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"Non" le 8 février : la clause guillotine ne devra pas s'appliquer

Publié le 22 janvier 2009 par Francisrichard @francisrichard
Si le non l'emporte le 8 février prochain, on pourra dire que, le 12 juin 2008, en décidant de fusionner deux objets distincts - la reconduction (aux dix premiers membres) et l'extension (à la Bulgarie et à la Roumanie) d'accords bilatéraux de libre circulation entre la Suisse et l'UE - le Parlement aura commis une sacrée boulette - ce qui, au fond, est peut-être encore pis que la scélératesse que cette fusion représente. C'est la marque des dictatures que de demander à leurs peuples une réponse unique à deux questions distinctes...

Rien n'obligeait le Parlement helvétique à pareille scélératesse, sinon l'intention ouvertement déclarée d'une majorité de ses membres de cirer les bottes des eurocrates de Bruxelles, qui n'aiment pas que les peuples relèvent la tête quand ces derniers cessent de les estimer, et quand ils décident d'entrer en résistance contre eux : salauds de peuples ! Tout irait tellement mieux s'ils n'avaient pas droit à la parole !

La clause guillotine, dont tout le monde parle en ce moment, est l'article 25 de l'accord signé le 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes. Tout le monde en parle. Mais qui l'a lu ? Le voici pour éclairer le propos (il peut d'ailleurs être trouvé directement
ici ) :

Art. 25 Entrée en vigueur et durée

(1)  Le présent accord sera ratifié ou approuvé par les parties contractantes selon les procédures qui leur sont propres. Il entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la dernière notification du dépôt des instruments de ratification ou d’approbation de tous les sept accords suivants:
– 
accord sur la libre circulation des personnes,
– 
accord sur le transport aérien1,
– 
accord sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et route2,
–  
accord relatif aux échanges de produits agricoles3,
– 
accord sur la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité4,
– 
accord sur certains aspects relatifs aux marchés publics5,
–  accord sur la coopération scientifique et technologique6.

(2)  Le présent accord est conclu pour une période initiale de sept ans. Il est reconduit pour une durée indéterminée à moins que la Communauté européenne ou la Suisse ne notifie le contraire à l’autre partie contractante, avant l’expiration de la période initiale. En cas de notification, les dispositions du par. 4 s’appliquent.

(3)  La Communauté européenne ou la Suisse peut dénoncer le présent accord en notifiant sa décision à l’autre partie contractante. En cas de notification, les dispositions du par. 4 s’appliquent.

(4)  Les sept accords mentionnés dans le par. 1 cessent d’être applicables six mois après la réception de la notification relative à la non reconduction visée au par. 2 ou à la dénonciation visée au par. 3.

Fait à Luxembourg, le vingt et un juin de l’an mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, en double exemplaire en langues allemande, anglaise, danoise, espagnole, finnoise, française, grecque, italienne, néerlandaise, portugaise et suédoise, chacun de ces textes faisant également foi.


Comme je le rappelais le 3 décembre dernier  (voir mon article
Christoph Blocher a-t-il changé d'avis sur la libre circulation ? ) : "Cet accord, l'ALCP ( ici ), prévoyait une période de transition depuis le 1er juin 2002 jusqu'au 31 mai 2007. Pendant cette période de 5 ans la libre circulation des personnes était soumise à des conditions, notamment à des contingents et à la priorité donnée aux travailleurs suisses, une préférence nationale en quelque sorte. Ces limites ont été abandonnées il y a seulement 18 mois. Cet accord conclu pour une période de 7 ans doit donc être maintenant renouvelé, avant son échéance le 31 mai 2009."

Cet accord de libre circulation à reconduire - ce qui peut être fait tacitement - est relatif aux dix premiers membres de l'UE. Il n'est pas téméraire d'affirmer que cette reconduction ne suscite pas de rejet de la part de la grande majorité du peuple helvétique. En revanche il serait téméraire de la part du Conseil fédéral de conclure, en cas de victoire du non le 8 février prochain, que le peuple lui donnerait mandat de notifier à l'UE le non renouvellement de l'accord du 21 juin 1999. C'est tout le problème justement de la fusion des deux objets. Cette notification abusive, et anti-démocratique, entraînerait effectivement la caducité des accords bilatéraux I qui figurent à l'article 25 et serait alors de la seule responsabilité ignominieuse du Conseil fédéral.

Avant de prendre une décision aussi désastreuse, à laquelle rien ne l'oblige, toujours en cas de victoire du non le 8 février, malgré ses propres dénégations, celles de parlementaires pris en flagrant délit de forfaiture et celles de média complaisants, le Conseil fédéral devra se faire un devoir d'en avoir le coeur net sur les réelles intentions du peuple. Il sera pour lui urgent d'attendre de savoir si le Parlement - qui peut être convoqué à sa demande en session extraordinaire ou par un quart de ses membres - a l'intention ou non de dissocier les deux objets. Ce qui a été lié en dépit de la démocratie pourra encore être délié.

Comme le rappelle Yves Niddeger sur son blog de La Tribune de Genève ( ici ) : "Il suffit qu’aucun avis de non reconduction ne soit notifié avant le 31 mai 2009 pour que l’accord sur la libre circulation soit reconduit, automatiquement, pour une durée indéterminée. Le 31 mai n’est pas une date butoir mais une date de passage. Si, par un referendum spécifique, le peuple suisse devait rejeter la reconduction, ce qui est hautement improbable, la Suisse aurait alors à résilier l’accord, ce qu’elle peut faire en tout temps, comme le prévoit le traité."

"Quant au rejet de la seule extension à la Roumanie et à la Bulgarie, ajoute-t-il, dans le cadre d’un autre referendum spécifique, il ne ferait tomber aucune guillotine sur les sept accords bilatéraux. Des négociations devraient être ouvertes sur ce seul point avec l’Union européenne qui n’est pas irrationnelle au point de vouloir résoudre un problème particulier sur un point limité des accords en créant un problème général et multidimensionnel avec la Suisse."


Ce que dit le DFAE (Département fédéral des affaires étrangères) sur son site officiel ( ici ) est donc proprement scandaleux. Il affirme implicitement, et sans vergogne, que le couperet de la clause guillotine tomberait en cas de non le 8 février prochain. Quoiqu'on pense de l'extension de la libre circulation à la Bulgarie et à la Roumanie, il est souhaitable que justement le non l'emporte le 8 février prochain. Ce serait une véritable victoire de la démocratie. Le peuple aurait fixé la limite que ni le Conseil fédéral, ni le Parlement ne doivent franchir s'ils veulent respecter l'esprit des lois fondamentales du pays.

Francis Richard

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