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Rêves et espoirs sous les déchets du Caire

Publié le 08 janvier 2009 par Kak94

Paru le Jeudi 15 Juillet 2004


ÉGYPTE - Dernier roman de Fawzia Assaad,
"Ahlam et les éboueurs du Caire" raconte la vie et l'évolution des éboueurs de la capitale égyptienne. Entre misère et illusion, un mythe à l'orientale.

Ecrivaine et égyptologue, Fawzia Assaad a présenté la semaine dernière à Genève son cinquième roman, intitulé Ahlam et les éboueurs du Caire. Mêlant réalité et fiction, elle y raconte l'histoire d'une jeune fille et de son peuple, paysans chrétiens fuyant la misère de la campagne dans les ordures du Caire. Docteure en lettres, l'auteure a publié des essais philosophiques avant de s'orienter vers la fiction et la mythologie. Elle a enseigné la philosophie au Caire puis a décidé de suivre son mari, médecin à l'OMS, dans ses déplacements. Elle réside aujourd'hui à Genève.
LE "MARCHÉ" DES ORDURES
Dans les années quarante, au Caire, les déchets sont un problème écologique lancinant qui croît à mesure que la mégapole grandit, et ronge le désert et les champs cultivés. Des vagues successives de paysans pauvres, des coptes originaires de Deir Tassa et d'El-Badari, deux villages de la région d'Assiout, envahissent alors la capitale égyptienne afin d'exploiter le "marché" des ordures. "En règle générale, les coptes font partie de la classe aisée de l'Egypte. Mais pas tous. C'est le cas des éboueurs du Caire. Bien que comptant parmi les plus pauvres, ceux-ci sont chrétiens en majorité", précise la romancière.
Encouragés par les Anglais, qui leur promettent de faire fortune avec un maigre capital, ils élèvent des porcs - interdits aux musulmans et aux juifs - et achètent le droit aux ordures pour les nourrir. A cette époque, raconte Fawzia Assaad, "on estimait que vu leur confession, ils pouvaient côtoyer cet animal. Alors que dans l'Antiquité, c'était interdit. Considéré comme impur, le porc représentait Seth, le méchant frère."
Mais le dégoût de la bête et de l'homme qui vit avec elle font de cette société de porchers des parias, que l'on repousse de la ville. Ils finissent par trouver refuge sur l'aride montagne du Moqattam. "Paradoxalement, c'est le départ d'un gigantesque processus de développement, auquel prennent part des organisations internationales (lire encadré, ndlr) et les bourgeoisies égyptienne et étrangère entre autres", souligne la Genevoise d'adoption.
Sans oublier Soeur Emmanuelle, qui a passé beaucoup de temps aux côtés des porchers. Elle ameute les médias pour obtenir l'argent nécessaire à un centre social. Elle a aussi dans l'idée de créer une usine de compost. Les gens du Moqattam prennent leur destin en main. Les porcheries sont déménagées dans le désert, afin de séparer les familles de leurs bêtes, de petites industries de recyclage sont créées...
UNE DIGNITÉ RETROUVÉE
Ahlam, nom de l'héroïne du roman de Fawzia Assaad, signifie "rêves" et symbolise en quelque sorte l'attitude de ces pauvres paysans qui mêlent l'espoir du miracle à l'acceptation de la dure réalité. A travers une narration sensible et talentueuse, l'auteure donne à ce drame de la misère une dimension presque mythique. Elle dépeint ces miséreux qui se coordonnent et leur combat quotidien contre l'ignorance, les aberrations bureaucratiques et les dangers croissants qui pèsent sur leur vie. Ceux qui n'étaient que des laissés-pour-compte, vivant en marge de tout, retrouvent, grâce à ce récit, la dignité qui leur est due.
Ahlam et les éboueurs du Caire de Fawzia Assaad, éd. de l'Hèbe, 2004, 392 pp.
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LES ÉBOUEURS DE L'AVENIR
Rejeté ou ignoré, privé de services de base, Moqattam est pourtant le coeur même, ou plutôt les entrailles, de la capitale égyptienne. C'est là que, accrochés à quelques hectares de terre, vivent les zabaleen, les éboueurs du Caire. Grâce à eux, pendant plus de cinquante ans, près de 90% des ordures étaient recyclées sans que la Municipalité débourse le moindre centime. C'est seulement en 1999 que le gouvernement commence à reconnaître l'apport de ces éboueurs. L'Association pour la protection de l'environnement (APE), présente depuis de nombreuses années dans la région, a joué un rôle clé, notamment en négociant avec les autorités. Le projet de l'APE comportait deux grands axes: développer les infrastructures et favoriser les changements de comportement en associant éducation de base et activités génératrices de revenus. En 1997, l'Unesco (United nations educational, scientific et cultural organization) s'est jointe à l'APE pour mettre en place un programme de formation des jeunes du Moqattam dans le but de répondre aux aspirations de ce groupe marginalisé. Grâce à cette action combinée, leurs conditions de vie se sont nettement améliorées. A tel point que, filles et garçons, formés et sélectionnés pour devenir des agents du changement, "éduquent" aujourd'hui d'autres jeunes dans les milieux défavorisés. L'idée étant d'étendre cette chaîne de formation et de lui donner une plus grande visibilité. Ironie du sort, ce sont aujourd'hui les zabaleen, souvent vertement critiqués pour leurs moyens d'existence, qui donnent désormais des leçons aux riches Cairotes sur la façon de protéger l'environnement. MOt

source : http://www.lecourrier.ch/index.php?name=NewsPaper&file=article&sid=38049

Par Les chiffonniers du Caire - Publié dans : Communauté : vie des chiffonniers -
Les amis des chiffonniers


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