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"L'échappée" de Valentine Goby

Par Fanyoun


"Nous marchons, suivies par la foule, têtes rasées parmi les décombres de l'avenue Janvier, de la rue Saint-Hélier dévastée, criblée de béances et d'immeubles en ruine, pendant des semaines c'étaient des gravats enchevêtrés de poutres, de meubles brisés, chambre, cuisines, salles à manger réduites en poussière, éclats de verre, j'imagine que c'était comme ça, tout est déblayé et vide maintenant, je trébuche sur des souvenirs que je n'ai pas, les bombardements ont eu lieu sans moi, j'étais terrée dans un couvent mais je sais tout, ils m'ont fait ce que la guerre leur a fait."

L'échappée ou le destin d'une jeune paysanne bretonne coupable d'avoir aimé un pianiste allemand pendant l'occupation.  Avec quatrième roman, Valentine Goby signe un livre tragique et puissant sur l'identité et la liberté.

Mon avis :

Vous est-il déjà arrivé de lire un roman et de"passer à côté" ? Sans  aucun doute. Après avoir lu L'Echappée, mon impression était très mitigée : du déjà lu, rien de  surprenant... J'ai replongé mon nez dans ce bouquin pour étoffer ma critique et là, je me suis rendue compte qu'il m'avait complètement échappé. Je l'ai donc relu, un soir, une nuit et je rviens sur mon avis (Anne, si tu passes au coin, de la rue arrête toi à la maison boire un café, ce livre t'attend).

L'histoire en bref : Madeleine, gamine de 16, quitte son village pour travailler comme femme de chambre dans un hôtel en ville. Nous sommes en 1941. De nombreux officiers allemands sont logés à l'hôtel dont un certain Joseph Schimmer. Mélomane, pianiste de haut niveau, la musique est pour lui l'expression de sa sensibilité et ses ressentiments concernant la guerre. Madeleine, petite paysanne inculte, naïve et pure va devenir sa tourneuse de page de partition. Apprenant peu à peu à apprécier la musique classique et à la comprendre, elle s'éprend de Joseph et réciproquement. Un enfant va naître de cette liaison brève mais intense. La cruauté de l'histoire rappellera Madeleine à la libération sa "faute". Elle subira le sort de tant de femmes et jeunes filles, victimes de la vindicte populaire : rasée, humiliée et croix gammée tatouée sur le sein. Joseph, quant à lui, reparti dans son pays avant que Madeleine n'accouche de leur enfant, est condamné à mort pour s'être mutilé afin de ne pas être amené à tuer sur le front russe.
Pendant une dizaine d'années, Madeleine et sa fille Anna vont fuir de ville en ville afin d'échapper à un passé que les personnes bien pensantes jugent honteux. Pour Anne, enfant de l'amour, c'est un véritable défi qu'elle assume avec courage en déclarant haut et fort que son père est allemand... en creusant par ce fait un peu plus sa solitude.

Malgré la gravité du thème abordé, Valentine Goby ne tombe jamais dans le mélodrame. Le style haché est parfois déconcertant : le rythme est infernal et certaines scènes très émouvantes nous remuent les tripes (Cf extrait de la 4ème de couverture).

La 2nd guerre mondiale a été une source d'inspiration pour bien des auteurs mais il est rare que l'inspiration, la sensibilité bousculent les mots avant autant de force que Valentine Goby. C'est un livre intense et très beau, d'une grande force et humaniste.
C'est un roman d'amour mais également sur la lacheté et la rudesse des hommes en période de crise, un roman incandescent qui aborde les zones d'ombre les plus rebutantes.

A noter que l'auteur nous offre trois fins possibles. Malgré cela, ces trois scènes finales nous montrent chacune que la honte reste ancrée à jamais... parfois même sans tatouage sur le sein.

Roman à lire et surtout, ne faite pas comme moi, ne passez pas à côté ! Vous vous passeriez d'un grand moment de lecture.


Merci à Flo de m'avoir indiqué le "bug" sur cet article

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