NRJ et les maisons de disques comme Universal.
Le moteur principal de la soirée est NRJ. Comme nous l’avons évoqué précédemment, tous les artistes nommés sont ou été présent dans la playlist d’NRJ. Certains sont même des purs produits de la panthère comme la comédie musicale « Cléopâtre, la dernière reine d’Egypte ». Ce spectacle mis en scène et chorégraphié par Kamel Ouali (un habitué de TF1) est soutenu (on ne sait pas officiellement à quelle hauteur) par NRJ Entertainment (pôle divertissement et spectacle vivant de NRJ Group) et TF1, le tout sous la houlette de la maison de disque Mercury. Tout apparemment est fait pour promouvoir de la manière la plus subtile possible ce produit.


En effet, NRJ a programmé depuis de nombreux mois maintenant les singles de la comédie musicale sur son antenne avant même la sortie de l’album puis il y eu l’arrivée de spots publicitaires uniquement sur TF1.

Notons que là encore, le corporatisme le plus total puisque TF1 et NRJ Group sont donc associées à ce projet de 9 millions d’euros (source newsandco.com) et ne s’en cachent pas (les deux logos sont présents en bas sur le site internet officiel de Cléopâtre). De plus, pour la partie musicale, c’est donc Mercury qui produit les singles et l’album. Ce label appartient à Universal Music Group dont le PDG est Pascal Nègre (lui aussi un habitué de TF1 puisqu’il était membre du jury dans la 7ème saison de la Star Academy). Par ailleurs, ce dernier était présent hier soir dans le public des NRJ Music Awards et apparemment sa présence ne tenait pas au hasard puisque la troupe a reçu le prix du Groupe/Duo/Troupe français de l'année. Ils ont bien fait de venir...


Au-delà du seul exemple de Cléopâtre, NRJ et Universal sont extrêmement liés. Quelques recherches ont fait apparaître (entre autres) que les deux groupes se sont associés en Belgique pour proposer un site internet qui permet de télécharger un titre phare de la playlist d’NRJ en envoyant un SMS qui lui donne un code de téléchargement (plus d’infos : http://
www.free-music.be). Autre exemple, en 2001, associée à Universal Music, la filiale de NRJ Group dédiée aux activités Internet, a lancé le premier service de téléchargement payant de musique (source RadioActu). Il existe surement d’autres activités entre ces deux sociétés mais que nous ne détaillerons pas ici.


Parlons maintenant des artistes récompensés : sur les treize trophées remis, 6 artistes (Jonas Brothers, Enrique Iglesias, Jenifer, Rihanna, Mylène Farmer et les Pussycat Dols) sont signés dans une des filiales d’Universal Music Group ou chez Universal directement.
On peut alors légitimement se demander si la liste des nommés aux NRJ Music Awards est le reflet de la programmation d’NRJ et des relations commerciales qu’entretiennent NRJ et Universal ?


Pour terminer cet article, il nous faut mettre en avant quelques points utilisés lors de cette cérémonie pour que celle-ci tienne du mieux qu’elle peut toutes ses promesses de direct, et d’émotions. Pour cela, le « faux direct » a utilisé à deux reprises hier soir lors de la prestation du groupe Indochine et pour la prestation de Mylène Farmer. Comme l’évoque la journaliste
Emmanuel Marolle dans Le Parisien (daté du 15/01/09), le groupe Indochine a décidé d’enregistrer sa prestation le vendredi, soit la veille de la cérémonie en direct. Au Parisien d’ajouter : "Néanmoins, les spectateurs présents dans la salle pendant la cérémonie n’y verront que du feu car le groupe sera tout de même présent sur scène. Sauf que ce sera la version enregistrée tranquillement demain (vendredi) qui sera visible à l’antenne par les téléspectateurs de TF1. ". A l’écran aussi, les téléspectateurs n’y ont vu que du feu. Le liner « en direct » en haut à droite de votre téléviseur a disparu durant la prestation, le retour au direct se fut avec un très beau plan d’ensemble montrant le groupe sur scène effectivement présent. Le même procédé fut utilisé pour le grand retour de Mylène Farmer à la télévision. Une prestation enregistrée avec une disparition du liner « en direct » et un plan d’ensemble pour le retour au direct à la fin de l’interprétation. Le fait que ces prestations soient enregistrées n’a pas été clairement annoncé ni par TF1, ni par NRJ et encore moins par Nikos. C’est là encore une belle illustration de la volonté de faire croire aux téléspectateurs que tout ce passe en direct, que tout peut arriver à tout instant et surtout que tous les artistes sont bel et bien présents pour leur public, ce dernier qui a voté pour eux.  


Pour conclure, la cérémonie des NRJ Music Awards est donc bel et bien une immense machine à sous sur laquelle nous pouvons nous poser des questions de la légitimité sur les nominés, les vainqueurs mais aussi de la manière dont l’émission est elle-même réalisée pour nous transporter dans ce monde de strass et de paillettes grâce encore NRJ et TF1.
Finalement, et comme pour les années précédentes, l’émission a été leader sur les cibles préférées des partenaires des NRJ Music Awards avec 56,9 % de PDA sur les 15-24 ans et 41,5 % de PDA sur les femmes de moins de 50 ans. Pour un total de 5 753 000 téléspectateurs et 28,1 % de part d'audience sur les individus 4 ans et + selon Médiamat – Médiamétrie, les NRJ Music Awards reste la plus grande campagne de communication émanant des poids lourds de l’industrie audiovisuelle et médiatique à l’unissons, le temps d’une soirée en prévision du Midem qui prend place le lendemain même au Palais des Festivals de Cannes….


Retour à La Une de Logo Paperblog